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EGO

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez bien et que vous passez un bon weekend de la Pentecôte. ici, on profite du beau temps et de cette impression d’être déjà en été, et en vacances, en allant à la mer. Cela fait aussi beaucoup de bien de se changer les idées, de s’aérer l’esprit, et de quitter Nantes. En ce moment, j’ai de plus en plus de mal à vivre sans jardin, en appartement. Ce qui ne m’avait pas dérangé pendant le confinement le devient maintenant, et j’avoue que j’ai très envie de déménager. On verra ce que donnent les affectations fin juin.

En attendant, je vous retrouve aujourd’hui sur le blog pour vous parler d’un roman qui va vous plonger dans le gouffre d’Internet et des réseaux sociaux. En effet, en ce beau lundi, j’ai eu envie de vous parler de l’une de mes dernières lectures, un roman policier qui nous montre toute la manipulation faite par les Etats. Il s’agit du roman EGO, écrit par Maxime Girardeau. Je vous précise que ce roman est une suite, celle de Persona, que j’avais chroniqué sur le blog. Nous retrouvons les mêmes personnages. C’est donc un roman policier, et il est publié aux éditions Fayard, que je remercie pour l’envoi de ce titre en service presse. Il est sorti en février 2022. Voici son résumé :

Dans les décombres d’un violent carambolage en plein Paris, la police découvre des morceaux de corps affreusement mutilés. Contrairement à ses collègues, la capitaine Laurence Milhau, chargée de leur identification, doute que ces morts soient liées à un règlement de comptes.

Soupçons que confirme l’appel de son ancien patron. Après des mois de silence, le commissaire Franck Somerset refait surface pour lui demander un service : identifier officieusement un jeune inconnu mêlé à la disparition suspecte du fondateur d’une startup nommée EGO. Pourquoi tant de mystère ? Pourrait-il s’agir des cadavres retrouvés dans l’accident ?

Pour la capitaine Milhau et le commissaire Somerset, c’est une étrange affaire qui s’annonce, faite de manipulation et de mensonges, de propagande et de vérités alternatives, qui les mettront sur la piste d’une invention tout aussi extraordinaire que dangereuse si elle venait à tomber entre de mauvaises mains…

Comme je le disais plus haut, ce roman est une suite, on retrouve donc le Commissaire Franck Somerset après l’affaire du vengeur des catacombes, qui était donc l’histoire racontée dans Persona. Les personnages principaux, qui sont donc Franck et Elga, ont essayé de se reconstruire, et Elga a trouvé l’homme de sa vie dans la personne de Nicolas, le fondateur de l’entreprise Ego. Mais ce dernier disparaît, et Elga se retrouve arrêtée par l’un des services de contre-espionnage. Franck doit la sortir de là, mais pour cela, il doit relier cette affaire à une autre, celle qui a vu des morceaux de corps se déposer sur la chaussée à la suite d’un malencontreux accident de la circulation.

Pour une fois, je vais commencer cette chronique par vous parler de l’écriture de ce roman, qui est très particulière, et donc je pense que c’est l’un des éléments essentiels à dire sur ce roman. En effet, dans ce roman, nous alternons entre différents points de vue, ce qui fait que sur plusieurs chapitres, on suit un même personnage, avant de changer de personnages, et donc de point de vue sur l’enquête en cours, avec des éléments qui ne sont donc pas les mêmes. De ce fait, on change aussi de timeline, on n’est plus dans la même chronologie, ce qui, pour ma part, m’a perdue. En effet, il m’a été compliqué de savoir quand les événements avaient lieu, et j’ai dû revenir à certains moments à des chapitres précédents pur vérifier la date ou l’heure. C’est alors assez perturbant. Et comme on ne suit pas les mêmes personnages, on se retrouve avec des redites qui nous sont données, des répétitions qui sont faites, et j’avoue qu’on finit par savoir ce que les personnages vont découvrir. Par contre, si on oublie cela, le roman se lit bien, et l’histoire s’installe correctement. Il y a du vrai suspens, et on a envie d’avoir la suite, de comprendre ce qui se joue réellement. Néanmoins, il se passe quelque chose dans le début du roman, qui m’a vraiment perturbée, et qui m’a presque fait abandonner le roman. Heureusement, j’ai continué, et je ne le regrette pas, mais cet événement fait que mon impression sur le roman reste mitigée. Même si le roman se lit bien, même si l’histoire est prenante, cet événement m’a un peu dégoutée de l’histoire.

