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Au bonheur des filles

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez bien et que vous avez passé un excellent weekend et un bon début de semaine. Ici, elle est à l’image de tellement d’autres, soit sous la grisaille, avec une éternelle avalanche de pluie par intermittence. Enfin, quand on dit de la pluie, ici, c’est plus un crachin breton. Et beaucoup de vent. J’espère en tout cas que si la tempête est passée par chez vous, qu’elle n’a pas trop fait de dégât. C’est maintenant une perpétuelle source d’inquiétude, les tempêtes, avec tout ce que cela engendre comme dégât.

En tout cas, pour cette semaine de reprise, j’ai décidé de vous faire voyager. Je vous fait quitter la France et je vous emmène en voyage, aux Etats-Unis, et même à New York. De plus, nous n’allons pas nous contenter de rester à notre époque. En effet, c’est aussi un voyage dans le temps que je vous propose, un voyage dans le New York des années 1940, juste avant que les Etats-Unis n’entrent dans la guerre. Pour ce voyage, je vais me servir du dernier roman d’Elizabeth Gilbert, qui est une de mes autrice préférée. J’avais adoré Mange, Prie et Aime, ainsi que son roman sur l’écriture. Or, aujourd’hui, je vous propose de découvrir son dernier titre, qui sortait aux éditions Calmann-Lévy début février. Je remercie d’ailleurs ces derniers, ainsi que le site NetGalley, pour m’avoir permis de découvrir ce roman en avant-première afin de vous en parler sur le blog. Voici son résumé :

1940. Vivian Morris, 19 ans, fille de bonne famille, est en échec scolaire. Elle est envoyée à New York vivre avec sa tante Peg, propriétaire d’un théâtre grand public à Times Square. Là, Vivian découvre ébahie le monde du spectacle, fantasque et trépident. Elle observe la vie des artistes, danseuses, musiciens et stars du cinéma. Très douée pour la couture, Vivian se met alors à créer tous leurs costumes.

Mais aussi à se libérer du carcan familial, en enchaînant les rencontres avec sa nouvelle amie Celia, une sublime showgirl aux moeurs très légères. Cependant, Vivian commet le faux-pas lors d’une nuit arrosée qui devient un scandale et qui la force à retourner chez ses parents. Mais après des fiançailles rompues, elle décide de retourner à New York pour reconstruire son existence en montant une boutique de robes de mariées, alors que la guerre éclate.

Dans cette histoire, nous suivons Vivian, une jeune fille de bonne famille, riche, qui alors qu’elle est virée de sa prestigieuse université, se retrouve envoyée chez sa tante Peg, à New York. La jeune fille, campagnarde, va alors découvrir la ville et ses charmes, ainsi que sa sexualité. Peg tenant un théâtre, c’est au milieu de filles aux mœurs légères que Vivian va vivre désormais, et prendre comme modèle. Avec son amie Célia, elle va découvrir els plaisir de la chair, jusqu’au drame. La guerre éclate en même temps que la vie brisée de Vivian, qui doit désormais se prendre en main.

