chroniques littéraires

Binti, tome 1

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous parvenez à profiter de l’été qui semble enfin s’installer cette semaine sur la France. Pour ma part, je suis très contente qu’on ait enfin des températures plus acceptables, et surtout du soleil. Le temps pluvieux et maussade avait tendance à me rendre triste. Mais je sais qu’on a de la chance de ne pas avoir une canicule par chez nous, et que le temps reste supportable, par rapport à d’autres endroits.

D’ailleurs, en parlant de chaleur, je vous emmène aujourd’hui dans le désert. En effet, j’avais envie de vous faire voyager, comme ce sont les vacances, seulement, cette fois, nous quittons totalement la Terre pour nous envoler vers l’espace et vers ses secrets. En vérité, nous découvrons une Terre bien différente de celle que nous avons quittée, avec le roman Binti, qui est une duologie et dont je vais vous parler aujourd’hui. Comme vous l’avez compris, il s’agit d’un roman de science-fiction, écrit par Nnedi Okorafor et publié en France par les éditions ActuSF. Il est sorti en France en janvier 2020, et voici son résumé :

Maîtresse harmonisatrice du peuple Himba, Binti est vouée à reprendre la boutique d’astrolabes de son père. Mais l’incroyable don pour les mathématiques de l’adolescente lui ouvre les portes de la prestigieuse université d’Oomza. Binti embarque sur le Troisième Poisson à l’insu de sa famille. Mais au cours du trajet, les Méduses, ennemies millénaires des humains, abordent le vaisseau pour en massacrer les passagers. Commence alors pour Binti un combat pour sa survie et celle de ceux qui lui sont chers.

Dans cette histoire, nous suivons donc Binti, une jeune fille qui vient d’une tribu jugée tribale, d’un coin du désert. Binti est particulière, comme certaines personnes, elle est capable de voir le monde par le biais des mathématiques, ce dernier devenant alors simplement chiffres et opérations complexes qu’elle peut comprendre. Sélectionnée pour la prestigieuse université d’Oomza, Binti s’enfuit de chez elle et embarque sur le vaisseau. Alors qu’il approche de la planète universitaire, il se fait attaquer par le peuple agressif des Méduses. Binti est la seule survivante. Pourquoi ? Parce qu’elle possède un vieil objet qu’elle a trouvé enfant, et qui semble la protéger. Elle a aussi sur le corp un onguent qui permettent de soigner les Méduses. En acceptant de survivre, Binti devient alors une porte-parole de ce peuple, et son monde change totalement.

Je vais commencer cette chronique par vous parler de l’univers de ce roman. Il est très riche, et c’est d’ailleurs ce que j’ai beaucoup aimé dans ce roman. Ainsi, on n’est pas que sur une histoire qui se déroule dans l’espace, même si la première partie du roman semble donner cette impression. En effet, la première partie du roman suit le voyage de Binti dans l’espace afin qu’elle se rend à l’université d’Oomza, et elle se concentre sur l’attaque des Méduses. On ainsi le droit, à ce moment-là, de faire connaissance avec le second personnage central de ce roman, qui est Okwu, la Méduse qui va se retrouver liée avec Binti. J’ai bien aimé cette partie-ci, car elle montre bien tous les dangers qu’l peut exister dans l’espace, et que même à travers un transport qui peut paraître sûr, on n’est jamais à l’abri du danger. Il y a un côté très Alien qu’on retrouve ici, et c’est assez intéressant à suivre, car on devienne que ces extraterrestres ne rigolent pas, et qu’ils sont des ennemis redoutables. Ils font assez peur, et le roman pourrait alors presque basculer dans l’horrifique, car on ne sait pas quant ils vont passer à l’attaque, ce qui met en place une certaine tension, et n’oublions pas que nous sommes dans l’espace, donc avec aucun moyen de fuir. Ce qui est alors intéressant, c’est la manière dont Binti va essayer de s’en sortir, et qui place le roman dans une certaine magie, dans un certain fantastique, car Binti s’en sort s’en même comprendre comment, grâce à un objet trouvé dans son passé, un objet mystérieux qu’elle va essayer de comprendre et de maîtriser pendant la suite du récit. On pourrait presque faire un parallèle entre son edan et l’épée magique Excalibur, qui est toute aussi mystérieuse. La découverte des pouvoirs de cet objet place donc le roman dans un univers plus vaste encore, surtout lorsqu’on comprend son origine. Mais ce que j’ai particulièrement aimé, dans cette histoire, c’est que nous découvrons la fameuse planète universitaire Oomza, mais aussi celle de Binti, avec derrière un petit côté écologique assez plaisant, avec là encore, un côté fantastique agréable à lire, lié notamment aux différentes traditions du peuple de Binti. Enfin, ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce roman, et que j’ai aussi trouvé très original, c’est toute la partie mathématique. Ainsi, Binti comprend le monde grâce à des chiffres, des nombres et des opérations complexes. Grâce à cette méthode, elle peut influencer son univers, mais aussi elle-même, elle peut alors se calmer. En fait, Binti est capable d’accéder à un stade supérieure de la vision du monde, elle peut comprendre la portée mathématique de l’univers, un peu comme le conseillait Pythagore à son époque. Le monde devient alors chiffres, et j’ai beaucoup aimé cette manière développée dans l’histoire de comprendre l’univers, de le mettre en scène. Cela donne aussi un petit côté magique à Binti, sans être pour autant de la magie, ce sont de simples calculs et une autre vision à laquelle elle a accès.

