chroniques littéraires

Les Pointes Noires, tome 3 : Les Pointes Noires à New York

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous avez passé une agréable semaine. Pour ma part, elle a été marquée par la pluie, ce qui est un peu dommage. Nous sommes partis à Brocéliande le jour où il ne fallait pas, et la pluie nous a empêché de tout voir. Ce n’est que partie remise, heureusement. C’est l’avantage de ne pas être trop loin.

De ce fait, aujourd’hui je vous retrouve pour vous faire voyager. Contrairement à ce que nous dit le titre du livre que je vais chroniquer aujourd’hui, qui s’intitule Les Pointes Noires à New York, ce n’est pas à New York que je vous emmène, mais en Afrique. Ce sera donc un voyage dépaysant. Ce roman est la suite de Les Pointes Noires et Les Pointes Noires à l’Opéra, dont vous pouvez retrouver les chroniques sur le blog. Il s’agit du dernier tome de la trilogie écrite par Sophie Noël. Ce troisième tome termine donc la trilogie, et il est sorti en septembre 2021, aux éditions Magnard Jeunesse. Voici le résumé de ce nouvel épisode :

Après avoir quitté l’Opéra de Paris, Eve aspire à de nouveaux horizons. A New York, elle découvre l’American Ballet Theatre, l’une des plus grandes compagnies au monde avec sa célèbre étoile noire, Misty Coppeland !

Pour Eve, c’est un nouveau rêve, mais il semble inaccessible. Pourtant, le Grand Prix de Lausanne pourrait lui donner un ticket d’entrée dans la prestigieuse école…

Son amitié d’enfance avec Hawa la conduit aussi à renouer avec ses racines dans un voyage au cœur du Mali. Des ballets de Bamako à la danse contemporaine, Eve se découvre peu à peu assez puissante pour réaliser ses rêves.

Dans ce nouveau tome, on retrouve donc Eve après son choix d’abandonner l’Opéra de Paris à cause du racisme qu’elle a été obligée de supporter dans l’institution. La jeune fille est donc retournée au collège, mais elle manque d’objectif. Elle veut devenir ballerine, mais elle doit retrouver une école sérieuse pour cela, alors même qu’elle a abandonné la meilleure. Son rêve se porte alors sur l’American Ballet Theatre, pour qu’elle puisse obtenir une bourse pour y entrer, elle doit se démarquer lors du célèbre prix de Lausanne. Hawa lui demande aussi de venir au Mali avec elle, pour l’association qu’elles ont monté, afin de faire découvrir la danse là-bas. Eve doit donc affronter son passé pour préparer son avenir.

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage d’Eve, qui est donc l’héroïne de ce roman. C’est un plaisir de la retrouver, car c’est un personnage que j’ai bien aimé dans les tomes précédents. C’est ainsi une jeune fille courageuse, qui se donne à fond pour sa passion, mais aussi pour ses valeurs. Elle refuse de nier ces dernières, et c’est pour cela qu’elle a fini par abandonner l’Opéra de Paris, qui dénigrait sa culture et sa couleur de peau. On la retrouve donc ici assez marquée par ce choix. Elle ne le regrette pas, car elle sentait qu’elle n’avait plus sa place là-bas, mais elle ignore où se trouve celle-ci maintenant. Elle est donc en plein doute, et c’est alors intéressant de la voir se demander comment elle va pouvoir atteindre son rêve maintenant qu’elle n’est plus dans l’école considérée comme la meilleure du monde. Elle a certes des idées, mais elle craint de les mettre en place. Son échec à l’Opéra l’a donc meurtrie, et elle est plus craintive, ce qui nous permet de nous mettre à sa place. Ce que j’ai alors apprécié, c’est que cet échec lui permet de se rapprocher de sa mère, qu’on avait moins vue dans le deuxième tome, et aussi de Madeleine, son mentor. On sent donc qu’Eve est une jeune fille qui a encore besoin de ses proches auprès d’elle, afin de la conseiller et de la rassurer. J’ai aimé retrouver la complicité qu’on pouvait avoir dans le premier tome, entre Eve et ses proches. De plus, Hawa, que nous avions retrouvée lors du deuxième tome, est aussi plus présente, et c’est donc intéressant et plaisant de voir les deux amies se retrouver. Il y a cependant des conflits, et j’ai trouvé qu’Eve ne montrait pas toujours sa meilleure part d’elle-même. Ainsi, elle va montrer sa jalousie face à Hawa, ce qui montre assez bien la détresse qui l’entoure. Eve a beaucoup de mal à savoir comment réagir face à sa meilleure amie d’autrefois, et comme elle doute sur son avenir, elle est assez agressive. Le fait de revenir au Mali la chamboule aussi, et on sent que le traumatisme de ses origines n’est pas encore absorbé. C’est donc intéressant de la voir être confrontée aussi à ses origines, mais j’ai trouvé qu’elle se montrait parfois condescendante, pas aussi agréable que lors du premier tome, et elle m’a parfois agacée dans ses réflexions. Elle a un côté bougon qu’on avait pas vu jusque-là, alors qu’elle était plutôt souriante, et cela m’a un peu déstabilisée. Cela montre aussi qu’elle a grandi. Ce qui m’a dérangé également, c’est qu’Eve n’a pas véritablement d’échecs. Je reviendrais là-dessus en fin de chronique, mais tout semble trop simple pour elle, ce qui fait qu’elle s’énerve sur des détails, et cela en devient assez agaçant. J’aurais aimé qu’elle éprouve plus de difficulté, même si le fait d’être ainsi confrontée à ses origines la perturbe déjà. Je me suis moins attachée à elle que dans les tomes précédents, et cela m’a manquée ici.

