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La Nanny

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que la rentrée n’a pas été trop compliquée pour vous. Ici, je commence doucement à rencontrer mes nouvelles classes, mes nouveaux élèves, à me faire à mon nouvel établissement, et surtout à faire cours avec un masque. C’est la grande nouveauté de cette rentrée, celle qui fait qu’on s’en souviendra, qu’elle restera dans les mémoires. Mais il le faut bien, pour nous protéger tous. En tout cas, même si la menace du virus est bien présente dans les esprits, pour le moment, tout va bien. On fait comme on peut.

Aujourd’hui, je vous retrouve sur le blog pour vous parler justement de la mort, de la disparition, du sentiment de perte, via l’une de mes dernières lectures. Il s’agit en effet d’un roman policier intitulé La Nanny, qui se déroule dans la campagne anglaise. Si vous aimez l’ambiance de Downton Abbey, ce roman pourrait vous plaire, avec une ambiance plus contemporaine. Ce titre a été écrit par Gilly MacMillan et est publié en France aux éditions Les Escales. Je remercie d’ailleurs la maison d’édition ainsi que la plateforme NetGalley pour m’avoir permis de découvrir ce titre, que j’ai reçu en service presse. Il est sorti chez nous en juin 2020, et voici son résumé :

À la mort de son mari, Jocelyn n’a d’autre choix que revenir s’installer avec sa fille Ruby à Lake Hall, l’austère manoir familial où vit toujours sa mère, aristocrate arrogante et froide. À peine arrivées, elles font une macabre découverte : un crâne flottant dans le lac de la propriété.

Pourrait-il être celui de Hannah, la nounou que Jo adorait enfant, disparue du jour au lendemain en 1987 ? Que s’est-il réellement passé à l’époque ?

Dans cette histoire, nous suivons principalement trois personnages importants. Ainsi, il y a d’abord Jocelyne, obligée de revenir dans sa maison d’enfance à cause du décès de son mari. Elle est accompagnée de sa fille, Ruby, qui a dix ans. Jo a du mal à jongler entre sa fille, sa propre peine, et la haine qu’elle a pour sa mère, Victoria. Les deux femmes ne se sont jamais entendues et elles doivent vivre sous le même toit. Il y a donc ensuite Victoria, qui essaye de se rapprocher de Jo, tout en gardant pour elle un secret terrible, qui risque à tout moment de voler en éclat, surtout depuis que Jo et Ruby ont découvert un crâne humain dans le lac de la propriété. Et enfin, on suit les souvenirs de Hannah, l’ancienne Nanny de Jo, disparue brutalement du jour au lendemain, sans laisser d’adresse ou d’affaires, et qui pourrait avoir un rôle à jouer dans cette histoire étrange. Jo va suivre l’enquête de loin, mais cette dernière va la rattraper en même temps que le passé, et els non-dits entre elle et sa mère vont devoir être prononcés si elles veulent toutes les deux s’en sortir indemnes.

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage de Victoria. Pourquoi pas d’abord par celui de Jo, alors que c’est elle le personnage principal et qui est au centre de cette histoire ? Tout simplement parce que je préfère d’abord vous donner la version de Victoria. En effet, Victoria apparaît d’abord comme une vieille dame froide, acariâtre, qui n’aime pas sa fille et qui lui en a fait voir des vertes et des pas mûrs pendant son enfance. C’est un personnage qu’on a envie de détester, qui ne semble pas aimable. Or, la présence de sa petite-fille chez elle démontre qu’en vérité, Victoria peut aimer, contrairement à la première impression qu’on a d’elle. Ainsi, Victoria fait tout pour se lier d’amitié avec Ruby, pour être proche d’elle. Est-ce de la manipulation, afin de retourner la fille contre sa mère ? C’est une question qui peut parfaitement se poser. Or, Victoria semble vraiment aimer sa petite-fille, et elle tente même de se rapprocher de sa fille, comme si elle pouvait effacer ses souvenirs, recoller les morceaux. De ce fait, on a de la pitié pour elle, car Jo n’a de cesse de la rejeter. J’avoue avoir finie par être touchée par Victoria et tous les efforts qu’elle fait. Peu à peu, elle livre aussi quelques informations sur le passé, sur son époux, et les rapports qu’elle pouvait avoir avec Jo. On est donc touché par cette femme qui n’arrive pas à communiquer avec son enfant, qui ne sait pas comment s’en occuper, qui finit par tout déléguer à sa nourrice, et qui dans le même temps doit gérer son mari et les secrets de ce dernier, jusqu’au drame. De ce fait, on découvre une Victoria bien plus courageuse qu’on ne le pense, qui a du mal à trouver sa place, et qui doit sans cesse jouer un rôle, celui de la parfaite Lady. Victoria est coincée dans le prestige que son mariage lui a imposé, et qui lui colle désormais à la peau. Et elle fait tout pour maintenir l’héritage familial à flot, pour sa fille et sa petite-fille. On découvre alors une mère aimante, mais qui ne sait ps comment dévoiler ses sentiments. J’ai trouvé très intéressant d’avoir son point de vue sur ce qu’il s’est passé avec la disparition de Hannah, et même si l’on comprend rapidement ce qu’il s’est passé, j’ai trouvé que cela apportait un vrai plus au roman.