Parlons maintenant des personnages principaux. Dans le premier tome, j’avais beaucoup aimé le personnage d’Elga, qui était finalement assez naïve et assez solaire. Or, dans ce nouveau tome, j’ai trouvé qu’elle était à l’opposé de ce qui était son rôle dans le premier tome. J’ai vraiment eu du mal avec elle, parce qu’elle ne parle pas, parce qu’elle a des informations qu’elle refuse de partager, et parce que, finalement, beaucoup de choses sont de sa faute. En fait, je sais que je suis assez dure avec Elga, mais je trouve qu’elle prend beaucoup de mauvaises décisions, et cela n’a pas l’air de l’affecter. En vérité, elle est très égocentrique et égoïste, et cela m’a dérangée. D’ailleurs, on le voit vraiment à la fin. du roman, à sa réaction et à sa manière d’agir. Du coup, j’ai préféré le personnage d’Ariane, beaucoup plus lumineux et joyeux. J’ai ainsi apprécié de la voir enquêter et essayer de retrouver Nicolas, tout simplement pour aider sa meilleure amie. C’est intéressant de voir jusqu’où Arianne est prête pour aider son amie, et aussi tout ce qu’elle lui cache. On assiste ainsi au bonheur d’Ariane, un bonheur qu’elle ne peut même pas partager car elle doit aider Elga. C’est aussi pour cela que j’ai apprécié le personnage d’Ariane, parce qu’on voit que c’est une amie fidèle et loyale. On aime aussi la voir interagir avec l’informatique. Ariane possède un vrai don, et on assiste donc au déploiement de ce dernier dans son enquête. Toutefois, elle agit aussi d’une manière qui peut dérouter, et elle ne fait pas toujours les bons choix, ce qui va poser problème. Néanmoins, c’est une héroïne qu’on prend plaisir à suivre, et j’aurais aimé la suivre davantage. On s’attache facilement à elle, et c’est agréable de la voir davantage, alors qu’on ne faisait que l’apercevoir dans le premier roman.

Elle considéra cela come une énigme supplémentaire du genre humain. Quelque chose qu’elle ne pouvait concevoir ou assimiler, mais qu’elle se refusait de juger. Chacun était libre de vivre selon ses aspirations ou névroses personnelles. De toujours, Ariane ne jugeait rien, ni personne, dans un mouvement qu’elle espérait réciproque. Mais elle se savait naïve.

J’en arrive à présent aux deux autres personnages importants, qui sont donc les forces de l’ordre. Je ne me souvenais pas du personnage de Laurence dans le premier tome, mais ce dernier a été lu il y a un moment. J’ai donc apprécié de la découvrir davantage, et de voir la manière dont elle réagit dans cette enquête. On sent que c’est quelqu’un qui essaye de se préserver, de mettre un mur entre elle et les affaires sordides qu’elle affronte. Dans le même temps, cette affaire va la toucher personnellement, et cela va la forcer à laisser se déployer ses émotions. C’est impressionnant de la voir céder de cette manière, et en même temps, comme on ne la suit pas tout du long, on a du mal à être vraiment touché par ce qui lui arrive, par cette détresse qui se manifeste doucement. J’aurais aimé que l’histoire avec son fils soit aussi davantage exploitée. Je suis donc restée sur ma faim avec Laurence, et je le regrette un peu, parce que son personnage a plein de potentiel. C’est comme avec Ariane, on voudrait la suivre sur du plus long terme. Heureusement, le dernier personnage vient contrebalancer un peu cela. Je me souvenais assez bien de Franck, et c’est donc agréable de le revoir ici, d’autant plus que son personnage a évolué entre Persona et Ego. En effet, il est totalement désabusé, et se demande même s’il ne va pas quitté la police. En vérité, il est en dépression, et il ne comprend plus les êtres humains. Il y a un vrai décalage entre lui et les plus jeunes, si bien qu’il est perdu. De la vieille école, les nouvelles technologies le dépassent. Mais, intelligent et vif, il va rapidement comprendre ce qui est véritablement en jeu dans cette enquête. J’aime beaucoup le voir réfléchir. Il sait saisir le monde et les autres, et il fait preuve de beaucoup d’empathie. Il est sans doute le seul en mesure d’ouvrir les yeux sur ce qui se passe réellement dehors, ou dan les bas-fonds de Paris. C’est un personnage que j’avais beaucoup aimé dans le premier tome, que j’ai pris plaisir à retrouver ici, et j’espère le revoir à l’avenir. On s’attache facilement à lui.

– Quelques étages plus haut, il y a un grand local pour toutes les poubelles des restaurants du centre commercial des 4 Temps. Ils essayent par tous les moyens de les empêcher d’un accéder, mais les gens d’ici sont plus malins. Avec ce que l’on récupère là-bas, nous pourrions nourrir tous les sans-abris de Paris, peut-être même de France.

– Alors pourquoi ne viennent-ils pas tous là ?

Patrice se rapprocha de Franck. Il posa la main sur son épaule. Son visage souriait de bienveillance.

