chroniques littéraires

L’Eveil des Sorcières, tome 1 : L’apprentissage de Nora

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous gardez le moral face aux nouvelles; Pour ma part, j’essaye de m’en tenir loin, et dans le même temps, j’ai besoin de savoir où nous en sommes par rapport à l’épidémie, et autant le dire, les nouvelles ne sont pas rassurantes. J’espère bien réussir à rester protégée le plus possible cette année, même si cela n’est pas évident avec le fait de prendre les transports en commun en permanence entre mes deux lycées. Je suis moins sereine que l’année dernière. En plus, hier, j’étais en portes ouvertes dans mon lycée, et le fait de se retrouver avec autant de personnes autour de moi, parfois non masquées correctement, cela met un coup de pression. L’épidémie reste toujours dans un coin de ma tête, même en classe.

Heureusement, nous avons la lecture pour nous évader, et je vous retrouve justement aujourd’hui pour vous parler de l’une de mes dernières lectures. Pour une fois, ce sera un roman vraiment jeunesse, avec un ton qui s’adresse aux élèves de primaire. Ce roman est un roman connu dans la blogospèhre, puisqu’il est écrit par l’ancienne blogueuse Cordelia, dont vous pouvez déjà retrouver d’autres de ses romans chroniqués sur le blog. En tout cas, je vous parle de l’une de ses dernières sorties, qui est le roman fantastique L’Eveil des Sorcières. Il s’agit d’une trilogie dont le dernier tome sort l’année prochaine. Le premier tome, intitulé L’Apprentissage de Nora, celui dont je vais vous parler aujourd’hui, est sorti en août 2021 aux éditions Scrineo. Voici son résumé :

Vous ne devinerez jamais ce qui m’est arrivé ! Après avoir causé un tremblement de terre à l’école, j’ai découvert que j’étais une sorcière ! Moi, Nora ! J’ai donc commencé mon apprentissage avec deux autres élèves, Maelys et Rajan, et Mme Wàn, ma prof de musique. Et oui, elle aussi c’est une sorcière, je ne m’en serais jamais doutée !

Et puis, on a aussi découvert qu’un groupe de garçons de notre collège avaient mis en place un jeu hyper sexiste. Alors, on a décidé de se servir de nos pouvoirs pour leur donner une bonne leçon…

Dans cette histoire, nous suivons donc une jeune héroïne, qui est censée être au collège, et qui après une colère, provoque un tremblement de terre. Elle se découvre alors des pouvoirs magiques, et être une sorcière. Tandis qu’elle commence son apprentissage de sorcière, Nora découvre que des garçons de sa classe ont lancé un jeu qui consiste à toucher les attributs des filles, et à s’attribuer des points. Nora décide de régler cela à sa manière, c’est-à-dire avec la magie.

Je commence cette chronique tout de suite par vous parler du ton du roman, et donc de l’écriture de l’autrice. Je sais que normalement je réserve ça à la fin de la chronique, mais j’ai ici besoin de commencer par ce point-ci. En effet, à mon sens, l’écriture est le gros point noir de ce roman. Je ne dis pas que l’autrice écrit mal, car je sais, pour avoir lu d’autres de ses romans, que ce n’est pas le cas, et j’aime normalement sa plume. Seulement, le ton de ce roman est très jeunesse, et cela m’a dérangée. Bien évidemment, je sais que nous sommes face à un roman pour enfants, et ce n’est, à mes yeux, pas ça le problème. En fait, ce que je déplore ici, c’est que nous sommes face à une héroïne qui a entre douze et treize ans, qui est en 5e puisque c’est précisé à de nombreuses reprises dans le roman, et qui a en fait un parlé beaucoup plus jeune à mon sens. Peut-être que ma vision des enfants de cet âge-là est faussée parce que je travaille dans un collège-lycée depuis plusieurs années et que même les élèves de collèges parlent comme des adolescents, mais j’ai trouvé qu’il y avait un décalage entre Nora, son âge, et la manière dont elle s’exprime, qui est trop enfantine pour son âge. Et lorsqu’on compare d’autres héros de son âge dans d’autres romans de la littérature jeunesse écrits il y a dix ans, comme Ewilan ou Le Livres des Etoiles, on se rend compte que le parlé n’est pas le même, et ce décalage-là m’a gênée, car j’ai eu le sentiment que l’écriture manquait de maturité, et que cela était adressé à un public bien plus jeune. J’avais le sentiment de me retrouver face à une élève de primaire. En tout cas, c’est le ressenti que j’ai lorsque je compare avec les élèves que j’ai devant mes yeux. La plume aurait méritée d’être plus élaborée.