J’ai triomphé de presque toutes les épreuves, me dis-je, jusqu’à la naissance de Jocelyn.

Auparavant, la perspective de la maternité éveillait en moi un désir ardent, m’emplissait d’un délicieux sentiment d’impatience… Or, ce fut mon plus grand échec. Avez-vous la moindre idée de ce qu’on peut ressentir en croisant le regard haineux de son enfant ? J’avais l’impression qu’on m’arrachait l’âme. J’avais tant d’amour à lui donner… Mais elle n’en voulait pas.

Quand Alexander m’avait proposé d’aller consulter un psychiatre pour en parler, j’avais refusé. C’était déjà assez terrible comme ça de vivre une telle situation, sans devoir en plus m’humilier en la décrivant à un inconnu. Il avait aussi suggéré de renvoyer Hannah. « Est-ce qu’elle s’interpose entre Jocelyn et toi ? » m’avait-il demandé un jour. Cette question-là me troublait aussi, et j’avais été tentée de me séparer d’elle, mais j’y avais finalement renoncé, craignant que ma relation avec ma fille ne se détériore encore plus, compte tenu de l’attachement qu’elle portait à sa nanny.

Avec le recul, comme je regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir congédiée !

Venons-en à présent au personnage de Jo. J’avoue au début avoir été touchée par sa détresse, par le fait qu’elle venait d’être déracinée de chez elle puisqu’elle habitait depuis des années en Californie, et par le fait qu’elle venait de perdre son mari, et aussi par le fait qu’elle est obligée de revenir vivre chez sa mère qu’elle déteste. Mais peu à peu, j’avoue aussi que peu à peu, le traitement qu’elle fait subir à sa mère devient pesant. Jo refuse en effet toute son aide, et elle n’arrête pas de mettre de la distance entre elles deux. Si au début on comprend bien pourquoi elle fait cela, à cause du passif entre elles deux, on regrette qu’elle n’essaye pas de faire confiance à sa mère. En vérité, Jo a trop confiance en Hannah, en ce que cette dernière lui a appris lorsqu’elle était enfant, pour écouter sa propre mère. Et c’est là où cela en devient dangereux, car Jo se bute et lorsque Victoria commence à la mettre en garde contre ce qu’il se passe au manoir, Jo ne l’écoute pas. Elle a aussi une belle relation avec Ruby au début de l’histoire, on sent qu’elle aime sa fille et qu’elle donnerais tout pour elle, elles s’envoient souvent des messages, elles parlent de tout, sans secret. Mais cette relation s’abîme plus le temps passe, et cela montre aussi à quel point Jo peut être manipulable. En effet, elle qui avait une confiance presque aveugle en elle ne l’écoute plus non plus, ne lui fait plus confiance. C’est là qu’on voit alors tout le travail de Hannah est mis à l’oeuvre. Du coup, on est déçu que Jo ne fasse pas plus preuve de bon sens, qu’elle ne se méfie pas assez, alors qu’elle n’est pourtant pas bête. Mais sa rancune envers sa mère l’aveugle. Heureusement, l’évolution de son personnage à la fin rattrape un peu son attitude, même si je ne m’attendais pas à une telle action de sa part, et que cela m’a un peu surprise, voire fait réfléchir sur son personnage. J’ai du mal à déterminer si je suis satisfaite ou non de ce qu’elle a fini par faire, et si cela ne m’a pas gâché l’intérêt que l’on pouvait avoir pour elle.