Je vais commencer par vous parler du personnage de Vivian. De prime abord, elle peut sembler être une jeune fille frivole, voire même naïve. On en peut pas dire que les premiers contacts avec elle soit sympathiques, même si je dois avouer que je me suis immédiatement attachée à elle. En effet, le point de vue qui est celui de ce texte, qui est donc celui de Vivian, est celui d’une vieille femme. En effet, bien que ce soit Vivian qui raconte cette histoire, elle le fait avec des années de décalage, ce qui fait qu’elle remarque les erreurs de l’époque, et j’ai trouvé que cette femme qui raconte l’époque de sa jeunesse et ses pièges était touchante, car elle a finalement un regard bienveillant sur cette enfant, qui n’est justement que cela, une enfant. Et elle fait cela avec maturité, elle se juge sans se faire trop de mal, on sent alors la sagesse présente chez elle, cette même sagesse qui lui faisait alors défaut. Alors, il est certes certain que la Vivian de l’époque n’était peut être pas très agréable à vivre, pleine de préjugé, mais la grand-mère qui raconte cette histoire l’est bien plus. Et puis, ce qui est intéressant, c’est qu’on sent que Vivian va évoluer, qu’elle ne va pas rester cette éternelle enfant, cette jeune fille frivole pleine d’argent, qui oublie que les autres peuvent être pauvre. Elle apprend peu à peu, à New York, ce qu’est la vie, et ses erreurs ne font que la rendre plus appréciable, plus mature aussi. On a mal pour elle lorsque les choses commencent à lui échapper, et je crois que je l’ai encore plus apprécié à ce moment-là, lorsqu’elle est obligée de se confronter à ses erreurs, à leurs conséquences. Elle est profondément blessée, et cela nous la fait prendre en pitié. Certes, on pouvait ne pas l’apprécier au début, mais cette jeune fille n’a pas forcément mérité ce qui lui arrive. Ce qu’on ne peut pas lui enlever, c’est que c’est u personnage plein d envie, qui s’assume complètement. Vivian est libre et le restera jusqu’à la fin. Avec la maturité, elle sait ce qu’elle veut, elle sait ce qui lui fait plaisir et ce qu’elle ne veut pas. C’est une femme unique en son genre, et surtout très moderne pour son époque, même encore maintenant. Elle apprend à se moquer de ce qu’on pense d’elle, que ce soit dans les années 40 ou après. Elle apprend à se détacher des autres. C’est un personnage qui se révèle finalement plus fort que ce qu’il croit au départ, et je l’ai trouvé inspirante. C’est une femme qui montre la voie, qui peut aisément être prise comme modèle. C’est un peu la grand-mère qu’on aimerait avoir, pleine d’anecdotes sur ces années-là, et qui continue à lever la tête et à se battre pour toutes les communautés. Si Vivian avait des préjugés lorsqu’elle arrive à New York, il est certain qu’elle les lève les uns après les autres. J’ai eu un coup de cœur pour son personnage.

C’est un sujet que je n’ai pas encore abordé, Angela, alors traitons-le une bonne fois pour toute : j’étais riche, et affreusement gâtée. J’avais grandi pendant la grande dépression, certes, mais la crise n’avait jamais acculé ma famille. Après le krach, au lieu des trois bonnes, des deux cuisinières, de la nounou, du jardinier et du chauffeur à plein temps, nous nous étions contentés de deux bonnes, une cuisinière et un chauffeur à mi-temps. Nous avions encore une certaine marge avant d’en être réduits à la soupe populaire.

Et comme dans mon pensionnat huppé, on s’était évertué à me tenir à l’écart de toute personne issue d’un autre milieu que le mien, je pensais que tous les enfants avaient grandi avec un gros poste de radio Zenith dans leur salon. Qu’ils avaient tous eu un poney. Je pensais que tous les hommes votaient républicain, et qu’il existait au monde que deux sortes de femmes : les diplômés de Vassar (comme ma mère), et celles qui avaient étudié à Smith (comme tante Peg, qui avait abandonné au bout d’un an pour s’engager dans la Croix-Rouge). Enfant, j’ignorais tout de la différence entre ces deux université mais j’avais compris, à la façon dont ma mère l’évoquait, qu’elle était cruciale.

Et je pensais, assurément, que tout le monde avait des domestiques.

En ce qui concerne les personnages secondaires, ils sont nombreux à graviter autour de Vivian, d’autant plus que cette dernière ne s’arrête pas à la description de son adolescence new-yorkaise, mais qu’elle raconte aussi tout le reste de sa vie. Cependant, dans tous ces personnages, je regrette qu’on ne sache qu’à la fin qui est Angela, celle même à qui est adressée cette histoire. En fait, je trouve cela logique mais j’aurais souhaité en savoir plus sur elle, et finalement, nous n’avons sur elle que des détails éparses. Je suis un peu frustrée de ne pas en savoir plus sur elle, ce qu’elle est devenue, alors que Vivian possède des détails. C’est la même chose avec le père de celle-ci, même si ce n’est pas le but de ce roman. Finalement, on en sait beaucoup plus sur les personnages qui étaient présents lors du passage à l’âge adulte de Vivian, pendant cette période de l’année 1941. D’ailleurs, pour parler de ces personnages présents à ce moment-là, j’ai moyennement apprécié celui de Peg, la tante, qui se montre révoltante par moment. Certes, ce n’est pas la mère de Vivian, mais on se rend compte qu’elle n’est pas à la hauteur, et qu’elle ne protège pas sa nièce. A se demander pourquoi elle l’a faite venir. J’ai préféré celui d’Olive, bien plus effacée, et pourtant beaucoup plus protectrice dans les moments nécessaires. Elle est la vraie sagesse et Vivian ferait mieux de se trouver davantage vers elle. Il y a aussi Edna, que j’ai détesté. Quelle peste ! C’est vraiment le genre de personnage qu’on ne voit pas venir et qui se révèle aux moments cruciaux. C’est le genre de femme imbue d’elle-même, qui se croit supérieure. Rien que d’en parler, j’ai envie de la frapper. Heureusement, Vivian apprend à bien s’entourer, et j’ai aimé le personnage de Marjorie, qui se dévoile dans la seconde partie du texte. Elle se montre encore plus moderne que Vivian, et se moque encore plus des convenances qu’elle. Leur duo fonctionne bien, et j’ai apprécié de les voir ensemble. Marjorie est celle qui illumine le personnage de Vivian, qui la met en valeur dans un autre domaine que le sexe. Elle a plein de bonnes idées, et elle aussi sait se montrer inspirante. Elle est plus courageuse que Vivian, et c’est elle le vrai moteur de leur duo. Elle amène aussi un peu d’humour dans le récit.

