chroniques littéraires

Lebenstunnel

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Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien, en ce week-end de Pâques, et que vous n’avez pas abusé des chocolats. J’adore les chocolats, comme beaucoup de gens, et c’est un super moment pour profiter de lire avec un carré, ou deux, entre les mains. Il faut néanmoins faire attention de ne pas tâcher les pages, pour ne pas se retrouver avec un livre qui sent le chocolat.

Aujourd’hui, je vous retrouve pour vous parler d’un roman bien sombre par rapport à la période de fêtes dans laquelle on est. Cependant, c’est aussi un roman d’actualité. On approche des élections présidentielles, et donc quoi de mieux que de se mettre à lire de la dystopie pour préparer les résultats du week-end prochain ? Aujourd’hui, je vais vous présenter un roman qui évoque le monde tel qu’il serait si Hitler avait gagné la Seconde Guerre Mondiale. Non seulement nous sommes dans de la dystopie, mais aussi dans une uchronie, soit une histoire qui reprend un fait historique réel en le réécrivant. Bien sûr, c’est de la science-fiction, aux allures toutefois bien réelle. Ce roman a été écrit par Oxanna Hope, et a été publié en février aux éditions Rebelle. Je l’ai lu dans le cadre de mon partenariat avec eux. Je les remercie donc de m’avoir fait découvrir ce roman. Voici son résumé, c’est le premier tome d’une saga :

Et si le dénouement de la Seconde Guerre mondiale n’était pas celui que l’on connaissait ?
200 ans après la victoire d’Hitler, Germania n’est plus un mythe. La race aryenne tant espérée par le Führer domine le monde et toutes les autres ethnies ont été éradiquées de la planète.
Krista, jeune Aryenne, travaille dans un Lebensborn. Elle a été élevée dans le moule de la race pure et ne connaît que ce mode de vie, jusqu’au jour où elle suit malgré elle une femme dans les égouts de la ville. Ce qu’elle y découvre va ébranler toutes ses convictions et peut remettre en question le fonctionnement même du monde dans lequel elle vit.

Nous sommes en 2145, en Allemagne. Hitler a gardé la Seconde Guerre Mondiale, et le monde est à présent aux pieds de l’Allemagne. Du moins, c’est ce que tout le monde croit, puisque personne ne peut quitter Germania, nouveau nom de Berlin, à cause du réchauffement climatique et du soleil qui a détruit une partie de l’Europe. Krista est une jeune femme ordinaire, la parfaite Aryenne, qui a les cheveux blonds, les yeux bleus, et une dévotion pour le régime hitlérien. Elle travaille dans une maternité, où elle doit parfois tuer des enfants handicapés ou avec les cheveux bruns ou yeux noisettes, enfants ne correspondants pas à ce que veut le régime. Mais un jour, sa route croise celle d’une femme sur le point d’accoucher, une femme qui la pousse à la suivre dans les égouts, et elle va alors découvrir que dedans se cache toute une vie clandestine, celle des juifs.

Dans ce roman, nous sommes donc loin dans le futur. C’est d’ailleurs ma première critique, la première chose qui m’a interpellée dans cette histoire. En effet, j’arrive aisément à imaginer un monde où Hitler aurait gagné la Seconde Guerre Mondiale, mais j’ai plus de difficultés à me projeter 200 ans plus tard. Je veux dire, c’est beaucoup, 200 ans. Pendant tout ce temps, le régime peut facilement se casser la figure, le peuple se rebeller, etc. C’est une période que j’ai trouvé un peu longue. Certes, cela rentre bien dans l’histoire, mais je me dis que si l’auteure avait décidé qu’on était en 2045, cela ne l’aurait pas gênée non plus. D’autant plus que, sous Germania, vit un autre peuple qui lui est supposé être éteint. Avoir un peuple qui vit depuis 200 ans dans des égouts, j’ai trouvé que ça faisait beaucoup trop d’années. Après, c’est juste un détail qui m’a un peu gêné, mais heureusement, ce n’est qu’un petit détail.

