chroniques littéraires

La folie des papillons

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez un agréable weekend. Pour ma part, je trouve que le temps à Nantes est assez lourd, et je regrette un peu que les températures ne chutent pas plus, surtout le soir. Mais nous commençons tout doucement à rentrer dans l’été, ou à ce qui y ressemble, donc on ne va pas se plaindre non plus, d’autant plus qu’il y plut un peu, ce qui a permis de ramener de l’eau par ici.

En tout cas, aujourd’hui j’ai eu envie de vous faire remonter le temps. On va en effet revenir à une période qui nous paraît très loin, mais qui ne l’est pas tant que cela au vu de l’évolution de l’humanité et de notre histoire. Ainsi, l’histoire dont je vais vous parler ce matin a lieu entre les deux guerres, et c’est donc un roman historique. Il est écrit pour la jeunesse, et s’intitule La Folie des Papillons. Il est écrit Laetitia Casado et est publié aux éditions Scrineo. Il est sorti en mai 2023 et je remercie les éditions Scrineo de me l’avoir envoyé en service presse numérique via la plateforme NetGalley. Voici son résumé :

1922.

Dans un Paris dirigé par les hommes et marqué par la guerre, le gang des « Papillons Noirs » sévit la nuit. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un groupe de voleuses qui s’en prend aux biens des hommes riches. Un sujet qui sème la discorde dans toute la ville…

Alors que la police mène l’enquête sur ces Robins des bois au féminin, trois amies, Léontine, Alice et Emma, tentent de trouver leur place dans la société des années folles. Journaliste, couturière ou passionnée d’art, c’est à travers leurs passions, leurs revendications et les rencontres du hasard, qu’elles prendront en main leur destin.

Nous sommes donc en 1922, à Paris, et nous suivons trois femmes, Léontine, Alice et Emma. Chacune vit cette période à sa manière, bien qu’elles soient très amies, presque des sœurs suite à ce qui est arrivé pendant la Première Guerre Mondiale. Or, Léontine est très engagée dans la lutte féministe, et elle va entraîner ses deux amis dans cette quête de droits qui va les faire rejoindre le gang des Papillons Noirs, un groupe qui s’attaque aux hommes de pouvoir.

Je vais commencer cette chronique en vous parlant du personnage qui, selon moi, à l’évolution la plus intéressante. Il s’agit d’un personnage que je n’ai pas vraiment apprécié au début, mais qui, grâce à cette évolution, nous permet de changer notre regard sur lui. Il s’agit du personnage d’Emma. Au début du roman, la jeune femme, qui vient de se marier, est totalement dévouée à son mari. Ainsi, elle ne fait rien qui puisse l’agacer, et elle respecte ses ordres à la lettre. De ce fait, la quête que mène Léontine pour obtenir plus de droits pour les femmes lui paraît ridicule, même si elle rêve de plus de liberté. Emma représente donc toutes ces femmes qui, à l’époque, ne pensaient qu’en terme de réputation à préserver, de faux-semblants aussi, et qui rêvaient d’un grand amour qui les mènerait vers une vie rangée, celle d’une épouse veillant sur la maison et sur ses enfants. On sent alors en Emma le poids de son éducation, ainsi que l’importance du jugement de l’époque. J’avoue qu’avec ce qu’on sait aujourd’hui, avec les temps qui ont changé, le personnage d’Emma paraît ridicule et dépassé, et on lève les yeux face à ses remarques, face à son attitude qui est totalement soumise. Malheureusement pour elle, son mariage ne se passe pas comme elle le souhaite, et Emma va donc devoir ouvrir les yeux et défendre sa vie. J’ai préféré cet aspect-là du personnage, tout simplement par Emma est obligée de se défaire de ses idées, de se confronter à la réalité, et de changer de perspectives. De ce fait, elle en devient une héroïne intéressante, qui est obligée de se dépasser et de faire bouger les choses. On a aussi peur pour elle, pour ce qu’elle pourrait devenir. Son personnage montre alors que rien n’est jamais fixé et que les idées peuvent changer, et que si on n’est pas féministe un jour, on peut le devenir. C‘est aussi pour cela que son évolution est intéressante, car elle montre qu’on peut changer, et trouver la force de se battre lorsqu’on comprend certaines choses. Si je ne m’étais pas attachée à Emma au début de l’ouvrage, cela a donc changé au cours de ma lecture, et j’ai apprécié le courage dont elle va faire preuve, et la manière dont sa soif de liberté va la pousser à se battre. C’est aussi une femme avec de la culture et qui est intelligente, et j’ai apprécié la manière dont elle use de ces qualités.