De fait, j’aime la distance que ce terme instaure entre ma mère et moi. « Maman » suggérerait une intimité entre nous qui n’a jamais existé.

Un jour, j’ai appelé Hannah « maman » alors que mes parents étaient à portée de voix. Tout le monde s’est figé.

« je crois que ta langue a fourché, Jocelyn », a fait remarquer mon père.

Je me suis sentie si honteuse que j’ai bredouillé. Le regard que ma mère a jeté à Hannah aurait pu la consumer sur place. Ma nanny a gardé la tête baissée. Pour une fois, elle était à court d’arguments pour prendre ma défense.

 » Je… je me suis trompée, ai-je dit. Pardon, mère.

– C’est à moi que tu t’adresse ? a-t-elle rétorqué. Ou à elle ?

– A toi. »

Je ne me suis cependant pas précipitée dans ses bras comme je l’aurais fait avec Hannah si j’avais voulu qu’elle me pardonne une bêtise.

« Bien, a conclu mon père. Tout est réglé. »

Il a hoché la tête en direction de Hannah, qui m’a emmenée hors de la pièce. Alors que nous nous engagions dans le couloir, nous avons entendu mes parents parler à voix basse derrière nous, d’un ton pressant. A un certain moment, ma mère s’est exclamé :

« Ma propre fille ne m’aime pas ! »

Hannah m’a serré plus fort la main.

Parlons maintenant de l’histoire. Avec le résumé, on peut croire qu »‘on est face à un roman policier classique, avec un cadavre qui vient d’être retrouvé, une identification à faire, avec une disparition mystérieuse faite dans le passé. En vérité, l’aspect roman policier disparaît peu à peu à mesure que nos personnages vivent leurs vies. Ils ne semblent pas, mis-à-part Victoria, très affectés par la découverte de ce cadavre, même si ce dernier est au cœur de leurs discussions, telles des ragots. De ce fait, on a un peu l’impression que l’aspect roman policier est mis de côté afin de se concentrer sur les relations entre les différents personnages et ce qui s’est produit dans le passé de ceux-ci. Ne vous attendez donc pas à suivre une enquête avec ce roman, même si l’inspecteur en charge de l’affaire intervient aussi par moment. Mais est-ce si grave ? Je trouve qu’ainsi, on peut mieux sentir l’aspect psychologique qui prend le dessus, et le piège qui se referme sur le manoir. J’ai aimé le fait de ne pas savoir immédiatement si le crâne retrouvé était ou non celui de Hannah, et la pression que cette ignorance apporte aux personnages, ainsi que la révélation qui est faite ensuite. Le retour d’une Nanny dans la vie de Jo est là aussi intéressant car cela laisse présupposer plein de choses. J’ai apprécié aussi le fait que Jo se décharge complètement sur elle, ce qui va entraîner différents problèmes par la suite. Jo reproduit en fait les mêmes erreurs que sa mère sans même s’en rendre compte, ce qui est terrible. Le fait de jouer ainsi sur le rôle des Nanny et la place qu’elles prennent dans une famille est alors glaçant, car on se dit qu’on ne peut pas laisser un étranger rentrer ainsi dans l’intimité des gens, et qu’ils ont finalement du pouvoir sur toute la famille. Qui était véritablement Hannah ? C’est toute la question qu’on se pose pendant une partie du roman, et j’ai aussi apprécié ce cheminement sur sa personnalité atypique, et sur la manière dont elle arrive à faire ce qu’elle fait. Le fait de se retrouver propulsé dans la bourgeoise anglaise est aussi plaisant, j’ai aimé cette atmosphère particulière que cela donne au roman.

« Je veux que vous donniez votre démission dans les vingt-quatre heures », ai-je dit à Hannah lorsqu’elle est partie, un peu plus tôt. Je l’avais suivie dans l’allée. Elle arborait un petit sourire suffisant, comme si elle savait quelque chose que j’ignore.

« J’y penserai », a-t-elle répliqué, le regard narquois. Elle a ouvert son parapluie, alors que sa voiture n’était qu’à quelques mètres, m’obligeant à m’écarter vivement pour ne pas en recevoir un coup. J’ai bien failli tomber.