Moi, en revanche, j’ai l’impression d’être un bloc de béton. Je retiens mes gestes, je ne ressens rien. La musique est expressive, oui. Mais je ne sais pas ce que j’ai : je ne parviens pas à me l’approprier, je suis complètement bloquée. Je regarde désespérément autour de moi. Même les plus petits semblent envoûtés par la musique et sont totalement entrés dans la danse. J’ai soudain envie de tout arrêter. Qu’est-ce que je fais là ? Je ne suis pas à ma place. Je suis ridicule. Non, c’est cette façon de danser qui est grotesque. Je déteste !

je m’arrête, les bras ballants, et sors du groupe. Ils continuent à danser, comme s’ils ne s’étaient même pas aperçus que je n’étais plus là. Je m’appuie dos au mur. Je sens une envie de vomir. La musique envahit ma tête violemment. C’est trop dur.

Je quitte la salle et me retrouve dans la rue. Devant moi, de très jeunes enfants tapent dans leurs mains en rythme.

Je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne plus rien entendre.

Parlons maintenant des autres personnages. Comme je l’ai dit plus haut, j’ai été assez contente de revoir plus la mère d’Eve et Madeleine. Cette dernière est un personnage que j’avais beaucoup aimé dans le tome un, que l’on revois aussi dans le tome deux, mais qui est moins présente. Ici, elle retrouve donc toute sa fonction de mentor et de guide d’Eve, et elle est également celle qui la pousse à réaliser son rêve. En effet, comme Eve doute beaucoup, Madeleine prend les choses en mains. C’est donc agréable de la voir pousser Eve, lui montrer qu’elle peut atteindre son rêve, mais qu’elle ne doit pas se décourager. Elle est presque une mère pour elle, et c’est donc plaisant de voir leur relation. Hawa est aussi très présente, et elle pousse également Eve dans ses retranchements, en lui rappelant d’où elle vient. Hawa est très généreuse, mais elle ne parvient pas à comprendre ce qui bloque Eve dans son rapport avec le Mali. Elles n’ont pas eu la même enfance, la même évolution, et cela se ressent alors. Et Hawa est un peu plus mûre qu’Eve, ce qui va entraîner une certaine jalousie entre les deux filles, à cause d’un garçon. J’ai apprécié de retrouver David, mais on sent qu’il est de trop dans la relation des deux filles. On sent toutefois qu’Hawa, même si elle ne la comprend pas, pose les bonnes questions à Eve, qu’elle est capable de la pousser dans ses retranchements, de la pousser à ouvrir les yeux sur ce qui la gêne. J’ai donc apprécié le fait qu’elle ne lui laisse rien passer et qu’elle la guide comme elle le fait. Elle a une capacité d’écoute qui est appréciable ici. Enfin, nous avons de nouveaux personnages, à l’image de Sémi et de Numa. Ce sont les personnages qu’Eve va rencontrer au Mali. J’avoue que je suis restée un peu frustrée sur ces personnages-là, que j’aurais aimé voir être davantage exploités. Je suis restée sur ma faim, surtout avec Sémi, dont j’aurais connaître l’histoire. J’ai trouvé qu’il n’était pas vraiment présent, sauf pour décoincer Eve, et je trouve dommage qu’il soit relégué à ce rôle très simple.

– Sémi le rebelle, présente Bintou.

Puis elle baisse la voix :

– Mais vous allez voir, il est très doué.

Il a l’air d’avoir mon âge. Grand et mince, il se déplace avec une grâce désabusée.

– Et toi, alors ? Tu viens d’où ? lance-t-il à mon intention, remarquant que je le détaille.

Je suis un peu surprise de la rudesse de son ton qui me bloque l’envie de parler. C’est Bintou qui explique à ma place :

– Hawa vient du Canada et Eve de France. Eve est danseuse. Elles sont là toutes les deux pour nous aider.

– Comme si les riches en avaient quelque chose à faire de nous ! râle Sémi en posant l’appareil au sol et en le connectant.