L’époux d’Emma n’est pas très apprécié par Léontine et Alice. Elles l’ont rencontré une fois. Dans un café-concert, sur une idée d’Alice qui voulait absolument faire connaissance avec celui qui faisait battre le cœur de son amie. Mais Edmond est apparu comme autoritaire, désagréable et n’appréciant pas la musique et la fête. Après cela, il a interdit à Emma de revoir ces « jeunes femmes dépravées ». Même si Emma leur assure que désormais il est revenu sur ses propos, Léontine sait qu’elle lui cache la teneur de leur amitié et ne lui révèle pas toutes ces fois où elles se donnent rendez-vous. Pour cette journée à la plage par exemple, Edmond croit probablement Emma en visite chez sa mère. C’est d’ailleurs grâce à lui que les filles ont pu obtenir des billets de train à moitié prix. Il a des contacts dans les transports avec son travail, et Emma en profite.

Parlons à présent des autres personnages. J’ai apprécié Léontine et son envie de faire bouger les choses. Dès le début, elle milite pour que les femmes aient le droit de travailler dans les mêmes domaines que les hommes, et elle a un discours très engagé. C’est une femme qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, et c’est donc assez naturellement qu’elle va vouloir rejoindre la lutte des femmes, celles qui se confrontent à la police et qui font du bruit. J’ai alors apprécié son courage et sa motivation, même si on a aussi envie de se dire qu’il existe d’autres moyens que ce qu’elles font. J’ai toutefois trouvé que c’était un personnage qui évoluait beaucoup moins que les deux autres, que ses deux amies, même si elle finit par ouvrir un peu son cœur à la fin. Léontine est quelqu’un qui a l’habitude de se débrouiller seule, et si elle sait qu’elle peut compter sur les femmes, elle ne fait pas confiance aux hommes, elle les repousse. C’est alors compliqué pour elle de trouver l’amour, ou même de se lier aux hommes. Son attitude va toutefois changer, s’ouvrir, vers la fin du roman, et elle va comprendre que tous ne sont pas mauvais. Son changement d’avis est alors intéressant, et il est dû à Alice. J’ai apprécié le personnage d’Alice, car elle est pleine de joie et de vie. C’est agréable de l’avoir dans le récit, car elle permet de basculer la gravité des deux autres, et elle montre aussi que l’amour n’est pas incompatible avec la lutte des féministes. J’ai vraiment apprécié son caractère joyeux, et son envie de faire bouger les choses à sa manière, sans renoncer à ce qui fait son charme, sa féminité. Elle se bat à sa manière, différemment de Léontine ou d’Emma, et c’est tout aussi agréable de voir ses questionnements, ses doutes et ses victoires. J’ai aussi aimé toute l’enquête qu’elle mène au début du roman pour retrouver une fille enlevée par son père, ce qui montre qu’Alice est toute aussi intelligente que ses amies, même si elle se montre plus superficielle, ou du moins, nous en donne l’impression.

« Les femmes aussi ont un avis : Donnons-leur le droit de l’exprimer en votant ! »

Le slogan s’affiche partout sur de longues toiles tendues par des femmes de tous âges. Léontine est fière de se retrouver parmi elles. Elle ne veut pas juste participer, ou écrire des articles comme elle essaie de le faire depuis des années mais elle souhaite s’enflammer, mettre des mots sur ses pensées, à voix haute. Depuis quelques mois, elle se sent transformée par son engagement politique, elle se voit mûrir, trouver un sens à ses actes. Elle se bat pour le droit de vote, mais elle voit plus grand. Qu’en est-il du travail sous-représenté des femmes ? De la possibilité pour une femme mariée d’acquérir de nouveaux rideaux sans l’assentiment de son mari ? Du refus d’avoir un enfant sans passer pour une criminelle ?

