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Robustia

Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez tous un excellent weekend. Pour ma part, le mien est très gris avec la météo, et je cours un peu partout pour essayer de bien préparer ma semaine, et aussi me faire plaisir. J’avoue que je n’ai pas envie de passer mon weekend entier à travailler et à corriger des copies, même s’il faut évidemment que j’en fasse une partie pour ne pas me retrouver trop dans le jus dès demain.

Mais aujourd’hui, je vous retrouve surtout pour vous présenter l’une de mes dernières lectures, lue pendant mes trajets en train. Cela tombe bien, c’est aussi un roman qui parle de voyages. Nous sommes sur une histoire de science-fiction, dystopique, et il s’agit du dernier roman de Betty Piccioli. Ce roman s’intitule Robustia, et il est présenté comme un roman se passant dans le même univers que Chromatopia, son livre précédent. Je tiens à souligner que c’est un peu plus compliqué que cela, car en vérité, il s’agit d’une suite à Chromatopia, et lire ce roman sans avoir lu le précédent n’est pas conseillé, contrairement à ce que semble dire l’éditeur. Vous pouvez retrouver ma chronique de Chromatopia ici. Ce roman est donc sorti chez Scrineo en août 2022. Je les remercie d’ailleurs de m’avoir envoyé ce titre en service presse. Voici son résumé :

« Au sein de la cité des combattants, le véritable ennemi se cache parfois en nous. »

Robustia. Une cité où chaque métal correspond à une position sociale. Où le combat peut vous élever dans la société.

Biann, conseillère d’Electrum, vient tout juste d’acquérir ce statut prestigieux en s’illustrant lors d’un tournoi. Mais la maladie qui la ronge à chaque cycle pourrait bien mettre un terme à sa carrière…

Kalel, conseiller d’Airain, se ne se remet pas d’avoir perdu sa position d’Electrum. Aveuglé par la rage, il est prêt à tout pour récupérer son pouvoir, jusqu’à se perdre lui-même…

Aequo, ancien habitant du royaume de Chromatopia, a entamé un long voyage loin de sa cité pour fuir ses démons. Jusqu’au jour où ses pas le conduisent face aux remparts de Robustia…

Ils ne le savent pas encore, mais leur rencontre pourrait bien sceller le sort des deux cités à jamais.

Dans ce roman, nous suivons trois personnages principaux, qui vont tour à tour prendre la parole pour raconter les différents événements qu’ils vont vivre. Tout d’abord, nous avons Aequo, héros de Chromatopia, qui a quitté la cité après le coup d’état qui a renversé la monarchie. Il visite le continent et entend parler de Robustia, qu’il décide de voir de ses propres yeux. Là-bas, il rencontre Biann, une jeune fille de son âge qui vient de s’élever au plus haut rang de la ville grâce à un tournoi. La jeune fille rêvait de ce moment depuis des années, mais la présence d’Aequo à ses côtés va tout remettre en question, d’autant plus que Chromatopia ne respecte plus les accords commerciaux mis en place deux millénaires plus tôt. Enfin, nous avons Kalel, qui a perdu sa place au sein du Conseil de Robustia au profit de Biann. Rongé par la colère et la rancœur, Kalel va voir la présence d’Aequo comme un moyen de reprendre sa vie en main, et détruire Chromatopia.

