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Les oscillations du coeur

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez une bonne semaine. Ici tout va, même si je sens que la fin d’année se rapproche. C’est un peu la course pour finir le programme. Je me mets déjà la pression, j’ai peur de ne pas réussir à faire tout ce que je veux. D’autant plus que les élèves n’ont plus vraiment la tête au travail, avec les vacances d’avril qui approchent et le soleil qui ne nous quitte plus. Ils ne parlent que d’aller se prélasser sur l’herbe.

Aujourd’hui, je vous retrouve sur le blog pour vous présenter l’une de mes dernières lectures. Et oui, c’est une chronique littéraire. J’ai l’impression de ne pas en avoir fait depuis un moment. Je vais donc vous parler d’un roman que j’ai évoqué dans mon C’est Lundi, que lisez-vous de cette semaine. Il s’agit d’un roman contemporain. C’est le dernier titre de Anne Idoux-Thivet, qui est sorti début janvier aux éditions Michel Lafon. Je remercie ces derniers et la plateforme NetGalley pour me l’avoir envoyé en service presse. J’avais déjà lu, grâce à eux, le premier roman d’Anne Idoux-Thivet que j’avais chroniqué ici. Voici le résumé de ce nouveau titre :


Discrète et fleur bleue, la Japonaise Aïko Ishikawa est une designer textile talentueuse. Veuf inconsolable, l’écrivain Jean-Marc Poulain se définit lui-même comme une « ancienne gloire de la littérature ». Quant à la déroutante Angélique Meunier, elle est mathématicienne au CNRS.

Que peuvent bien avoir en commun ces trois personnages ? En apparence rien, sauf peut-être leur amour pour de curieux petits jouets vintage appelés culbutos. Par hasard, ils découvrent que certains de ces joujoux renferment de mystérieux messages : « Le phare m’appelle », « Les amants sont des âmes sœurs », « Demain je pars »…

Lié par cette étrange trouvaille, l’étonnant trio parviendra-t-il à percer cette singulière énigme ?

Dans cette histoire, nous suivons trois personnages principaux, qui sont Aïko, une jeune artiste japonaise, Angélique, une mathématicienne autiste, et Jean-Marc, qui a été un écrivain célèbre autrefois. Tous les trois aiment les culbutos, anciens jouets vintages. Ils les collectionnent même, Angélique parce que cela la rassure, Aïko parce qu’elle s’en inspire pour son travail, et Jean-Marc parce que sa femme les adorait. A priori, ces trois personnages n’avaient pas l’occasion de se retrouver, de se connaître, puisqu’ils ne vivent pas dans la même ville, qu’ils sont d’âge et de milieux sociaux différents. Mais voilà, à l’intérieur de leurs culbutos, qu’ils vont tous les trois faire tomber par accident, ils vont découvrir des messages étranges. Qui a pu les laisser dedans ? Nos trois héros vont se retrouver liés à une quête commune qui va les réunir et peut-être réunir aussi d’autres personnes.

Je vais commencer cette chronique par vous parler de Jean-Marc. Ce n’est pas avec lui que débute le récit, et pourtant il est à l’origine de tout, puisque c’est par lui que la quête des messages va commencer. Ainsi, c’est Jean-Marc qui, le premier, s’interroge sur ces messages, qui se met à en faire son enquête. Jean-Marc est un ancien écrivain qui a connu du succès. Comme il aime s’appeler, il est une « ancienne légende de la littérature française ». Il a ainsi eu un prix pour ‘l’une de ses oeuvres. Mais voilà, il n’a jamais reconnu le succès, si bien qu’il est tombé dans l’oubli. Il entretient cette ancienne carrière, se maudissant d’être passé à côté. A mon sens, il se complaît un peu dans son malheur, ressassant en permanence cette récompense qu’il a reçu. Il regrette cette époque, celle où il était adulé pour ses écrits. Ceci ne le rend donc pas, de prime abord, sympathique. D’autant plus que Jean-Marc a une vision très élitiste de la littérature. On le constate dès le début lorsqu’il critique les romans que lisait sa femme, ceux mêmes qu’il vient de découvrir après le décès de celle-ci. Il ne peut s’empêcher de dénigrer ce qui est populaire. On sent que, pour lui, tout le monde ne devrait pas avoir accès à la littérature, que c’est aussi compliqué de de l’art théorisé. Cela se ressent aussi dans son aversion des réseaux sociaux. Et lorsqu’il critique, il ne fait pas semblant. Ses mots sont acerbes, voire cruels. J’avoue avoir eu beaucoup de mal avec son personnage, au début de l’histoire. On se demande pendant un long moment comment il va évoluer. Surtout qu’il est veuf, qu’il a perdu sa femme, et qu’il est un peu enfoncé dans un schéma négatif, d’apitoiement sur lui-même. C’est le genre de personnage que l’on a envie de secouer. Mais heureusement, il a une évolution plutôt intéressante. Il s’ouvre un peu plus au monde, ce qui fait qu’on s’attache, finalement, à lui. J’ai aimé son côté curieux, qui fait qu’il lance l’enquête et rassemble les preuves. C’est quelqu’un d’organisé, de méthodique. Et puis, l’on sent qu’il a de l’expérience, qu’il sait où il veut aller. Son personnage permet de contrebalancer l’exubérance des deux filles.