« Je suis Bnti Ekeopara Zuzu Dambu Kaipka de Namib », ai-je soufflé. C’est ce que mon père me rappelait à chaque fois qu’il voyait que je prenais une expression vague et que je commençais à arborescer. Il déclamais alors ses leçons sur les astrolabes le plus fort possible, abordant leur fonctionnement, leur conception, leur négociabilité réelle, leur héritage. Dns cet état, mon père m’a transmis l’équivalent de trois cents ans de connaissances sur les crcuits, les câbles, les métaux, les huiles, la chaleur, l’électricité, les flux mathématiques et les barres de sable.

J’étais devenue une maîtresse harmonisatrice à douze ans. Je pouvais communiquer avec le flux des esprits et les convaincre de se rassembler en un seul courant. J’avais reçu de ma mère le don de la vision mathématique. Elle s’en servait uniquement pour protéger la famille et j’allais maintenant développer cette compétence dans la meilleure université de la galaxie… si je m’en sortais. « Binti Ekeopara Zuzu Dambu Kaipka de Namib est mon nom », ai-je répété.

Mon esprit s’éclaircissait tandis que les équations l’envahissaient, l’ouvraient encore plus et devenaient de plus en plus complexes et satisfaisantes. V-E + F =2, 2a + b2 = c2, ai-je pensé.

Parlons donc maintenant du personnage de Binti. Je trouve que l’on s’attache facilement à elle. Déjà, elle est obligée de fuir de chez elle pour faire des études, son rêve, parce que ses parents ne veulent pas qu’elle en fasse. En fait, Binti est née dans une tribu qui considère qu’aucun de ses membres ne doit quitter leur planète. Or, pour faire des études, Binti se doit d’aller à l’université, qui est sur une autre planète. Et faire des études de mathématiques est son rêve. Parce qu’elle est née dans cette tribu particulière, qui n’a jamais envoyée d’enfant à l’université, Binti est obligée d’y renoncer. Mais elle se montre volontaire et s’accroche à ce qu’elle estime être son destin, son rôle. Ce qu’elle vit ensuite, me massacre de tout le vaisseau dans lequel elle est, nous montre alors qu’elle est une survivante, qu’elle est aussi maligne et qu’elle sait survivre. Elle s’accroche à la vie et montre sa ténacité. J’ai beaucoup aimé cet aspect de sa personnalité, car cela est lié à ce qu’on voit au début chez elle, cette pugnacité dont elle fait preuve pour mener son projet à terme. Et cette volonté, elle va rester tout au long du roman, car elle est ce qui va obliger Binti à s’affirmer, à affronter ce qu’elle devient, les grands changements qui apparaissent chez elle à la suite de son voyage dans l’espace. Mais ce qui est aussi très intéressant avec elle, c’est toute la curiosité dont elle fait preuve, et qui montre qu’elle est une scientifique. Elle cherche à comprendre ce qui l’entoure, et cela est aussi lié à son don pour les mathématiques, au fait qu’elle est capable de voir els chiffres cachés de l’univers, qu’elle a accès à une compréhension supérieure du monde. Ce don est néanmoins aussi une malédiction, comme elle le comprend, car il pèse sur elle et est aussi ce qui la fait partir de chez elle. Si elle ne l’avait pas eu, son aventure n’aurait pas eu lieu. Ce qui est aussi agréable avec elle, et qui est fort dans son personnage, c’est sa gentillesse et son empathie. C’est d’ailleurs ce qui va lui sauver la vie. Certes, cette empathie va être contrebalancer par la colère qu’elle ressent, liée à son traumatisme, mais elle reste tout de même assez présente. Binti va se lier avec Okwu, et le lien qu’ils vont avoir va tout de même être assez particulier, puisque Okwu a menacé de mort Binti. Leur rapport montre alors que le pardon n’est jamais totalement acquis, et qu’il peut toujours être remis en question selon les situations. Mais ce lien est vraiment intéressant et j’ai pris plaisir à le voir être constitué. Binti représente alors vraiment toute la complexité humaine, avec des émotions contradictoires, mais qui vont ensemble. Son personnage est très bien travaillé, et c’est ce que j’ai aimé chez elle.