Nous suivons donc Krista, qui est notre personnage principale, qui se retrouve confrontée à une race qu’elle pensait éteinte, celle des juifs, voire même des non Aryens. Elle n’a jamais d’êtres humains avec les cheveux sombres, ou roux, et avec des yeux de multiples couleurs. Les rares cas sont exterminés, à Germania. Tout ce qu’elle pensait se retrouver donc bousculés. En plus, elle finit par apprendre pour les camps de la mort, et elle se rend compte que son peuple a fait beaucoup de mauvaises choses. Elle qui remettait déjà en cause le fait de tuer des bébés innocents va donc de surprise en surprise, de répulsion en répulsion. A tout cela s’ajoute les sentiments qu’elle va se mettre à développer pour Elias, un juif. Elle, la parfaite Aryenne, aime un juif. Et pour lui, elle va être prête à tout. Enfin, presque. Car Krista réfléchit beaucoup, voir un peu trop. A mon sens, elle est coincée entre son peuple, et son attirance pour Elias Cela est bien rendu dans le roman, mais parfois, on a envie de bousculer Krista, de lui dire d’arrêter de se comporter comme une aryenne, parce que cela ne lui rend pas service. Ainsi, même après avoir appris des choses sur l’Holocauste, elle va continuer à défendre son peuple, tout en sachant qu’elle ne peut à présent plus en faire partie. Et même lorsqu’elle dit qu’elle est prête à tout pour faire tomber Germania, elle a des remords. J’ai eu l’impression qu’elle avait beaucoup de mal à se détacher de sa vie d’avant, et c’est ce qui le plus dérangé chez elle. J’ai eu du mal à avoir de la sympathie pour elle vers la fin du livre, parce que je l’ai trouvé agaçante à toujours regretter d’avoir suivi la jeune femme enceinte dans les égouts, à vouloir retourner à sa vie d’aryenne. Par contre, j’ai adoré les révélations de la fin du roman, qui donne beaucoup plus de mystère et de relief à Krista. Je ne m’y attendais pas du tout et c’est la bonne surprise du roman.

Il n’y a que deux cellules, mais j’imagine qu’ils ne font pas collection de prisonniers, pour peu qu’ils en aient jamais gardé un plus d’une journée. On me pousse à l’intérieur de la première et on referme derrière moi. Si Elias se trouve parmi cette foule, je n’ai que peu de chance de l’apercevoir ; ce n’est pas plus mal parce qu’accepter qu’il y laissé un des membres de sa communauté m’accueillir à coup de poing me fait grincer des dents, et bien plus encore. Je ne peux pas imaginer qu’il ait fait ça. Ou bien, il n’a pas eu assez confiance en moi pour croire que j’irais au bout de ma mission…

Peut-être aurais-je dû le dénoncer, finalement…

Après tout, si je suis une traître pour les miens, pourquoi pas pour les siens ?

Heureusement, le personnage plutôt négatif de Krista est contrebalancé par celui, beaucoup plus positif et solaire, d’Elias. J’ai beaucoup aimé son personnage, car lui a envie de faire changer les choses. Malgré sa peur, il veut lui aussi vivre à la surface, que son peuple sorte des égouts et se batte pour retrouver sa liberté. Il sait que cela sera dangereux, mais peut-être pas autant que de rester cloîtré dans les égouts. J’ai aimé son esprit de rébellion, bien plus prononcé chez lui que chez Krista. C’est aussi un personnage qui, au milieu des autres, aussi bien juifs qu’Aryen, n’hésite pas à oublier le peuple pour voir la personne qui se cache derrière. En fait, Elias fait fi des préjugés pour Krista. Malgré qu’elle soit une Aryenne, donc une ennemi, il se met à lui faire confiance et lui confie même sa propre vie. L’avenir lui dira qu’il a raison, parce que jamais Krista ne le trahit alors qu’elle en a la possibilité. J’ai apprécié ce caractère qu’il le rend ouvert d’esprit, et donc sympathique. C’est aussi quelqu’un fidèle en amitié, qui se révèle sur la fin un leader.

  • On a toujours le choix de changer les choses. Mais eux ont renoncé à l’avenir de leurs descendants comme ils ont renoncés aux leurs. Et j’ai du mal à l’accepter.
  • Quel avenir voudrais-tu avoir ? lui chuchoté-je au creux de l’oreille.
  • un avenir à l’air libre. Je voudrais pouvoir vivre comme les gens normaux, que les enfants de la communauté ne soit pas obligés de rester cloîtrés comme des rats, que les femmes ne soient pas contraintes d’accoucher dans des égouts puants et que nos morts ne soient pas incinérés sans dignité, sans sépulture.
  • Vous n’avez jamais tenté de vous rebeller ?