Pour la première fois depuis la disparition de Barbara, il descendit à la cave où il espérait trouver des cartons pour ranger les dossiers de sa femme. Là, au fond du fin fond du garage, il fit une découverte qu’il ne s’expliqua pas, à savoir six énormes caisses en plastiques achetées chez Ikea, sur chacune desquelles cet étrange mot était écrit de la main de Barbara en capitales noires indélébiles : TATASSERIES. A l’intérieur de ces six boîtes (…) des dizaines et des dizaines de livres Colombine. La lie de la littérature remisée derrière des pneus-neige par une Barbara sans doute peu fière d’avoir succombé aux sirènes de leur débilitante lecture.

Jean-Marc avait toujours trouvé que les éditions Colombine étaient justement nommées. Les colombines, c’est de la fiente de pigeons. Or, selon lui, même la fiente de pigeon était plus utile à la société que les livres Colombine. La première servait autrement de fumures aux cultures les plus exigeantes, quand les secondes abêtissaient les masses qui s’adonnaient à leur lecture.

Je vais à présent vous parler d’Angélique. Je me suis tout de suite attachée à son personnage. Il faut dire qu’Angélique a une candeur toute mignonne, due à sa particularité. Angélique est autiste. Cela est assez léger chez elle, elle peut ainsi travailler, avoir des interactions avec les autres, améliorer ses contacts avec autrui. C’est une mathématicienne de génie qui ne s’ouvre pas beaucoup. Ainsi, au début de l’histoire, elle n’a pas d’amis, par d’autres passions que ses culbutos. Le fait d’en casser un, son préféré, la pousse alors à sortir de sa zone de confort. Elle découvre la danse, et surtout se fait des amis. Et elle se retrouve impliquée dans l’enquête des deux autres pour trouver l’auteur des messages dissimulés dans les culbutos. Je pense que c’est le personnage qui a l’évolution la plus intéressante, alors que l’on pourrait penser qu’elle ne va pas beaucoup changer. J’ai adoré ses réflexions, toujours très vraies et très justes, même si elles peuvent paraître blessantes sur le coup. J’ai été touchée par la vision qu’elle a du monde, et même d’elle-même. Elle se sait différente, et parfois cela la dérange. Je me suis sentie assez proche d’elle, émue par sa manière de réfléchir. Je ne sais pas si son personnage reflète vraiment les autistes, du moins certains d’entre eux, mais j’ai apprécié sa présence, qui amène du comique au roman, grâce à ses remarques, et parce qu’elle amène une fraîcheur différente des autres. Elle ne supporte pas le mensonge, ce qui va poser problème à Aïko et jean-Marc par moment, et en même temps, on comprend sa soif de vérité. Ce que j’ai aussi aimé, c’est qu’elle est là par curiosité, mais aussi parce que sa mère l’a envoyée. En effet, Angélique ne s’intéresse pas vraiment au passé, ni aux conjonctions. Elle a besoin de concret. Et cela va lui permettre d’avoir un recul différent sur la situation. C’est sans doute le personnage que j’ai le plus apprécié.

Les touches de la machine à écrire étaient plus sensibles sous les doigts de la jeune femme que celles de son clavier d’ordinateur. Cette impression lui plut beaucoup. Idem pour les cliquetis produits par la frappe, qui charmèrent ses oreilles pourtant douillettes et difficiles. Cette délicieuse expérience chamboulait le classement de ses centres d’intérêt. Enivrée par les « clic-clic » de la Japy Script, Angélique tapa :

« Classement de mes occupations préférées :

1) Danser

2) Taper à la machine à écrire

3) Etudier Gömböc

4) Regarder bouger mes culbutos

5) Résoudre des équations mathématiques. »

Qui aurait cru, ne serait-ce que six mois plus tôt, que Gömböc pouvait si facilement être relégué à la troisième place du podium ? Certainement pas Angélique elle-même.

