chroniques littéraires

Les Pointes Noires, tome 2 : Les Pointes Noires à l’Opéra

Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez un bon weekend. Ici, je suis dans les microbes. Je suis encore malade, et ce que j’avais déjà constaté lors de ma première année en travaillant au collège semble se confirmer, les lycéens passent moins leurs microbes que les collégiens. Bon, tout cela est un peu faussé par le fait que j’avais le masque au lycée. Mais j’ai tout de même le sentiment que je tombe plus facilement malade depuis que je suis revenue au collège. Ceci n’empêche pas que je préfère être au collège, mes élèves sont tellement agréables.

En parlant de collégiens, je reviens vers vous ce matin avec un nouvelle article, sur l’une de mes toutes dernières lectures. Ce matin, je vais vous parler de la suite de la trilogie Les Pointes Noires, écrite par Sophie Noël. J’avais lu le premier tome il y a quelques semaines, vous pouvez d’ailleurs retrouver sa chronique ici. Je suis donc passée au tome 2 cette semaine, et celui-ci s’intitule Les Pointes Noires à l’Opéra. Ce deuxième tome est sorti en mars 2020 aux éditions Magnard Jeunesse. Je rappelle qu’il s’agit d’un roman jeunesse contemporain. Voici son résumé :

Ève entame sa deuxième année dans la prestigieuse et exigeante école de danse de l’Opéra de Paris. Au-delà de la rude concurrence et de la solitude, elle se demande si sa couleur de peau ne l’empêchera pas d’accéder aux rôles qui la font rêver… Elle cherche alors à retrouver Hawa, avec qui elle a tout partagé dans l’orphelinat malien qui les a vues grandir. « Le monde n’est pas si grand », lui avait dit sa mère, et Ève veut croire que son amie l’attend toujours quelque part. Des ballets féeriques aux costumes chatoyants, en passant par un lointain voyage et les turbulences de l’adolescence, Ève vit à cent à l’heure tous les bouleversements de sa vie de ballerine. Parviendra-t-elle à s’élever vers les étoiles tout en renouant avec les racines de son enfance ?

Dans ce nouveau tome, nous retrouvons Eve, qui rêve toujours de devenir ballerine. Pour se rapprocher de ce projet, elle est parvenue à s’inscrire à l’école de danse de l’Opéra de Paris, qui est sans doute l’école de danse la plus célèbre dans le monde. Mais c’est aussi la plus exigeante, et si Eve s’était préparée à certaines difficultés, elle n’en avait pas anticipé d’autres. La pression devient telle qu’elle va se poser des questions, et le retour d’une ancienne amie fera peser la balance d’un côté qu’elle n’avait pas anticipé.

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage de Eve. J’avais beaucoup aimé, dans le tome 1, sa détermination et son envie de réussir. On retrouve donc cela ici, car Eve continue de garder en tête la promesse qu’elle a faite à Hawa, son amie du Mali, sa sœur de cœur, ainsi qu’à tous ses proches. Elle compte bien devenir la première étoile noire de l’Opéra de Paris, et elle se donne tous les moyens possibles pour atteindre cet objectif. Néanmoins, alors qu’on l’avait laissé dans l’enfance, on la retrouve ici au début de son adolescence. Des problèmes, comme les premières règles, arrivent, et Eve se rend compte de la solitude qui entoure désormais sa vie, du fait qu’elle ne peut pas profiter de sa jeunesse comme le font les autres, comme le fait sa meilleure amie Camille. Cela remet donc en question ses projets, même si Eve ne compte pas abandonner la danse pour autant. Ce que j’ai apprécié aussi beaucoup, c’est que la rébellion qu’on avait aperçue chez elle dans le premier tome, avec les réflexions racistes qu’elle recevait à l’école et au cours de danse, est davantage exacerbée dans ce tome. Ainsi, Eve sort davantage les griffes, et elle ne se laisse plus faire. Elle n’a plus envie de rentrer dans le moule qu’on prévoit pour elle, et sa personnalité s’affirme tout au long du roman, jusqu’à l’explosion. J’ai apprécié cela, car on voit bien comment Eve ne supporte plus certaines choses, et comment elle a aussi envie de faire bouger les lignes. Ce qu’elle vit est assez dur, toute seule, et on comprend donc comment elle en arrive à sa décision, à la fin du roman. On a toujours autant d’empathie pour elle, et j’ai apprécié de la voir grandir dans ces deux tomes.