J’en arrive à présent à l’histoire en tant que telle. Comme cela est mis dans le résumé, nous sommes en 1922 et nous sommes dans les prémices de la lutte féministe. Ainsi, les femmes qui ont dû remplacer les hommes pendant la Première Guerre Mondiale estiment qu’il est temps qu’elles aient des droits elles aussi, et qu’elles ne soient pas soumises aux hommes. J’avoue que c’est assez essentiel de rappeler que cette lutte est aussi récente, et que l’année dernière, ou même cette année, cent ans plus tôt, les femmes n’avaient pas les mêmes droits que ceux qu’on a aujourd’hui. Ces droits n’ont même pas cent ans, et je trouve cela assez fou de se dire qu’ils sont aussi récents. Le roman nous rappelle donc les batailles qu’il a fallu mener pour obtenir ces droits, et que cela a vraiment été compliqué, alors qu’en Angleterre, le combat des suffragettes arrivait à sa fin. Ici, on rappelle donc la manière dont les femmes ont lutté, tout en ajoutant une fiction, celle du gang des Papillons Noirs. J’ai bien aimé cette idée de gang, car nous sommes avec des femmes qui prennent, ou reprennent, ce que les hommes ont volé, spoliés, et qui le font dans l’illégalité, tout en mettant la pression, en effrayant ces mêmes hommes. De ce fait, nous avons deux manières d’envisager le combat dans ce roman, celui pacifiste, avec les manifestations, qui dérivent beaucoup, et celui illégal, avec ce gang qui entrent par effraction et qui vole les hommes. On entre alors dans ce qui fait écho au féministe, cette lutte des classes qui est sous-entendue dans le roman, car le gang des Papillons ne s’attaque qu’aux riches, qu’aux hommes de pouvoir qui se mettent en travers de leur route ou qui s’attaquent aux femmes. C’est alors intéressant de rappeler le liens entre les deux, le fait que les hommes de pouvoir et riches décident pour tout le monde, et refusent de donner des droits à ceux qu’ils estiment inférieurs, tout en se méfiant pas de leurs proches, de leurs femmes et enfants. J’ai vraiment apprécié cette plongée dans cette époque, et celle de suivre nos trois héroïnes dans le rapport et leurs questionnements face au gang des Papillons Noirs, et de voir comment toutes les trois finissent par y accéder, de manière totalement différente.

Elles sont une vingtaine, rassemblées devant le palais du Luxembourg d’où sortiront dans quelques minutes les sénateurs. Elles sont vêtues de noir, tenant fermement, de leurs poings tremblants, des panneaux sur lesquels elles ont mis toute leur rage, leur dépit. Les panneaux sont levés au ciel devant un gribouillis de nuages.

Léontine attend. Le pied trépidant, la main frétillante et la tête bourdonnante. Elle crie de temps en temps quelques mots à l’attention des fenêtres closes. Sur le droit d’être diplômée, leurs conditions de vie, ou l’accès à l’argent du foyer. Bien qu’elles soient peu nombreuses, la rumeur est immense et son corps est envahi de frissons. Victoire lui a donné rendez-vous près du palais. Cela fait deux ans que le Sénat doit considérer la question des droits politiques des femmes. Les députés leur on accordé en 1919, mais l’aval du Sénat est nécessaire pour qu’enfin elles puissent voter. Qu’attendent-ils . En venant ici, Léontine se sent mêlée à quelque chose de grand. Elle est là pour défendre une cause qui englobe bien plus qu’elle-même, toutes les femmes du pays.

Pour ce qui est de l’écriture, elle est fluide, mais j’avoue que j’ai eu le sentiment que l’histoire se mettait en place assez lentement. D’ailleurs, le gang des Papillons Noirs, même s’il est mentionné très tôt dans le roman, n’intervient qu’assez tard dans la vie de nos héroïnes. Il est même assez anecdotique, je trouve, par rapport à tout ce qu’il se passe dans le roman. J’aurais aimé qu’il soit plus présent, par exemple avec l’enquête que mène Alice, qui n’aurait finalement que peu d’incidence sur le récit. J’ai donc trouvé que certaines histoires parallèles prenaient trop de place par rapport à l’histoire centrale. La fin arrive aussi trop vite, avec le spectacle monté par les filles, et la lutte qu’elles finissent par abandonner en France. Je trouve que la fin est expédiée, et réglée assez rapidement, qu’elle manque d’aboutissement, ou alors, c’est parce qu’elle s’ouvre sur une possible suite. La fin me laisse assez dubitative. Mais la plume de l’autrice est assez immersive et nous entraîne bien dans le Paris de cette époque.

En résumé, ce roman est une bonne lecture qui nous permet de nous rappeler que la lutte féministe est finalement très récente, et qu’elle est aussi facilement remise en question. C’est donc un bon titre pour découvrir comment cela a pu se passer à l’époque, et comment les combats ont été difficiles pour les femmes. Les héroïnes sont plutôt attachantes, même si j’ai préféré Alice et sa joie, et que j’ai aimé l’évolution d’Emma. Le gang des Papillons Noirs semble toutefois moins important que ce qu’on peut croire, et je l’ai trouvé anecdotique dans le récit. La plume est fluide et le roman se lit bien, mais la fin m’a laissée sur ma faim. C’est un roman que je vous conseille pour découvrir le féminisme des années 20 en France. Le récit est intéressant et plaisant à lire.

Et vous ?

Aimez-vous les romans historiques ?

Préférez-vous lorsqu’ils restent fidèles à l’histoire ?

Ou aimez-vous lorsqu’ils prennent des libertés avec la vérité ?

Bon dimanche à tous 🙂

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