chroniques littéraires

1991

Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien et que vous parvenez à passer entre les gouttes et les orages. Ici, les températures ont bien baissé, et cela fait du bien, même si je regrette un peu que ce ne soit pas plus chaud et plus ensoleillé. Mais au moins, cela me pousse à rester derrière mon ordinateur et à préparer la sortie de mon roman la semaine prochaine, à avancer sur le NaNoWrimo, et surtout à continuer à vous préparer des articles sur le blog.

Pour ceux qui me suivent sur le blog, vous devez vous souvenir que j’avais parlé d’un polar, dernièrement, et le fait que je ne pensais le chroniquer qu’à la rentrée, en septembre. je suis finalement revenue sur cette décision, car j’avais vraiment envie de vous en parler. Ce titre, c’est le dernier roman publié de Franck Thilliez, qui s’intitule 1991. Il rentre dans la saga de Sharko et il s’agit même de son premier tome, puisqu’ici nous remontons aux origines de l’inspecteur. ce roman est sorti en mai 2021 aux éditions Fleuve Noir et voici son résumé :

En décembre 1991, quand Franck Sharko, tout juste sorti de l’école des inspecteurs, débarque au 36 quai des Orfèvres, on le conduit aux archives où il est chargé de reprendre l’affaire des Disparues du Sud parisien. L’état des lieux est simple : entre 1986 et 1989, trois femmes ont été enlevées, puis retrouvées dans des champs, violées et frappées de multiples coups de couteau. Depuis, malgré des centaines de convocations, de nuits blanches, de procès-verbaux, le prédateur court toujours.

Sharko consacre tout son temps à ce dossier, jusqu’à ce soir où un homme paniqué frappe à la porte du 36. Il vient d’entrer en possession d’une photo figurant une femme couchée dans un lit, les mains attachées aux montants, la tête enfoncée dans un sac. Une photo derrière laquelle a été notée une adresse, et qui va entraîner le jeune inspecteur dans une enquête qui dépassera tout ce qu’il a pu imaginer…

Dans cette histoire, nous suivons donc le jeune inspecteur Sharko qui fait ses débuts au fameux 36, quai des orfèvres. Nous sommes en 1991, la police est en train de changer, et Sharko se retrouve entre deux mondes, celui des anciennes et des nouvelles méthodes, mais aussi entre celui des gens normaux et les horreurs vues au 36. Il est affecté aux archives et doit résoudre une vieille enquête, lorsqu’il tombe sur un homme qui tient entre les mains la photo d’un cadavre. Sharko et son équipe se retrouvent alors lancés sur les traces d’un tueur méticuleux, qui n’hésite pas à torturer ses victimes, et qui va jouer avec la police.

Je vais commencer par vous parler de Franck Sharko. Pour ma part, c’est un personnage que j’ai découvert avec le roman Pandémia, puisque je n’ai pas commencé la série par son début. Or, c’est un personnage que j’ai tout de suite apprécié, un flic qui a une certaine droiture, un fort sens de la justice, et qui fait tout pour résoudre ses enquêtes et appréhender les tueurs. Il est très investi dans son travail et ne compte pas ses heures, ni ne renonce face au danger. De ce fait, dans ce roman-ci, nous avons l’opportunité de voir quel inspecteur il est à ses débuts. C’est assez intéressant, car on remonte le temps, et on voit ses inspirations, qui le forme, et à qui il ne veut pas ressembler. On suit aussi sa réflexion sur ce qu’il a appris à l’école des inspecteurs, dont il sort tout juste, et sur ce qu’il apprend sur le terrain. C’est d’ailleurs ce que j’ai beaucoup aimé, parce que comme tout jeune adulte, il est naïf et plein de bonnes intentions, mais il va vite se rendre compte que ce qu’on apprend est parfois inapplicable sur le terrain, et il doit faire face au grand écart entre ses cours et le réel. C’est vraiment intéressant, car cela montre à quel pont Sharko veut bien faire, suivre les procédures, mais qu’il ne le peut pas toujours. Cette expérience va fortement influencer sa vie d’inspecteur. De la même manière, il va avoir des doutes sur la morale-même de l’enquête, sur la manière dont elle est gérée, mais aussi sur ce que lui doit faire. Sharko va devoir se poser les bonnes questions sur ses collègues, sur la justice en elle-même, et vraiment plaisant de le voir réfléchir ainsi, de remettre peut-être en cause ses propres valeurs, parce que d’autres viennent se rajouter, ou s’y confronter. Le voir à cette période de sa vie est aussi intéressant car, comme beaucoup d’adulte, il est en train de préparer cette dernière, de la forger, et il est amoureux. Il va donc devoir jongler entre sa fiancée et son métier. On voit aussi ses parents, et on comprend pourquoi il fait ce métier, et cela permet de répondre à des zones d’ombres de son histoire. Au niveau de son personnage, on a donc beaucoup de réponses, et j’ai vraiment aimé le fait qu’il soit mis en valeur de cette manière.

– Papa, il a des principes, confia-t-il tout bas. Toujours dire ce qu’on pense aux autres… Un de mes collègues est pour la peine de mort, il ma demandé si c’était mon cas. J’ai répondu oui, je voulais me faire bien voir… Tu crois que… j’aurais dû dire la vérité ?