 » J’ai entendu parler d’un endroit, au Canada – c’est un genre de foyer pour mère célibataire, mais en plus luxueux. Tu as une chambre individuelle, et tout à l’avenant. A ce que j’ai compris, les clientes ne sont plus toutes jeunes. Et elles ont les moyens. Je peux aller là-bas vers la fin, quand je ne pourrais plus la cacher. J’annoncerai au gens que je pars en vacances – même si personne n’y croira, vu que je n’ai jamais pris de vacances de ma vie, mais c’est tout ce que je peux faire. Le foyer peut même placer le bébé dans une famille juive. Je me demande bien où ils vont dénicher des Juifs au Canada, mais sait-on jamais ? De toute façon, je me fiche de la religion, vous le savez toutes. Du moment que c’est un bon foyer. Ça me semble une facilité plutôt chouette. C’est pas donné, mais je peu compenser. J’utiliserai l’argent de Paris. »

C’était Marjorie tout crachée, d’avoir résolu un problème seule de son côté, avant de solliciter ses maies. Même si son plan était sans nul dote solide, il me fendait le cœur. Marjorie n’avait rien voulu de tout ça. Nous rêvions d’aller ensemble à Paris et nous économisions à cette fin depuis des années. (…)

Je sus d’emblée que je l’accompagnerais au Canada. Que nous ferlerions l’Atelier tout le temps qui serait nécessaire. Je resterais avec elle jusqu’à la naissance du bébé. Je consacrerais mes économies pour le voyage à Paris à l’achat d’une voiture. Ou tout ce qu’elle aurait besoin.

Ce qui m’a beaucoup plus dans ce roman, c’est tout le travail qui est fait au niveau de la grande Histoire. Ainsi, on apprend plein de choses sur les Etats-Unis et cette période avant leur entrée en guerre. Ainsi, j’ignorais que le pays s’était demandé à rentre en guerre plus tôt, et que c’était le président en place qui avait refusé, qui avait attendu Pearl Harbor pour enfin faire quelque chose alors que l’Angleterre était bombardée et que la France était tombée. C’est intéressant de voir alors les réactions de ces jeunes gens qui arrêtent l’université pour s’engager, sachant pertinemment que la guerre va finir à ses portes, et les réactions qui ont lieu après Pearl Harbor. On voit aussi comment le pays s’organise pendant la guerre et ce que des jeunes filles comme Vivian peuvent faire pour leur pays. Il est certain que la vie n’est ensuite plus la même. Mais sans parler que de la guerre, ce roman traite aussi de la période qui suit après la victoire. On apprend comment sont traités ceux qui reviennent du front, entre ceux qui sont traités en héros, et les autres. J’ai été assez sous le choc lorsque le père d’Angela raconte la manière dont il est traité de déserteur, tout simplement parce qu’il a été blessé sur un porte-avion. C’est tout simplement scandaleux, et tout à fait plausible. Tous les soldats n’étaient pas des héros. Je trouve néanmoins dommage que le roman, qui continue ensuite, ne s’attarde pas sur les événements de la guerre du Vietnam, ni la révolution sexuelle. Ceci n’est que peu abordé, sans doute parce que Vivian est déjà trentenaire à cette époque, et pas concernée. Sa révolution, elle l’a faite avant. Cependant, je trouve que cela manque un peu. J’aurais aussi aimé voir sa réaction face aux autres grands événements de l’histoire, comme le 11 septembre. On peut en effet supposer que Vivian est encore vivante, et que sa fibre rebelle est toujours présente en elle. Ces événements sont sans doute encore trop récent dans l’esprit des new-yorkais.