Si je vous parle de l’écriture de ce roman et de son ton, c’est justement parce que c’est Nora le personnage principal, et le narrateur de ce récit. Or, comme je l’ai trouvée très immature, je ne suis pas parvenue à m’attacher à elle. En fait, je ne me suis pas du tout reconnue en elle, et j’ai trouvé cela dommage. Certes, on peut être séduit par a manière dont elle découvre la magie, qui est assez plaisant, et dans le même temps, j’ai trouvé que la réaction qu’elle avait face à ce phénomène manquait de crédibilité. On passe beaucoup de choses sous silence, et j’ai trouvé que Nora acceptait trop facilement l’état de ses pouvoirs. En fait, elle nous présente cela comme si c’était normal, comme si elle avait toujours su qu’elle était une sorcière. On ne voit pas ses amis, sauf quant cela est nécessaire, à la fin, et on n’a donc pas les moments où elle est obligée de leur mentir, de les tenir à l’écart de sa vie. C’est aussi la même chose avec ses parents. De ce fait, on a le sentiment que Nora est une sorcière dès le début, et que cela ne la perturbe pas, alors qu’on pourrait avoir un décalage justement intéressant avec cette idée, ou une projection de ses envies face à ses pouvoirs, le fait qu’elle s’en étonne, qu’elle veuille en savoir plus, d’autant que ses origines pourraient mener à cette quête de savoir, ou même qu’elle s’entraîne face à ses pouvoirs. Mais cela n’est pas le cas. Elle passe d’ailleurs trop facilement d’une certaine sidération face à la magie à une envie de l’utiliser partout, voire de se venger grâce à elle. Cet aspect de la personnalité de Nora m’a aussi dérangée, parce que je n’ai pas vu le bien dans ce qu’elle fait, et elle entraîne tout le monde avec elle. Et j’ai retrouvé ces points noires dans son physique. Elle nous répète qu’elle est victime de grossophobie, mais cela on ne le ressent pas à la lecture, tout comme on ne ressent pas le fait qu’elle soit choquée par rapport aux agressions sexuelles qu’elle subis. On sait qu’elle est choquée, mais on ne le ressent pas. En vérité, je n’ai pas du tout eu d’empathie pour Nora, et cela m’a vraiment manqué à la lecture. Par contre, j’avoue que j’ai beaucoup aimé sa générosité, et le fait qu’elle veuille aider tout le monde. Elle une belle manière de penser, même si elle est capable d’utiliser la vengeance pour arriver à ses fins.

– Moi, je veux aider les autres ! je m’exclame en levant le poing.

Harmonie me sourit.

– Je suis sérieuse, j’insiste. On a des pouvoirs magiques, on a la possibilité d’aider les autres ! On devrait même plus aider ! Je comprends pourquoi l’existence des sorcières doit rester secrète, mais ça ne nous empêche pas d’agir ! On pourrait régler plein de problèmes avec la magie ! (…) On peut multiplier de la nourriture, faire de la lumière sans électricité, les balais volants fonctionnent sans essence ni rien ! On pourrait faire repousser les forêts, faire disparaître les déchets…

En ce qui concerne les personnages secondaires, j’ai trouvé qu’ils manquaient de consistance. Je veux bien qu’on n’e sache pas plus sur Rajan ou Maelys, puisqu’ils seront les personnages centraux des autres romans, mais ce n’est pas le cas des autres personnages. D’ailleurs, j’ai préféré le personnage de Maelys, sans doute parce qu’elle est plus présente que Rajan, qui est beaucoup trop effacé à mon goût. Dans le même temps, les deux suivent immédiatement les idées de Nora, et j’ai du mal à voir leurs personnalités être mises en évidence. Mais ce qui m’a vraiment déçue, c’est qu’on n’en sache pas plus sur Harmonie et son passé, et surtout, sur pourquoi Bastien est tel qu’il est. En effet, je veux bien qu’on dénonce le sexisme et les jeux que font les garçons, c’est normal, et c’est le but de ce roman, d’être un livre engagé tout en traitant de la magie. Néanmoins, ce qui m’a profondément manqué, c’est le manque de nuance qui est amené ici. Bastien est présenté comme le méchant, celui qui fait du mal aux autres, mais on ne cherche pas à savoir pourquoi, on ne cherche pas une explication, qui ne doit pas être confondue avec une excuse. Ce qu’il fait est mal et il doit être puni pour cela, mais pourquoi est-ce qu’il le fait ? Pourquoi Rajan ne participe-t-il pas au jeu ? Pourquoi les autres suivent Bastien ? Ce sont pleins de questions que j’ai eu au cours de ma lectures, et auxquelles je n’ai pas de réponse, et je trouve cela dommage.