Je n’ai pas réfléchir à tout cela trop longtemps. Si je m’aventurais dans ce terrier de lapin du désert, je me retrouverais dans un endroit très sombre où je commencerais à me poser des questions comme : « Qui est-ce qu’Okwu a tué durant le moojh-ha ki-bira ? » J’ai compris que lorsqu’Okwu avait participé à la tuerie, il avait été lié par le sens d devoir, de la culture et de la tradition des Méduses… jusqu’à ce que mon otjize lui montre quelque chose qui transcendait tout cela.

Pendant les premiers mois à l’université d’Oomza, Okwu avait accepté mes appels et avait parcouru des kilomètres et des kilomètres avec moi au travers de la ville des mathématiques au cœur de la nuit alors que ma maison me manquait tellement que je ne pouvais que marcher en m’imaginant rentrer chez moi. Il m’vait convaincu d’appeler tous mes frères et mes sœurs, alors même que je me sentais trop en colère ou trop négligée pour initier le contacte. Okwu avait même laissé mes parents l’insulter et lui crier dessus au travers de mon astrolabe jusqu’à ce que leur colère et leur peur n’aient plus cours et qu’ils lui demandent : « Comment va notre fille ? » Okwu avait été mon ennemie et il était maintenant mon ami, il faisait partie de ma famille. Mais j’ai tout de même demandé à ce que mes repas soient servis dans ma chambre.

Ce roman a une grande force pour moi, c’est toute la réflexion qu’il apporte sur la manière dont on doit se détacher des autres et de ce qu’ils attendent de nous. Ainsi, Binti est, comme je l’ai mis plus haut, perpétuellement entre deux mondes, le sien et celui de sa famille. Elle essaye de grandir, de devenir celle qu’elle veut être, mais elle se heurte toujours à ce que les autres pensent, et à tout ce que sa famille lui a appris, aux attentes qu’ils avaient envers elle, ce qui amène chez elle beaucoup de culpabilité. Or, elle n’a pas le choix, elle ne peut pas revenir en arrière, et elle va justement l’apprendre à ses dépends. Tout ce qu’elle peut faire alors, c’est avancer, se construire sa propre identité, celle qu’elle veut assumer, et pour cela, elle doit couper davantage le cordon avec ses parents, sa famille, puisqu’il ne parviennent pas à comprendre qu’elle est différente, qu’elle l’a toujours été. De ce fait, on a ici une réflexion sur le poids de la famille, le poids des traditions aussi, et sur l’identité qu’on veut assumer. Et, pour rajouter encore de la tension, on a aussi le poids des secrets de famille, que va découvrir Binti dans la fin du roman, un secret qui la pousse à être encore plus différente des autres, un secret qui est nécessaire pour elle, pour avancer, pour comprendre qui elle est, mais qui ne fait qu’accentuer sa différence avec sa famille. J’ai vraiment beaucoup aimé cette réflexion qui est finalement très philosophique, mais qui est très bien amenée dans le roman. Et cette réflexion est liée aux points fantastiques de l’histoire, ne faisant alors que montrer à quel point Binti est spéciale, et à quel point elle ne peut pas revenir en arrière. Cela favorise encore l’idée d’initiatique qu’il y a dans ce roman.

