chroniques littéraires

La promesse d’une île

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez un agréable weekend. Pour ma part, j’ai été me promener vendredi avec une amie, et on a tellement marcher que j’ai la hanche en compote. J’ai l’impression d’être devenue vieille, mais j’ai vraiment mal. C’est bien la première fois que ça m’arrive, d’avoir aussi mal.

Ceci n’est pas fait exprès, mais cela me donne la transition parfaite. Aujourd’hui, je reviens sur le blog pour vous parler de l’une de mes dernières lectures, et cela tombe bien, car il parle justement de vieillesse et du fait de passer la main à cause du corps qui lâche. Aujourd’hui, je vais en effet vous parler du dernier roman de Sophie Tal Men, qui nous emmène sur l’île de Groix. Ce roman s’intitule La Promesse d’une île. Il est sorti aux éditions Albin Michel, en mars 2023. Il s’agit d’un roman contemporain. Voici son résumé :

Larguer les amarres pour mieux se reconstruire…

Alexis n’a plus rien à voir avec le jeune urgentiste passionné qu’il était : brisé par ses missions humanitaires, il a perdu goût à la vie et foi en son métier. Lorsqu’on l’appelle pour remplacer l’unique médecin généraliste sur l’île de Groix, en Bretagne, c’est à reculons qu’il s’y installe, ignorant tout des merveilleuses promesses que cette île lui réserve…Au contact de sa nature sauvage et de ses habitants haut en couleur, Alexis renoue avec le plaisir de vivre et un nouveau départ s’offre à lui…

Dans cette histoire, nous suivons donc Alexis, un jeune médecin urgentiste, qui rentre tout juste d’une mission en Syrie. Là-bas, il y a vu l’horreur, et il est autant marqué dans son esprit que dans sa chair. Ne sachant pas vraiment quoi faire, il rentre à Brest, et retrouve ses anciens amis de promotion. Or, là-bas, Matthieu a peut-être une idée pour lui. Son père, Yann, est médecin généraliste sur l’île de Groix et il doit se faire opérer de la hanche. Mais pour cela, il doit trouver un remplacement. L’idée se trouve là, Alexis va remplacer Yann sur l’île. Et peut-être même y trouver enfin sa place.

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage principal, à savoir Alexis. C’est un jeune homme marqué par ce qu’il a vu pendant ses missions humanitaires. Le fait de revenir en France va apporter un grand décalage dans sa vie, si bien qu’il est totalement perdu. Il n’a jamais été que médecin humanitaire, mais lorsqu’il ne peut plus faire cela, lorsqu’il a atteint ses limites, que peut-il faire d’autre ? J’ai apprécié cette réflexion qui arrive grâce à lui, à la fois celle de se demander comment on agit pour s’occuper de ceux qui ont vécu l’enfer à l’étranger, mais aussi des problèmes de reconversion, des difficultés lorsque celle-ci n’est pas voulue. Alexis est donc un personnage qui nous touche, parce que sa détresse est visible, et parce qu’on la ressent. Il est totalement perdu et il ne sait pas quoi faire de sa vie, si ce n’est se reconstruire. Or, pour cela, il va devoir compter sur les autres, alors même qu’il est assez solitaire et indépendant. J’ai apprécié le fait qu’il soit obligé de s’ouvrir petit à petit, de dépasser son caractère pour se dépasser, pour aller mieux. Il va alors comprendre qu’il ne peut pas rester dans son coin, qu’il doit compter sur les autres. J’ai vraiment aimé cette évolution chez lui, qui va se manifester à la fois grâce à ses patients, mais aussi à la présence de Jo, d’Olivia et de Rose.J’ai aimé la manière dont il veille sur la petite fille, et la manière dont il va aussi se relier à sa sœur. J’ai d’ailleurs apprécié les liens qu’il va construire sur l’île, et le fait que cela va aussi le pousser à se battre pour revenir, et rester. Alexis est donc un personnage touchant, que j’ai apprécié de voir se reconstruire au fur et à mesure de ma lecture, de voir s’ouvrir aux autres aussi, et sortir de sa coquille.