Ensuite, quantité de jeunes couples au quatre coins de l’Amérique se trouvaient cette semaine-là dans le mauvais pas puisque le pays était en train de développer des millions de boys dans le Pacifique. Mais beaucoup, justement, se hâtaient de se marier avant leur départ. Pour nombre d’entre ex, cette ruée vers l’autel était évidemment motivée par les sentiments, la peur d’un possible trépas et le désir de consommer leur union auparavant. Chez certains, il y avait aussi l’impulsion urgente de caser autant de vie que possible en si peu de temps. (Ton père, Angela, comme bien des jeunes Américains qui allaient être précipités dans la bataille, scella son destin en épousant à la hâte sa petite amoureuse du quartier – mais je ne t’apprends rien, naturellement.

Les jeunes Américaines n’étaient pas en reste : elles étaient des millions à vouloir qu’e leur chéri leur passe la bague au doigt avant que la guerre n’emporte tous les garçons. Certaines cherchaient même à épouser des soldats qu’elles connaissaient à peine, anticipant que si jamais le garçon mourait au combat sa veuve percevrait une indemnité de dix mille dollars ( ces filles étaient surnommées les « Annie Allocations » – et la première fois que j’entendis parler d’elles, je fus soulagée à l’idée qu’il existait finalement pire que moi.)

Ce qui est aussi très intéressant, c’est le monde du théâtre qu’on découvre ici, un théâtre des quartiers populaires, à l’heure où Hollywood s’étoffe, où la télévision n’existait pas encore.Je ne connaissais pas les show-girls, et c’est très intéressant et agréable de se plonger dans un tel univers, d’autant plus qu’on suit la création d’un spectacle de bout en bout, avec la peur des critiques, du manque d’argent, et le reste. Le fait que Vivian soit une couturière hors-pair apporte au récit des envies de découper le tissu, de se faire nos propres tenues, d’originalité aussi. Cela s’est perdu actuellement, et je trouve cela dommage. J’aimerais avoir les capacités, et le temps, de Vivian pour entrer dans son monde. En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à la suivre dans ses aventures de costumière dans le théâtre, puis dans son entreprise de robe de mariées.

La plume de l’autrice est agréable et très immersive. On a vraiment l’impression d’avoir un dialogue, d’être en train d’écouté une femme nous raconter sa vie. Je suis assez bluffée, car j’avais vraiment le sentiment, pendant ma lecture, d’entendre Vivian raconter son histoire, comme si elle était devant moi. J’ai même imaginé sa voix. On est emmené avec elle dans les rues de New York, au milieu des étoffes, du théâtre, de la guerre aussi. On se met vraiment à sa place et on n’a qu’une envie, voir ce New York qu’elle nous décrit, cette ville qui est passée et cette époque révolue. J’ai cependant un petit bémol, c’est que les chapitres sont assez longs. Peut-être que les couper aurait été une bonne idée.

En résumé, je ne peux que vous conseiller cette histoire. Vivian, l’héroïne, est attachante e ton prend plaisir à la suivre dans ses aventures, dans le New York qu’elle nous décrit et qu’on ne peut plus voir. J’ai vraiment eu le sentiment d’être face à quelqu’un qui me racontait son histoire, comme dans un témoignage, et cela renforce le lien entre le personnage et le lecteur. Tout l’aspect de la guerre est intéressant, tout comme celui du monde du théâtre. On apprend plein de choses avec cette histoires, et on voit des femmes fortes qui se relèvent sans cesse, quelques soient les difficultés. La plume de l’autrice est agréable. C’est un livre à lire.

Et vous ?

Aimez-vous les romans évoquant la guerre ?

Les personnages s’adressant au lecteur vous dérangent-ils ?

Qu’aimez-vous retrouver dans les romans contemporains ?

Bon mercredi à tous 😀

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