Je me mords la lèvre. Je ne peux pas croire que moi, une Aryenne, je sois en train de lui suggérer de mener une insurrection contre mon propre peuple ! Je suis peut-être vraiment une traître, au final.

  • Mon grand-père et les doyens sont contre cette idée. Et de toute façon, nous sommes en infériorité numérique par rapport aux hommes du Führer.

La romance qui se met en place entre Krista et Elias est très légère. On sent presque tout de suite qu’il y a une attirance physique entre eux, mais il faut presque tout le roman pour y succomber. Malgré le fait qu’Elias fait fi des différences de culture entre lui et Krista, il est tout de même méfiant envers elle, ce qui est normal, et elle aussi. On ne peut pas dire qu’elle soit bien acceptée dans cette nouvelle communauté. Et surtout, il y a beaucoup d’action, qui laisse finalement peu de répit à nos deux héros pour prendre le temps d’analyser leurs sentiments. Ils se battent beaucoup pour sauver leurs vies, et celle de l’autre. Car Elias et Krista vont devoir faire équipe tous les deux pour sauver un groupe de juifs, et c’est ce qui va permettre leur rapprochement. Mais même une fois celui-ci fait, l’action est encore là. Et ce n’est pas la fin du livre qui leur laissera une possibilité d’être ensemble. On se retrouve en fait devant un Roméo et Juliette version dystopique. Tous les deux appartiennent à un peuple qui se déteste et ils sont attirés l’un par l’autre.

Ce qui à mon sens fait toute l’originalité de ce roman, toute sa force, c’est le fait de le placer dans une uchronie, de faire vivre le 3e Reich. C’est ce qui rend l’histoire si horrible. Car l’auteure, certainement très bien renseignée, met en œuvre dans son histoire les théories d’Hitler et de ceux qui l’entouraient, comme cette volonté d’avoir une race pure, une race sans imperfection. Et Krista participe à ce système d’une manière sordide, en tuant les enfants. On donc n’est pas seulement dans une dystopie classique qui fait froid dans le dos, on est devant une possibilité de l’Histoire de l’humanité. Et rien ne nous dit que c’est possibilité ne pourrait pas exister, il suffit d’allumer sa télévision pour se rendre compte que ces idées existent, qu’elles sont encore d’actualité.

Elle ouvre le battant. Aussitôt nous accueillent les cris d’un enfant. Elle ne s’en préoccupe pas et se dirige d’un pas rapide vers une table de verre poli sur laquelle reposent divers instruments de médecine. Sans hésitation, elle se saisit d’une seringue. Il n’y a pas d’aiguille au bout, mais un petit stylet duquel une lumière rouge pulse par intermittence.

  • Il vient de naître, me dit-elle.

(…)

  • Ostéogenèse imparfaite. Côtes fêlées et fracture du tibia en naissant.

Je ne réagis pas. Dans ce type de cas, nous savons très bien, elle et moi, que cet enfant n’a aucune chance. Le traitement de cette maladie n’ayant jamais été une priorité, il est voué à mourir.

  • Prends-le.

J’obéis et place mes mains sous le corps du nourrisson, prenant soin de maintenir sa tête. (…) Sans un mot, elle positionne le stylet au niveau de sa fontanelle, puis presse un piston. La lueur rouge pénètre la fine membrane de chair. (…) Les traits du bébé se figent pendant que la chaleur générée par le laser irradie dans tous ses organes vitaux. Pas de douleur, ni pour lui, ni pour moi. Tout se passe comme toujours avec une organisation méthodique et des instruments adaptés. Les petits bras du nouveau-né retombent comme deux branches mortes.

L’écriture de l’auteure est simple et va à l’essentiel. Le roman se lit bien, il est fluide, notamment grâce à toute l’action qui se met en place rapidement. C’est une histoire agréable à lire, qui plaira certainement à tous ceux qui aiment la dystopie et la science-fiction. On passe un bon moment dans les égouts et dans Germania, même si tout cela fait assez froid dans le dos. Comme je le disais plus haut, c’est un roman presque d’actualité. J’en conseille donc vivement sa lecture. Vous ne serez pas déçu par cette réécriture de l’Histoire.

Et vous ?

Vous avez déjà lu des uchronies ?

C’est une catégorie de la science-fiction qui vous plaît ?

Mêler un fait historique à de la dystopie vous plaît comme idée ?

Bon début de semaine à tous 🙂

2 réflexions au sujet de « Lebenstunnel »

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