Il rentrait au bercail, sans but, sans projets, sans joie. Comme une poule regagne son poulailler à la tombée de la nuit. Indifférent aux effusions de joie autour de lui, aux embrassades, le jeune homme avait baissé la tête en longeant les couloirs de l’aéroport. En se félicitant de n’avoir prévenu personne de son retour. L’idée d’une haie d’honneur à Roissy lui avait paru totalement inappropriée. Tellement futile et décalée par rapport à ce qu’il avait vécu. L’excitation que cela suscitait chez certains, la curiosité aussi. Il n’était pas prêt à ça. Les premiers mois qui avaient suivi son départ, il se souvenait que Valentine – l’unique famille qui lui restait – lui avait reproché de ne pas donner de nouvelles. (…) Comment retranscrire son quotidien sans l’inquiéter ? Sans choquer ? Ce n’était pas seulement l’expérience d’un voyage, de rencontres exotiques, de beaux paysages. Ses missions humanitaires à travers le monde l’avaient mené là où personne ne va, dans les endroits les plus reculés, les plus hostiles, les plus dangereux de la planète. Il savait maintenant que la la violence, la peur, la mort étaient universelles. Que la vie n’avait pas le même prix partout, ni pour tous, malheureusement. Et le trentenaire barbu qui s’agrippait au milieu de la foule, n’avait plus rien à voir avec le jeune urgentiste fringant, plein de bonne volonté, d’il y a huit ans. Une gravité nouvelle s’était immiscée en lui, un regard plus sombre sur le monde.

J’en arrive maintenant aux personnages secondaires. Ils sont assez nombreux, mais on prend plaisir à retrouver des personnages que l’on connaît déjà, à l’image de Matthieu et de sa femme Marie-Lou. C’est toujours amusant de retrouver les personnages des tomes précédents et de voir comment ils ont évolué, de voir els enfants qui grandissent, ou qui naissent. Ici, on découvre le père de Matthieu, Yann, qui a vraiment un caractère de cochon. En vrai breton, il passe son temps à râler et à ne pas écouter els autres. Médecin généraliste sur l’île de Groix, il refuse de se faire opérer de la hanche, alors qu’il souffre, parce qu’il refuse de laisser ses patients à quelqu’un d’autre. Il finit pourtant à céder, et il laisse son cabinet à Alexis, mais il se comporte mal avec lui, et diffuse plusieurs rumeurs sur l’île. Certes, ce sont des blagues qui n’ont pas vraiment d’incidences, mais cela montre à la fois le caractère du médecin, et aussi sa volonté de rester le seul médecin sur l’île. J’avoue que j’ai été un peu mitigée sur son personnage, car on peut le trouver attachant dans sa manière de veiller sur Jo ou Olivia, ou ses autres patients, mais il est aussi toxique par moment, et il est possessif par rapport à ses patients. C’est l’exemple type de l’homme qui refuse de prendre sa retraite, de passer la main. Il s’accroche à son travail. Heureusement, son personnage est contrebalancé par celui de Jo, qui est tout en blague et en accompagnement pour Alexis, un vrai pilier pour lui. Je regrette toutefois que Jo ne soit pas plus présent, et je ne me souviens pas de lui dans les autres tomes, j’aurais donc aimé en savoir plus sur lui. Enfin, j’ai apprécié le personnage d’Olivia, qui va elle aussi se reconstruire auprès d’Alexis. Elle est toutefois elle aussi en retrait, de mon point de vue, par rapport au personnage de Yann qui prend beaucoup de place.

– Le docteur Madec m’a dit que vous aviez fait une thèse sur la mycose vaginale, c’est vrai ? l’aborda-t-elle d’entrée de jeu.

– Pardon ?

– Votre thèse portait sur les mycoses ?

La femme déboutonnait déjà sa robe pour s’allonger sur la table d’examen, et Alexis se demanda comment il devait réagir. Pourquoi Yann avait-il raconté un truc pareil ? qu’avait-il à y gagner ? La contredire reviendrait à lui avouer que son médecin lui avait menti, s’était moqué d’elle en quelque sorte. Surtout de lui, en vérité. A moins que la fille soit folle et que ce soit une manière de le tester. Il tourna deux fois le stylo entre son pouce et son index avant de déclarer sur un ton le plus neutre possible.

– Effectivement, vous êtes bien renseignée… Je ne m’en vante pas souvent, même si j’en tire une certaine fierté.