Je vais commencer cette chronique par vous parler de l’univers en question. Nous avons quitté Chromatopia, dans le roman précédent, avec une révolution sanglante, où la monarchie a perdu son titre. Or, ici, on s’intéresse aux conséquences de cette révolution pour le continent. Chromatopia avait beau être une cité-état, elle avait tout de même des accords avec les autres cités, dont Robustia. Elle lui doit à manger, notamment. Or, Robustia n’a aucun champs, aucun agriculteur. La cité-état dépend de l’extérieur. Si Chromatopia n’a pas besoin de Robustia, en apparence, Robustia a besoin de Chromatopia. Ne plus remplir les accords signifie presque une déclaration de guerre, si laquelle certains personnages vont se jeter à cœur joie. J’ai beaucoup aimé cette idée. D’habitude, dans ce genre de roman, on s’attarde sur la révolution et sa mise en place, ainsi que très rapidement sur l’après. Ici, on s’intéresse pleinement à cet après, avec les conséquences funestes de la révolution sur les autres cités. En effet, un tel changement politique peut avoir des répercussions sur les autres, et c’est donc plaisant de ce rappel, de se dire que Chromatopia n’est pas seule, et que son changement peut faire boule-de-neige. C’est aussi cela qui est plaisant ici, car Robustia ne le sait pas, mais la ville est aussi au bord de l’implosion. Le vieux système ne fonctionne plus vraiment, grâce à la jeunesse, et il va être remis en cause par l’un de ses défenseurs, Kalel. La cité est construite pour abriter des guerriers, or, certains guerriers sont attirés par le sang, et l’idée dune guerre leur plaît, afin de faire grandir leur pouvoir. Ce roman s’attache donc aussi à l’aspect politique qui va se jouer à Robustia, et comment on peut profiter du système afin de renverser ce dernier. Toute la partie avec Kalel est donc très intéressante, car on le voit manipuler le conseil pour satisfaire ses propres ambitions. Enfin, on voit enfin les monstres dont on nous parlait dans Chromatopia, et pourquoi Robustia est si nécessaire aux autres cités, mais aussi ce que ce pouvoir va déclencher. J’ai donc apprécié le monde qu’on découvre, qui est bien plus vaste que celui proposé dans Chromatopia, avec un aspect politique vraiment intéressant.

Aequo se contente d’acquiescer, l’air penaud. Si mes souvenirs d’école sont bons, les Nuances que léonard évoque correspondent à un système de castes qui était en place à Chromatopia depuis des siècles. J’ai toujours été curieux de ce système politique. Au vu des événements récents, je me rends compte qu’une monarchie est sûrement un bien meilleur système que ce que nous avons à Robustia. Le principe de cette loi du plus fort me semble logique. Quoi de mieux que les guerriers de notre cité pour savoir comment la défendre, la protéger et prendre les meilleurs décisions pour tous ces habitants ? Ce ne sont pas des bureaucrates engoncés dans leurs sièges, des ingénieurs toute la journée dans leurs calculs qui savent ce qui se passe réellement sur le terrain. Et en cas de rébellion, nous pouvons réprimer sans mal. Mais quand j’observe ce qui se passe ces derniers temps, je me rends compte que notre système a ses failles. Qu’une gamine comme Biann, à peine pubère, sans réelle force physique, puisse atteindre le sommet de l’Etat est un non-sens. Et elle n’est pas la seule à se hisser dans nos instances. Le dernier tournoi a engendré l’arrivée d’une petite dizaine de voltigeurs dans le conseil d’Airain. Comme si savoir se servir d’une corde ou d’une perche faisait de vous un guerrier ! Les pacifistes ont gagné deux membres. Si nous continuons comme cela, notre cité court à sa perte. A Chromatopia, rien ne peut bouger. Ceux qui sont au pouvoir le gardent, il passe de génération en génération, et lorsqu’on a un métier, une compétence, on s’y tient. Elle se transmet dans les familles, qui de plus beau ? Si j’étais né à Chromatopia, ma famille serait de la haute bourgeoisie, de la Nuance Rouge si je ne me trompe pas. Nous serions en charge des défenses de la cité, justement, et personne ne pourrait nous contredire ou prétendre nous surpasser par un moyen ou un autre. Cela me semblerait bien plus juste que la situation que je vis actuellement.