Je serrai mon edan , mais je ne sais comment, je restait calme. La salle toute entière était silencieuse et à l’écoute. Où se trouvaient mes parents ? Ils étaient là, à quelques mètres. Mon père était assis, ma mère et mes oncles l’encadraient. Ils ne faisaient que nous regarder.

« Tu seras toujours seule, si tu n’arrêtes pas tout ça et que tu rentres », a ajouté ma plus grande sœur. Sa voix n’était pas aussi forte que celle de Vera, mais elle était bien plus dure. « Tu ne peux pas passer ton temps a sauter entre les planètes, tu dois ralentir. »

Quelques personnes dans la sale ont grogné d’acquiescement.

« Je fais ce pour quoi les Sept m’ont créée ! » ai-je répondu. Mais ma voix était aiguë et à bout de souffle. Devoir contrôler ma fureur, avoir besoin de me défendre et ressentir cette honte qui résidait au fond de moi depuis mon départ : toutes ces émotions contradictoires me donnaient le vertige.

(…)

« Tu es tellement laide maintenant, Binti, a-t-elle répondu. On ne te reconnaît même plus quand tu parles. Tu es souillée. Presque dix-huit ans. Quel homme te voudra pour femme ? Quels enfants vas-tu porter ? Ton amie Dele ne veut même pas te voir !

Cette dernière remarque était aussi douloureuse qu’une morsure de serpent.

L’écriture de ce roman est assez fluide et les chapitres s’enchaînent bien. On prend plaisir à suivre le voyage de Binti, voyage qui est vraiment initiatique. J’ai beaucoup aimé la manière dont l’autrice nous amène à réfléchir sur le personnage de Binti, sur la construction de son identité et le refus des traditions. Il y a une vraie réflexion qui est menée sur son personnage et c’est très intéressant. De la même manière, j’ai trouvé que l’univers était très bien décrit, et qu’on comprenait de ce fait l’attachement de Binti à sa Terre natale, à sa tribu, mais aussi ce qui pouvait la déranger dans l’espace, ou les doutes qu’elle pouvait avoir face à son nouvel environnement. J’ai apprécié aussi que même dans sa tribu, on est des divergences, comme on le voit à la fin du roman, ce qui va encore amené Binti à chercher qui elle est réellement, à s’interroger sur ses origines. Ses sentiments envers Okwu sont très ambivalents, et très bien décrits, car on comprend son attachement, mais aussi la haine qui refait parfois surface sur ce qu’il a pu lui faire. L’univers est vraiment bien construit et bien décrit. Je regrette toutefois un passage qui n’est pas assez clair au niveau chronologie pour moi, et où je me suis demandée si l’on ne se perdait pas dans la trame du récit, où j’ai été obligée de revenir en arrière pour essayer de comprendre quand ce moment devait se dérouler, sans vraiment avoir de réponse à ma question. Mais dans l’ensemble, le roman se lit vraiment bien et facilement, on enchaîne aisément les chapitres.

En résumé, je vous conseille la lecture de ce roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir, et qui est, à mon sens, une très bonne lecture de science-fiction, qui peut d’ailleurs permettre de découvrir ce genre sans se perdre dans trop de détails techniques, ou de course de vaisseaux. On a ici à la fois l’espace et les menaces de ce dernier, mais aussi en lien avec la terre, et en lien surtout avec les traditions des différents peuples. Ce roman est donc un bon moyen de découvrir la science-fiction et le sous-genre du space opera. J’ai beaucoup aimé le personnage de Binti, ainsi que celui d’Okwu, et il y a beaucoup de réflexion sur l’identité dans cette histoire, ce qui est assez intéressant et permet de réfléchir aussi à ce qui nous constitue en tant qu’être. C’est une très belle découverte et j’ai hâte de continuer à lire la série.

Et vous ?

Lisez-vous beaucoup de science-fiction ?

Qu’aimez-vous retrouver dans ce genre de récit ?

Ou, au contraire, que n’aimez-vous pas y retrouver ?

Bon vendredi à tous :

Une réflexion au sujet de « Binti, tome 1 »

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