Je vais maintenant vous parler d’Aïko, le dernier membre de notre trio. J’ai bien aimé son personnage. Elle apporte une petite touche d’originalité, d’exotisme, et surtout de fantaisie. En effet, elle est fan d’une chanteuse française, Claudine Casserole, qu’elle adule depuis qu’elle est enfant. C’est d’ailleurs grâce à elle qu’elle se retrouve en France. J’ai trouvé cette passion qu’elle a amusante. Je l’ai facilement imaginé parler de cette chanteuse avec des étoiles dans les yeux, un peu comme le ferait une adolescente. Cela donne une sensation de jeunesse à cette histoire, car Angélique et Jean-Marc sont finalement très sérieux, posés. Aïko apporte de la joie, de l’exubérance nécessaire à l’histoire. En bonne japonaise, elle est assez discrète, mais ce caractère s’efface lorsqu’elle évoque sa star préférée, les culbutos, et sa passion pour les romances. Elle a un côté fleur bleue, romantique, touchant. Elle est très positive, optimiste. On a envie de la voir heureuse, comme elle imagine les autres heureux. Et j’ai apprécié d’en savoir plus sur ses traditions. Elle nous donne envie de voyager, de visiter son Japon. C’est l’exemple de fille que l’on aimerait avoir pour amie. J’ai aussi aimé sa douceur, la manière dont elle prend soin de son groupe. Elle a un côté maternelle qui est flagrant lorsqu’elle s’occupe d’Angélique ou de Jean-marc. Elle est un peu l’édifice qui permet de soutenir leur trio, l’élément fondamentale qui empêche les autres de s’écrouler, d’abandonner. Elle est celle qui relie tout le monde, qui permet aux autres de se comprendre. J’ai aimé cette capacité qu’elle possède de faire le lien entre le monde d’Angélique et celui de Jean-Marc, ce fil conducteur qu’elle est pour eux.

Après ses six malheureuses aventures, l’artiste japonaise vivait toujours seule et ce n’était pas un hasard. Elle n’avait en effet tiré aucun enseignement du désastreux épilogue de son histoire avec son premier petit ami français – celui qui lui avait asséné ses désobligeantes leçons de morale littéraire. Plutôt que d’affronter les franches querelles parfois nécessaires pour assainir, fortifier ou au contraire casser sans ambiguïté un couple, elle avait toujours courbé l’échine, gommant les désaccords, esquivant les disputes. Jusqu’à ce qu’elle prenne conscience du fait que ses compagnons – tous du même bois, apparemment – profitaient de son accommodante gentillesse, et même la méprisaient pour cela. Il faut croire qu’elle n’était qu’une bonne poire programmée pour avoir le coeur brisé.

Je vais terminer cette chronique en vous parlant de l’histoire en général et de l’écriture de l’autrice. J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire. Son début est en effet un peu long. On a d’abord une présentation des trois personnages avec leurs culbutos préférés, leur passion, puis après ils se rencontrent, s’apprivoisent, avant de partir vraiment mener leur enquête. Cette construction est logique pour l’histoire puisque nos trois héros ne se connaissent pas au début. Cependant, je l’ai trouvé un peu laborieuse et je n’ai pas été tout de suite emballée par le récit. Toutefois, une fois que l’enquête est lancée, on se prend facilement au jeu. Et plus cette dernière avance, moins on a envie de lâcher le roman. On veut savoir le fin mot de l’histoire et j’ai apprécié certains rebondissements, même si d’autres sont assez prévisibles. On est facilement embarquée dans l’aventure. En ce qui concerne l’écriture de l’autrice, c’est un peu la même critique que je ferais que celle du début de ce paragraphe. Elle est un peu longue à être appréciée totalement, car elle n’est pas aussi fluide que d’autres auteurs. Ainsi, j’ai trouvé que le ton du récit était un peu celui que j’imaginais pour Jean-Marc, pour ses propres livres. L’écriture de l’autrice reflète une certaine culture, un certain vocabulaire, une certaine construction de phrases qui peut faire universitaire. Le roman se lit bien, mais le ton en lui-même démontre une certaine érudition qui se sent et qui peut être compliquée à appréhender au début. Je pense que c’était ce qui m’avait fait tiquer dans son premier roman. Néanmoins, encore une fois, dès que l’histoire est enclenchée, on est happée par elle.

En résumé, j’ai passé un très bon moment avec ce roman. Une fois qu’on passe ce qui peut s’apparenter à une introduction, on a envie de savoir la suite, de comprendre pourquoi des messages sont placés dans les culbutos, ce qu’ils signifient, et où va mener l’enquête de Jean-Marc, Angélique et Aïko. Même si certaines choses sont prévisibles, c’est un bon titre que j’ai pris plaisir à lire.J’ai beaucoup aimé ces personnages féminins. Et j’ai beaucoup aimé la manière dont l’histoire est finalement construite, la manière dont les culbutos font le lien entre tous les personnages, comme le blog de Barbara. Je le conseille donc, vous ne serez pas déçus.

Et vous ?

Qu’aimez-vous comme style d’écriture ?

Aimez-vous lorsque le texte vous résiste un peu ?

Qu’est-ce qui vous fait adorer un auteur ?

Bon mercredi à tous 🙂

Une réflexion au sujet de « Les oscillations du coeur »

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