Parlons à présent des personnages principaux. Je vais commencer par Aequo et par Biann. Ils paraissent en effet assez indissociables dans cette histoire, leurs récits se retrouvant rapidement liés. Je ne me souvenais plus beaucoup d’Aequo au début de ce roman, sachant qu’il était pourtant un personnage que l’on suivait tout au long de Chromatopia, qui avait un rôle assez important. Toutefois, j’ai pris plaisir de le retrouver, même si la mémoire a été un peu longue à me revenir. C’est un personnage auquel on finit par s’attacher car il n’est pas un héros, et il se retrouve ici propulsé bien malgré lui dans ce rôle. Il va être celui qui va témoigner de l’ambiance et de la révolution de sa cité, et qui va malgré lui déclencher tout un tas d’événements non souhaités. C’est assez intéressant de voir les sentiments qui l’agitent, car il en veut à Chromatopia, et pourtant, il va tout faire pour sauver sa cité, entraînant alors Biann dans son combat. J’ai aussi aimé le personnage de Biann, qui est assez plaisant à suivre. Au début, on découvre une jeune fille qui a de l’ambition, et surtout, un rêve. Elle veut être la meilleure des combattantes pour rendre fier son père, et honorer la mémoire de sa mère, morte à sa naissance. Mais plus l’histoire se développe, et plus on découvre que Biann n’est pas faite pour la politique, ou du moins, pas celle qui est prodiguée à Robustia. Elle est en décalage par rapport aux autres conseillers, certainement à cause de son âge, et de son histoire personnelle. Biann cache en plus un terrible secret, qui pourrait tout faire voler en éclat. Elle a une maladie chronique, qu’on devienne être l’endométriose, et qui la fait terriblement souffrir pendant ses cycles. Or, cela pourrait l’empêcher de se battre, et surtout, lui retirer son titre de conseillère, car les handicapées ne peuvent pas siéger au Conseil. J’avoue que j’ai aimé la force qui se dégage de Biann et son envie de dépasser son état, d’aller au bout de ses limites, mais j’aurais aimé que ces dernières soient davantage mises en jeu, car tout paraît un peu simple pour elle, même pendant les combats. Sa maladie aurait pu être davantage exploitée, même si c’est intéressant de la mentionner. J’avoue que je m’attendais à plus, notamment avec la question des quartiers spécifiques aux handicapés de Robustia, qui effrayent à la fois Biann et Kalel. Sur cette question-là, je suis restée sur ma faim, mais j’ai apprécié le courage dont font preuve Biann et Aequo au cours du roman, ainsi que leur rapprochement au cours de l’histoire.

— À quand remonte ta dernière crise ? Tu as eu de la chance que tes menstrues ne tombent pas pendant le tournoi…

Ma mâchoire se serre toute seule avant même que je lui réponde.

— Il y a plus de trois semaines.

— La prochaine est pour bientôt, alors. Est-ce que tu commences à avoir des nausées ? Des crampes ? Tu as encore la tisane que je t’ai donnée ?

— Non, non… Tout va bien. Je n’ai pas forcément ces crises à chaque cycle, tu le sais bien. Et il me reste suffisamment de tisane.

— Tu dois prendre des bains chauds tous les soirs, que cela ait commencé ou pas. Tu sais très bien dans quel état tu étais les deux dernières fois… Tu ne vas pas pouvoir cacher tout ça au conseil d’Electrum bien longtemps.

« Tout ça. » La maladie qui a commencé à me ronger quand je n’avais que quatorze ans. Celle qui surgit chaque mois, quelques jours avant mes menstrues. Quatre à huit jours d’enfer où mon ventre, mes boyaux, mon crâne et mon appareil génital semblent vouloir sortir de mon corps. Où le sang coule entre mes jambes sans s’arrêter, où les douleurs me poussent jusqu’à l’évanouissement. Messariah et mon père sont les seules personnes au courant de mes souffrances. J’ai caché mes crises au conseil d’Airain depuis le début, ce n’est pas pour les révéler au conseil d’Electrum si vite. Pas après tout ce que j’ai donné pour en arriver là. Il est impossible d’être conseiller d’Electrum en étant malade chronique, cela fait partie des règles tacites de la fonction.