J’en arrive donc à l’histoire en elle-même. Pour moi, ici, elle est surtout concentrée sur le retour d’Eve au Mali, et finalement, comme vous avez pu le voir avec le titre, New York n’est pas vraiment présent, ce n’est que l’objectif d’Eve. De la même manière, le prix de Lausanne est assez vite expédié. Je reviendrais dessus lors de l’analyse de l’écriture, mais pour moi, on est davantage sur l’acceptation des origines d’Eve que sur son parcours de danseuse. Néanmoins, j’ai apprécié ce retour. On sent alors tout le décalage entre la vie d’Eve en France et celle qu’elle aurait eue en restant au Mali. C’est un vrai choc pour elle, et j’ai trouvé cela intéressant, car cela permet aussi de montrer qu’il est important pour les enfants adoptés de savoir d’où ils viennent pour continuer d’avancer, et dans le même temps, de prendre conscience d’une certaine chance, même s’ils n’ont rien choisie. Cela permet ici à Eve de comprendre d’où elle vient, mais surtout de se lâcher, comme si le nœud qu’elle avait, et dont elle n’avait pas conscience, se dénouait. Elle va découvrir qui elle est, ce qu’elle veut être, et qu’elle a aussi des choses à faire. Grâce à Hawa, elle prend conscience qu’elle est un modèle pour tous, et qu’elle a un rôle à jouer dans leur évolution. C’est un voyage très dépaysant qu’elle fait, qui l’est aussi pour le lecteur, mais qui est très enrichissant. J’ai donc beaucoup aimé cet aspect, cette ouverture qui arrive alors dans la vie d’Eve et qui lui permet de devenir une meilleure personne, et une meilleure ballerine.

Le coup de poing dans le ventre. J’encaisse sans un mot ce que je découvre. Nous avons parcouru en taxi les deux kilomètres qui séparent notre hôtel grand luxe de l’endroit le plus dévasté de la ville. Et quand je dis dévasté…

Je suis face à un océan de tôles ondulées. De la poussière s’élève en permanence des chemins qui quadrillent le bidonville à la manière d’un labyrinthe. Une clameur s’en échappe, ainsi que de la musique qui semble venir de milliers de postes de radio. Ce que j’ai vu sur les documentaires n’est rien par rapport à la réalité.

Située à l’entrée du bidonville, la maison communautaire où nous avons rendez-vous en cette fin de matinée est construite sur un terrain vague, lui-même englouti sous des monceaux d’ordures. Une décharge à ciel ouvert. Où jouent des petits enfants, pieds nus, pataugeant dans les déchets. Un peu plus loin, les maisons qui ressemblent à des boîtes sont soutenues par des morceaux de bois, des briques cassées ou des pierres qui tiennent on ne sait comment. Serrées les unes contre les autres, elles n’ont pas de portes, et des ouvertures minuscules servent de fenêtres.

J’en arrive donc à l’écriture de ce roman. Il se lit toujours aussi bien, l’écriture est fluide et les chapitres s’enchaînent bien. J’ai beaucoup aimé les descriptions du Mali, même si j’aurais aimé qu’il y en ait plus. On est bien plongé dans les doutes et les problèmes d’Eve, et c’est toujours sympathique de découvrir comment elle va atteindre son rêve. Toutefois, et c’est pour moi le point noir de ce dernier tome, c’est qu’il aurait dû être en deux tomes. En effet, comme je l’ai mis plus haut, l’histoire se concentre sur Eve et son rapport avec ses origines, et si j’ai beaucoup aimé cela, j’ai trouvé que le prix de Lausanne est alors mis de côté et pas assez exploité. On a certes la sélection, mais j’aurais aimé que cela soit plus sur le devant de la scène. Cela est alors assez expédié, et le prix de Lausanne occupe que quelques chapitres. De plus, Eve n’a alors pas de véritables échecs, et c’est un peu frustrant qu’elle réussisse tout du premier coup. Je n’ai pas trouvé cela crédible. Cela paraît trop simple, et cet aspect est accentué par l’épilogue, qui pour moi est en trop. Certes, nous sommes sur un livre pour enfant, et il faut vendre du rêve, mais là, ça paraît vraiment trop simple. Un tome supplémentaire aurait été bienvenu pour montrer justement la suite du parcours d’Eve menant à cet épilogue.

En résumé, j’ai pris plaisir à lire ce troisième tome et cette série, mais j’ai moins accroché à cette fin. J’ai trouvé qu’Eve pouvait être agaçante par moment, je me suis moins attachée à elle à cause de ce qu’elle montre face à Hawa, même si ses doutes sont intéressants. Les personnages secondaires sont en retrait, pour les nouveaux, et j’aurais aimé qu’ils soient davantage exploités, comme le prix de Lausanne. C’est agréable de découvrir le Mali, mais un tome supplémentaire aurait été intéressant pour bien terminer la série. La série est sympathique, je vous en conseille donc sa lecture, même si j’ai moins accrochée à ce dernier tome.

Et vous ?

Cela vous arrive-t-il d’être déçu par une fin de série ?

Quelle est votre dernière déception rentrant dans cette case ?

Ou, au contraire, êtes-vous toujours satisfaits des fins ?

Pourquoi ?

Bon samedi à tous 🙂

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