Je me tourne vers Rajan. Il n’a pas l’air enthousiaste.

– Harmonie ne voudrait pas qu’on utilise nos pouvoirs pour faire du mal.

Je lève les yeux au ciel. Quelle poule mouillée.

– Elle n’a pas besoin de le savoir. Et on ne va pas « leur faire du mal’, juste leur donner une petite leçon, hein, Maelys ?

Ma camarade apprentie sorcière hoche la tête. Au moins, elle est d’accord avec moi. Rajan soupire. Je le regarde se balancer, comme s’il hésitait.

– T’es avec nous ou pas ?

Je n’ose pas aller lui dire que ne pas être de notre côté, c’est être déjà un peu contre nous.

J’en arrive à présent à l’univers proposé. J’ai dans l’ensemble apprécié ce dernier, même si des réponses manquent là encore pour qu’on en saisissent toute la portée. J’ai trouvé intéressant le fait que la magie soit vue comme une musique, une partition, pour Harmonie, et que cela soit enseigné à ses élèves de cette manière, même à Maelys qui est sourde, ainsi que l’histoire des prénoms de sorcières, et le fait que Rajan, qui est un garçon, soit considéré comme une sorcière, puisque ce sont elles qui portent la magie. L’idée est donc intéressante et plaisante, tout comme le fait qu’on est sur une magie colorée en fonction de l’aura de chacun, ce qui donne un côté très visuel non seulement aux pouvoirs de chacun, mais aussi à la personnalité de tout le monde, et aux couvertures de chaque ouvrage. L’univers est vraiment agréable, et c’est pour moi la grande force de ce livre. L’idée d’apprentissage est bien menée et bien construite. Le fait d’aborder le harcèlement sexiste est aussi une bonne idée, mais si j’ai eu le sentiment qu’on allait pas au bout puisque ne sont à aucun moment évoquer les raisons, les causes de ce harcèlement, et qu‘il n’y a en fait pas de véritable résolution non plus. Le fait qu’Harmonie camoufle les actes de ses élèves est aussi pour moi à revoir. Non pas qu’elle aurait dû les dénoncer, mais une sanction, même minime, pour avoir dépasser les règles, aurait été bien, notamment parce que c’est son rôle d’éduquer, et de ne surtout pas tout cautionner.

– Je me demandais, commence Rajan alors qu’il renferme son cartable après avoir rangé sa cape d’apprentie, est-ce que la magie est toujours liée à la musique ? Ou c’est parce que t’es prof de musique et que tu aimes bien chanter ?

Harmonie a un sourire mystérieux. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’elle ne va pas répondre et nous laisser là avec nos interrogations, mais finalement elle se décide à nous expliquer :

– La musique est ma spécialité depuis toujours, mais chaque sorcière pratique la magie a sa façon. Je vous apprends la mienne pour l’instant, mais il est possible que vous développiez vos propres talents avec le temps.

En résumé, j’ai trouvé que l’histoire était une bonne idée, et j’ai apprécié la mise en place de l’univers magique, ainsi que le fait de placer le harcèlement sexuel dedans, notamment parce que cela permet d’éveiller les consciences dessus. Néanmoins, je regrette de ne pas m’être attachée du tout au personnage de Nora, ou même aux autres personnages secondaires. J’ai trouvé l’écriture et la manière de parler de Nora trop enfantine, et les actions faites par le groupe sont à nuancer, car il manque beaucoup d’aspect dans le roman, comme de réponses aux questions ou des nuances pour chacun des personnages. Le roman convient aux plus jeunes, mais il a ses limites. Je le conseille pour les enfants, niveau primaires et des élèves de début de sixième, le ton correspond à eux, et ils se retrouveront parfaitement dedans. En tout cas, je compte bien lire la suite pour savoir comment seront exploités les personnages de Maelys et de Rajan, parce que j’ai envie de voir leurs personnalités propres, et parce que l’univers m’a plu.

Et vous ?

Est-ce que vous faites attention à la manière dont le narrateur s’exprime ?

Est-ce que vous préférez lorsque les romans sont écrits à la troisième personne ?

Le fait d’avoir un livre engagé vous dérange-t-il ?

Bon dimanche à tous 🙂

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