J’en arrive maintenant à l’autre personnage important, qui est donc Kalel. Je sais que cela est fait exprès, mais c’est un personnage que j’ai détesté suivre. Plus on avance dans le récit, et lus on le découvre froid et totalement déconnecté de la réalité. En vérité, le personnage de Kalel est intéressant au début car il a une histoire similaire à celle de Biann, il essaye lui aussi de rivaliser avec un mort, son frère adulé par ses parents. Depuis le décès de ce dernier, il essaye donc de marcher dans ses parents et de faire mieux que lui afin d’attirer l’attention de ses parents, mais ceux-ci sont tellement enfoncés dans leur deuil qu’ils ne voient plus leur second fils. Lorsque Biann humilie, sans le vouloir, Kalel, celui-ci prend donc le chemin de la vengeance, et va déclencher tous les événements de Robustia, qui va le mener à Chromatopia. Kalel est donc un personnage rongé par la colère, et qui va de plus en plus s’enfoncer dans la violence. J’ai vraiment détesté cet aspect-là, car il ne se remet pas en cause, il n’ouvre pas les yeux, il reste finalement sur la même route pendant tout le récit, il n’y a pas de questionnement de sa part, pas de remise en question. Il n’évolue pas, et cela m’a dérangée. Néanmoins, son personnage est intéressant dans le fait qu’on voit la manière dont il utilisé la politique pour prendre le contrôle de la cité, la manière dont un tyran peut aller sur le trône s’il trouve les bons mots et les bons alliés. Kalel est un manipulateur, et cela fait froid dans le dos la manière dont il retourne tout le monde pour arriver à ses fins.

Par ils, Jeremiah parle bien entendu de mes parents. Car l’humiliation continue pour moi. Trois ans après m’être enfin sorti du giron familial, à plus de vingt-deux ans me voilà forcé de retourner vivre chez eux. C’est la loi, les conseillers d’Airain de la même famille restent ensemble. Même si mon père est en fin de carrière, c’est moi qui vais continuer d’assurer la survie de ma famille dans le quartier d’Airain. Alors qu’ils me méprisent, que je ne serai jamais que le quart de mon frère mort pour eux, je suis celui par lequel ils seront certains de conserver leurs avantages. Une demeure familiale cossue, l’une des plus belles de tout le quartier d’Airain. Durement acquise il y a cinq générations, rendue belle et imposante depuis, surtout sous l’impulsion de ma mère, qui adore étaler sa richesse dès qu’elle le peut

En ce qui concerne la manière dont le ivre est écrit, j’avoue que j’ai trouvé son écriture plus mature que celle de Chromatopia, qui m’avait paru assez naïve et enfantine. On est face à un roman davantage politique, qui permet de parler aussi de handicap et volonté de s’en sortir. Les personnages sont moins clichés que dans Chromatopia, et c’est plus agréable, si on enlève le problème de Kalel. Le monde est aussi davantage détaillé, et c’est assez intéressant. Le rythme est bien dosé, et j’ai aimé la manière dont Chromatopia règle le problème, même si certaines choses restent encore prévisibles. Le rythme est bien dosé et on s’attache au duo formé par Aequo et Biann. J’ai aussi beaucoup apprécié la présence du chat, qui permet d’inclure les animaux dans cette histoire.

En résumé, j’ai trouvé Robustia plus accompli et plus mature que Chromatopia. Ce roman m’a davantage convaincue et je ne regrette pas ma lecture. J’ai passé un bon moment avec Aequo et Biann, même si on se doute de la fin. Tout l’enjeu politique est vraiment intéressant à suivre, et c’est plaisant de voir les conséquences de la révolution sur les autres cités. J’ai détesté le personnage de Kalel, et c’est mon point noir de l’histoire, car il aurait mérité d’être moins noir. C’est toutefois une bonne lecture, que je vous conseille. J’ai aimé voir l’univers s’étendre, et j’espère qu’on aura une suite.

Et vous ?

Aimez-vous lorsque les personnages n’évoluent pas dans un roman ?

Qu’est-ce qui peut vous faire détester un personnage ?

Que n’aimez-vous pas dans les antagonistes ?

Bon dimanche à tous 😀

3 réflexions au sujet de « Robustia »

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