Parlons à présent de l’histoire en elle-même. Comme je l’ai mis plus haut, nous avons ici le thème de la reconstruction. Alexis, tout comme Olivia, a vécu des choses terribles, et il doit apprendre à se reconstruire, et cela va passer par le fait de se reconnecter aux autres. Le roman raconte donc comment on peut revenir à la vie réelle après avoir connu l’enfer, et montre que rien n’est vraiment prévu pour aider toutes ces personnes qui partent faire des missions humanitaires. Alexis, à son retour en France, est livré à lui-même, et heureusement qu’il a sa sœur et ses anciens amis pour se remettre en selle. D’ailleurs, on voit avec le personnage de Jo, livré à lui-même, à quel point sans aide, l’attitude des personnes ayant besoin d’aide peut être destructrice. Ce roman a alors des thèmes assez forts, et cela pourra peut-être en heurter certains. Mais il est aussi plein de vie, et rappelle justement qu’avec les bonnes personnes, on peut réapprendre à aimer, et c’est autour de cela que tourne finalement le roman. Malgré tout ce qu’on vit, toutes les difficultés, il faut réapprendre à s’ouvrir et à laisser le bonheur entrer en soi, et peut-être même le provoquer un peu. C’est d’ailleurs ce que vont faire Olivia et Alexis. Mais ce roman parle aussi de la difficulté de partir en retraite, pour certains, et de la vision qu’on peut en avoir dans l’imaginaire collectif. Ainsi, Yann refuse de s’en aller, malgré ses problèmes de santé, il est trop fier pour se dire qu’il devient trop vieux, que c’est compliqué de soigner les autres, et il persuadé qu’il ne pourra plus aider, qu’il ne servira plus à rien s’il s’arrête. Cette histoire parle alors de ces personnes âgées qui refusent de s’en aller, de laisser la place aux plus jeunes, dans un esprit égoïste ou tout simplement par peur. En ce moment où l’on parle tellement de la retraite, c’est aussi intéressant d’avoir ce point de vue, même si Yann nous fait lever les yeux au ciel.

Adepte des « ça va passer ! », c’était bien la première fois que son corps le rappelait constamment à l’ordre. Ne pouvait-il pas se taire ? Il fallait qu’il se rende à l’évidence : ça ne passait pas du tout. Ca empirait même !

– Je crois que j’en ai marre, Lucien, soupira-t-il en marquant un temps d’arrêt au milieu du sentier. Je ne prends plus plaisir à soigner les gens… Et eux, j’ai l’impression qu’ils en ont marre de voir ma gueule.

– Eh bien, mon amie ! C’est la grande forme, à ce que je vois ! Viens, on va s’assoir, je ne t’imagine pas faire un marathon aujourd’hui.

(…) – J’nai plus l’âge pour ces conneries !

Lucien se tourna vers lui, l’air surpris.

– Tu préfères faire des Sudoku comme moi, tous les matins ?

– Ah non, ça je ne suis pas encore prêt !

– Alors, tu vois. T’es juste un peu fatigué, c’est tout… Pourquoi tu ne rappellerais pas ton remplaçant ?

– Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ?

– Comment ça ?

– Tout le monde m’en parle, de celui-là ! Sans parler d’Olivia qui m’a carrément engueulé !

J’en arrive maintenant à l’écriture de ce roman. Comme d’habitude avec les romans de Sophie Tal Men, la plume est fluide et le roman se lit très bien. On est tout de suite immergé dans les sentiments d’Alexis, avec le traumatisme qu’il a vécu, tout en voyageant de Brest à Groix. J’ai vraiment pris plaisir à redécouvrir l’île, que je connaissais déjà pour y avoir été. Cela donne envie d’y retourner. L’île est bien décrite et je pense que cela peut donner des idées de vacances pour certains. Les sentiments sont eux aussi bien décrits. On est bien plongé dans les pensées d’Alexis, mais aussi dans les doutes d’Olivia et les peurs de Yann et de Jo. On suit petit à petit les sentiments qui naissent chez Alexis et Olivia, et tout est fait en douceur, de manière à ce que ce soit évident, sans tomber dans les clichés d’une romance. Le roman est bien construit, avec de l’humour, mais aussi du tragique.

En résumé, c’est une histoire agréable à lire. J’ai apprécié la plume fluide de l’autrice qui nous emmène sur l’île de Groix, mais aussi dans les sentiments des personnages que l’on rencontre. Alexis est ainsi très touchant avec sa détresse, mais aussi son envie de s’en sortir. C’est un personnage motivant, qui va avoir du fil à retordre avec celui de Yann, avec qui j’ai eu un peu plus de mal. J’ai apprécié les liens entre Alexis, Olivia, Rose et Jo, même si j’aurais aimé que ce dernier soit plus développé. Les thèmes du roman sont forts et nous parlent aussi bien de reconstruction que de peur de tout abandonner pour partir à la retraite. C’est un roman qui se lit bien, et que je vous conseille.

Et vous ?

Il y a-t-il des sujets que vous n’aimez pas retrouver dans vos lectures ?

Existe-t-il des sujets qui vous heurtent dans les romans ?

Ou pensez-vous que les histoires doivent parler de tous les aspects de la vie ?

Bon dimanche à tous 😀

5 réflexions au sujet de « La promesse d’une île »

Laisser un commentaire