– Enfin, Eve, tu ne vas pas vivre comme ça toute ta vie ! Tu te rends compte de tout ce que tu rates pour la danse ? Tu crois que ça en vaut vraiment le coup ?

Je ne dis rien. Bien sûr que ça en vaut le coup, mais j’ai quand même un nœud dans le ventre.

(…) Elle raccroche brutalement. Je reste un moment le téléphone collé à l’oreille, pensive. D’un côté, je sais que j’ai raison de faire attention à moi et, de l’autre, je me dis que je rate sûrement de bons moments avec d’autres jeunes de mon âge. Et puis je déteste faire de la peine à ma meilleure amie…

J’en arrive à présent aux personnages secondaires. Ils sont plus nombreux et plus contrastés que dans le premier tome. Ainsi, nous avons la petite mère d’Eve, qui n’est pas très présente, mais sur qui la jeune fille peut compter en toute circonstance. J’avoue que j’aurais aimé voir plus Aurélie, et qu’elle conseille davantage Eve, mais la relation, même à distance, qu’elles ont est assez intéressante. Ensuite, il y a Dewei, qui fait un bon petit père de remplacement, mais qui a le défaut de rester dans le moule. C’est un Asiatique qui a tout plaqué pour venir à l’Opéra, et il donc normal qu’il n’ait pas envie de renoncer à son rêve vu tous les sacrifices quotidiens que ce dernier lui demande. Il reste toutefois un soutien fidèle à Eve, et j’ai apprécié la manière qu’il a de veiller sur elle et de la conseiller. Mais le personnage que j’ai préféré, c’est celui de David. En effet, c’est le moins conventionnel des danseurs de l’Opéra, et j’ai apprécié sa réflexion sur ce qu’ils vivent tous. Il est le plus lucide du groupe, et j’ai apprécié les conseils qu’il donne aux autres. C’est un personnage que j’aimerais revoir ensuite. Enfin, j’ai apprécié les retrouvailles entre Eve et son autre amie, dont je ne vous dirais rien de plus. Mais c’était un bon moment dans le livre, que je n’attendais pas à ce moment-là.

– Vous n’en avez pas marre, vous, de ce dressage ? martèle David en riant. Franchement, je crois que je ne me sens pas assez poney, comme mec. Ou pas assez mouton. J’assume.

J’admire son franc-parler et son désir de liberté. Dewei m’a dit que David avait accepté l’idée qu’il n’irait pas dans le corps de ballet de l’Opéra. Il n’en a plus envie et, même s’il adore la danse et y met tout son coeur, il s’est éloigné du moule parfait qu’on impose aux danseurs.

– Mais tu vas faire quoi, après ? lui demande Inès, une des filles présentes.

– Plein de trucs, tout est possible ! Il y a d’autres compagnies, d’autres villes et d’autres pays où danser… Partout !

– Quand même, intervient Mathias, la discipline de l’école de Paris, tu ne la retrouves nulle part. C’est l’école la plus réputée du monde.

– Tu sais ce que disait Béjart ? Que notre problème, c’est l’éducation trop aseptisée, trop technique et trop physique. Ca fait que les danseurs perdent leur sens de l’aventure et leur personnalité. Avant, les monstres avaient des défauts, qu’ils savaient sublimer. Le technique, c’est bien, mais si elle est trop conforme au modèle, on perd en créativité. Et moi, ça, je ne veux pas que ça m’arrive.