« Je ne peux pas croire que vous conduisiez encore ce vieux Land Rover », a-t-elle ajouté. Il était garé dans l’allée. « Vous vous raccrochez aux souvenirs d’Alexander, c’est ça ? J’espère au moins que vous êtes plus prudente que lui au volant.

– Comment ça ?

– Tout le monde au village se plaignait toujours de la vitesse à laquelle il roulait. J’imagine qu’il en va de même pour vous. Les routes appartiennent aux Holt, pas vrai ?

– Je ne sais pas ce que vous voulez dire. »

Elle a cependant raison. Alexander aimait trop la vitesse.

« Vous devriez faire attention, vous savez, a-t-elle repris. Les véhicules aussi vieux peuvent être dangereux s’ils sont mal entretenus. Ce serait terrible d’en perdre le contrôle, vous ne croyez pas ? Et si les freins lâchaient ? oh, à propose, il me vient une pensée : qui vous regretterait s vous n’étiez plus parmi nous ? »

C’est une menace à peine voilée. Je me suis aussitôt souvenue du livre sur lequel j’avais trébuché en sortant de ma chambre.

En ce qui concerne l’écriture du roman, elle est fluide et il se lit très bien. Le roman se compose de chapitres courts qui s’enchaînent aisément.D’ailleurs, j’ai eu beaucoup de mal à le lâcher dans les derniers chapitres tellement je désirais avoir la fin, savoir comment cela allait se terminer pour Jo, Victoriae t Ruby. Eh effet, il y a un vrai suspens, une vraie tensions dans les dernières pages du livre qui font qu’il est compliqué de le poser. Cependant, j’ai aussi été un peu déçue, comme je l’ai mis plus haut, par l’une des dernières décisions de Jo, ce qui fait qu’à mon sens, la fin est un peu bâclée. Je pense qu’on aurait pu avoir une autre résolution d’histoire, même si je comprends tout à fait le choix de l’autrice, qui boucle finalement la boucle avec la fin telle qu’elle est. Toutefois, cette fin me gâche un peu le personnage de Jo, qui agit de manière très impulsive. Et finalement aucune grande révélation n’est apportée par cette fin, car on savait déjà ce qui était arrivé non seulement à Hannah, mais aussi au corps dans le lac. L’explication de la disparition de Hannah passe aussi trop vite, et j’aurais aimé avoir plus de détail là-dessus, notamment avec les souvenirs de Jo. Certains points sont facilement devinables, c’es aussi dommage, mais on passe aussi facilement outre. Mais ce ne sont que des points scénaristiques, et dans l’ensemble, j’ai vraiment apprécié cette lecture, ainsi que cette plongée dans la haute bourgeoise anglaise, avec ses travers mais aussi son ambiance si anglaise, si raffinée, qu’on a l’impression de se retrouver propulsé dans une autre époque.

En résumé, c’est une lecture intéressante avec quelques défauts. J’ai eu du mal avec le personnage de Jo et son évolution dans le roman, tout simplement parceque je l’ai trouvée trop dure envers sa mère, trop dépendante de Hannah et pas assez futée pour comprendre dans quel piège elle tombait. J’ai préféré le personnage de Victoria, plus nuancé, qui m’a davantage touché, parce qu’il pourrait ressembler à n’importe quelle mère dépassée par la naissance d’un enfant. Le personnage de Hannah, que j’ai peu évoqué dans ma chronique, est lui aussi très intéressant et perturbant. On regarde alors les Nanny d’un autre œil. La fin est peut-être bâclée, cela dépendra des personnes, mais elle est aussi cohérente avec l’histoire proposée, bien que je ne trouve pas assez crédible l’acte de Jo. Le roman se lit bien et j’ai aimé la tension qui se dégage de l’histoire, une pression qui ne disparaît qu’avec la résolution du récit. Je vous en conseille donc sa lecture, c’est un bon roman psychologique avec tout un mystère familial, avec une ambiance anglaise unique.

Et vous ?

Cela vous arrive-t-il d’être déçu par une fin ?

Par une action de la part d’un personnage ?

Cela vous apporte-t-il alors une toute autre lecture du roman ?

Bon vendredi à vous 🙂

Une réflexion au sujet de « La Nanny »

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