– Vous autres, vous ne savez même plus quand vous dites n’importe quoi. Toi, je t’aime bien. Ca se voit que tu n’es pas comme la plupart qui ne nous voient même plus. Et pourtant… Tu regardes ça et tu te dis que c’est une solution pour tous ceux qui meurent dehors. (Il déglutit avec difficulté.) C’est vrai en un sens. Mais ceux qui vivent ici ont définitivement abandonné tout espoir de revenir dans le monde du dessus. Certains ne sortent même plus et son là depuis des années. Ce n’est pas facile d’abandonner tout espoir. La dignité, cette salope, elle s’accroche et elle fait mal.

Dans ce roman, ce qui est intéressant, c’est aussi son histoire. En effet, cette dernière repose sur les nouvelles technologies, comme pour le premier tome. Seulement, ce qui est en jeu cette fois-ci n’est pas le monde de l’entreprise, mais l’enjeu militaire. J’ai donc aimé le fait qu’on se retrouve plongé dans un monde où l’on voit les politiques, mais aussi les différents services d’espionnages et de contre-espionnages, à l’œuvre. Ce qui est en jeu avec ce roman, ce n’est pas seulement une invention ou des vies, mais de la manipulation. C’est donc assez plaisant de voir comment les Etats veulent diriger les hommes grâce à leurs réseaux sociaux, et on voit donc tout le danger que l’entreprise Ego peut représenter pour la liberté. Cela nous est présenté dès le début du roman, et il est donc aisé de deviner les enjeux et les coupables de toute cette histoire, même si tout n’est pas réellement clair jusqu’au bout. On a au moins des idées des coupables. Mais ce que j’ai aussi beaucoup aimé, c’est la plongée dans Paris, ses entrailles, et l’horreur qui se cache derrière. On parle ici aussi bien de la technologie que des hommes, et notamment ceux qui sont toujours utilisés comme de la chair à canon. On parle donc ici des oubliés, des sans-abris, des migrants, et nous avons donc un roman très critique sur la manière dont notre monde fonctionne, avec des exilés qui sont obligés de survivre et qui sont obligés de se cacher, de sortir du monde, car on les rejette. Le message du roman est alors assez fort. C’est ce qui m’a véritablement plu dans cette histoire.

Dans la première partie, il décrivait les innovations technologiques d’EGO. Avec son associé, ils avaient poussé plus loin les aptitudes d’analyse de la machine à travers les techniques de la programmation neurolinguistique, PNL, et les avaient combinés à de puissants outils d’analyses des données personnelles disponibles en libre accès sur les réseaux sociaux. Leurs résultats étaient révolutionnaires, époustouflants sur bien des aspects.

EGO fonctionnait comme un super psychologue. Le programme récoltait tout ce qu’une personne postait dans l’espace immatériel, digérait l’information, puis affichait son profil psychique. Ce profil, d’une profondeur et d’une précision hors du commun, prenant la forme d’une transcription mathématique, exhaustive d’un EGO.

(…) Nicolas reprit : « Avant d’entrer dans cette salle, je vous ai envoyé à tous un email, je vous demande à présent de l’ouvrir et de le lire. Vous allez y voir le résultats de dix ans de recherche et de développement. Vous y trouverez votre personnalité, vos ego cartographiés avec une précision sans égale à ce jour. Nous savons exactement ce que vous aimez, vos peurs et vos traumatismes, comment vous mettre en colère, où et quand générez votre désir. Grâce à ça, nous savons comment vous fonctionnez, et donc comment vous « actionner »… »

En résumé, mon avis sur le roman est un peu mitigé. J’ai aimé ce dernier, j’ai pris du plaisir à le lire, et j’ai aimé son histoire. Néanmoins, certains événements m’ont interloquée, voire déstabilisée, et la narration m’a perdue. L’idée de départ est intéressante, et l’idée de la manipulation fonctionne, mais les changements chez Elga montrent aussi tout ce qu’on perd en chemin. J’ai moins aimé son personnage que dans Persona, et j’aurais aimé que le personnage d’Ariane, ou celui de Laurence, soit davantage exploité. Par contre, j’ai apprécié de retrouver Franck. C’est donc un roman contrasté qui nous est proposé ici, mais qui a tout de même une idée très intéressante et plaisante à lire. Je vous le conseille pour son idée originale et pour son ouverture sur les réseaux sociaux, pour la réflexion qu’il amène.

Et vous ?

Cela vous dérange-t-il lorsqu’il y a plusieurs points de vue qui alternent ?

Aimez-vous lorsque les chapitres ne suivent pas la même chronologie ?

Cela vous arrive-t-il d’être perdu dans votre lecture ?

Bon dimanche à tous 🙂

Une réflexion au sujet de « EGO »

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