Le roman tourne cette fois autour de la pression que l’on retrouve à l’Opéra de Paris. Cette dernière avait été un peu évoquée pendant le tome 1, sans vraiment s’attarder dessus, puisque ce n’était pas le propos du livre. Cette fois, on découvre l’intérieur de l’institution, et ce roman dépeint vraiment à quel point cela est difficile de vivre là-bas. En effet, l’institution ne semble pas vraiment avoir évoluée, et être d’une autre temps. Le cadre est très rigide, et l’école veut renvoyer une excellence qui ne suit pas les mouvements de la société. On peut critique ou apprécier cela, mais j’avoue que les romans que j’ai lu sur la danse qui parlait de l’école de l’Opéra ne montrait pas une image aussi critique de l’école, alors qu’en vérité, cela le devrait. Je pense qu’ici, dans ce roman, la cible est autre. On n’est pas seulement là pour faire rêver les enfants, mais aussi pour leur dire la vérité, pour rappeler à quel point cela peut être dur pour certains enfants, et à quel point la concurrence règne. Maintenant, j’ai aussi un regard d’adulte, et je me dis que ce que vivent ces enfants est compliqué pour eux, et que si cela fonctionnait avant, cela ne veut pas dire que c’est à continuer. On retrouve aussi ici une certaine critique des ballets classiques traditionnels, qui sont, en effet, d’un autre temps. J’ai apprécié cette remise en question qu’on trouve dans ce tome 2, avec justement l’idée que le racisme de l’époque, qui était jugé normal, ne l’est plus. De plus, avec le voyage d’Eve, on a ici une remise en question qui est internationale, avec un regard canadien et une remise en question qu’ils ont déjà faite. Cela montre donc que c’est possible. Ce deuxième tome va donc plus loin dans la remise en question du racisme institutionnalisé, dans une institution comme l’Opéra de Paris.

– Oh, je n’ai rien réussi du tout ! Je suis à l’école de danse, mais mes chances de rentrer dans le ballet de l’Opéra sont tellement minces ! Figure-toi qu’il n’y a pas d’étoiles noires, là-bas, pas une seule. On m’a déjà fait tellement de réflexions sur la cambrure de mon dos, sur la rondeur de mes fesses ! Tu n’imagines pas : je n’ai pas de pointes à la couleur de ma peau, on me met du fond de teint beige pour éclaircir mon visage quand je dois monter sur scène.. Et il y a pour l’instant de nombreux ballets dans lesquels je ne pourrai jamais danser, car je serais une « distraction » au milieu de l’ensemble des danseuses blanches.

(Elle) est estomaquée. Moi-même je n’en reviens pas d’avoir tout ça sur le cœur et que cela sorte seulement maintenant. mon amie murmure presque :

– Mais je ne comprends pas. tu es si douée et…

– Je suis peut-être douée.. mais je suis noire.

En ce qui concerne la lecture de ce roman, elle reste toujours fluide et agréable. Le roman se lit bien et les chapitres s’enchaînent facilement. Je l’ai lu en quelques heures. L’évolution d’Eve est bien construite, on suit ainsi ses doutes, ses peurs, et ses espoirs. J’ai apprécié la construction du roman, et j’ai même réussi à être surprise lors de ses retrouvailles. On est bien plongé dans l’environnement de la danse et de l’Opéra de Paris, et j’ai apprécié la petite visite au Canada. J’ai hâte de lire le dernier tome, pour voir ce qui va arriver à Eve.

En résumé, j’ai pris plaisir à lire ce deuxième tome et à retrouver le personnage d’Eve en plein doute sur ce qu’on attend d’elle et sur ce qu’elle-même attend de la vie. C’est assez intéressant de la voir grandir et de se poser ces questions, et de se rendre compte que certains sacrifices n’en valent pas le coup. J’ai aimé sa réflexion et la manière dont le roman était construit, avec sa critique de l’institution et du racisme latent à l’intérieur. J’ai hâte de lire le prochain tome et de voir la prochaine évolution d’Eve. Je vous en conseille la lecture si vous aimez les romans sur la danse.

Et vous ?

Aimez-vous lorsque les romans jeunesses montrent la réalité de notre monde ?

Ou pensez-vous au contraire que certains sujets n’ont pas leur place dans les romans jeunesses ?

Pensez-vous qu’on puisse parler de tout dans ces romans-là ?

Bon dimanche à tous 🙂

2 réflexions au sujet de « Les Pointes Noires, tome 2 : Les Pointes Noires à l’Opéra »

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