Irène Sharko ajouta un broc de boulets de charbon dans le poêle. A l’aide d’un tisonnier, elle répartit les combustibles. Des flammes firent briller ses yeux gris et fatigués. Même si de profondes rides creusaient sa peau, et que le temps et les épreuves avaient un peu vouté son dos, on entrevoyait encore la belle femme forte qu’elle avait été jadis.

– Ton père te botterait le cul, s’il t’entendait, c’est certain. Mais fait ce qui te semble juste, à toi. C’est ça qui compte. S’il fallait mentir pour ne pas te chamailler avec e gars, et c’est c’est important pour ton travail, alors tu as bien fait.

Parlons maintenant de l’enquête en elle-même. Elle est bien tordue, et c’est ce qu’on recherche dans ce type d’histoire. On a , en effet, affaire à un tueur sadique, qui planifie longtemps à l’avance ses coups, et qui se joue de la police. Ainsi, il s’amuse avec eux, n’hésitant pas à les envoyer sur sa piste en leur laissant à dessein, des indices pour le retrouver, ou même pour qu’ils essayent de comprendre sa motivation. J’ai beaucoup aimé ce jeu du chat et de la souris qui se met en place, un jeu où la souris à plusieurs coups d’avance. On a alors le sentiment de regarder une partie d’échec, où le tueur domine la partie, où il décide d’où il veut envoyer ceux qui le traquent. Et bien évidement, cela fonctionne, car la police se jette sur les pistes qu’ils lui envoient. C’est vraiment bien fait, parce qu’on se laisse, nous aussi, en tant que lecteurs, prendre au piège. Et on découvre un tueur glaçant, qui agit par vengeance, mais on ignore sur qui va s’abattre cette dernière. Bien entendu, les scènes sont horribles, et il faut avoir le cœur bien accrocher pour supporter le déferlement de violence qui se met en place. Néanmoins, je dois avouer que j’avais deviné pas mal de choses, et même si c’est toujours agréable de savoir que les théories qu’on imaginent sont les bonnes, j‘aurais aimé un peu plus de suspens, ce qui arrive davantage vers la fin de l’histoire. En tant cas, comme je ne veux pas vous en dire plus sur la résolution de cette dernière, je vous dirais simplement que j’ai aimé la visite dans le monde de la magie qui nous est proposée, ainsi que tous les poisons qui sont présentés, et surtout, l’univers médical qui est dénoncé. La réflexion proposée par le roman est vraiment géniale et fait la force de ce roman. J’ai aussi apprécié le fait que l’on jongle entre cette enquête, et celle des Disparues, que Sharko doit résoudre en tant que bleu.

Il en décolla une avec douceur. Ses gestes délicats avaient quelque chose de déplacé dans cette chambre où la mort s’exposait de la plus odieuse des façons.

– Elles sont scotchées à l’aide de petits morceaux d’adhésif transparents, ajouta-t-il.

Il la retourna et marqua un arrêt. Intrigué, il la tendit à Franck. A l’arrière, une flèche avait été tracée en diagonale à l’encre bleue. Il en décolla une autre, au dos de laquelle figurait une autre, au dos de laquelle figurait une autre direction. Il interrompit son enregistrement et lâcha :

– T’as vu ça ?

Sharko souleva les autres rectangles de papier glacé, sans les arracher de leu support, et observa le bout des flèches. Elles désignaient toutes une direction bien précise. Il posa alors la main sur l’espace libre au cœur de ce puzzle de corps nus.

– Elles pointent vers cet endroit. On dirait qu’il manque une photo, juste là, au centre.

Glichard recula pour considérer le mur dans son ensemble. Le bleu avait raison, la place vide lui sautait désormais à la figure. Au milieu de la ronde de ces enfants dénudés, il en manquait un. Et le tueur voulait le leur signifer.

Sharko fixa une mouche qui courait sur le visage de l’un de ces mômes inconnus. Le Glaive planta ses iris de glaces dans les siens.

– Dans quoi on a fourré les pieds ?

J’en arrive maintenant à l’époque. Cela peut paraître perturbant de nous présenter une histoire qui se déroule en 1991, soit vingt-ans en arrière. On peut croire que cela n’est finalement qu’anecdotique, et n’est pas important. Or, c’est une grave erreur, justement parce que c’est très important dans l’histoire, et dans sa résolution. En effet, on oublie très vite, surtout à notre époque ultra-connectée, comment on faisait il y a encore quelques années. Et ce retour en arrière est vraiment salvateur, car il nous rappelle que les ordinateurs faisaient tout juste leur apparition, qu’il n’y avait pas de téléphone portable, encore moins de smartphone, qu’Internet n’était pas déployé, et que le fichier ADN commençait à ne plus ressembler à de la science-fiction, mais que c’était encore le cas pour beaucoup de monde. Il fallait tout faire à pied, distribuer des tracts pour avoir des informations, etc. On découvre alors un autre mode de fonctionnement de la police, aux antipodes des Experts. C’est vraiment intéressant, car on voit aussi l’évolution de la police, notamment avec le personnage de Serge, qui représente le flic à l’ancienne, celui qui donnait des coups pour obtenir des réponses, pour qui les criminels doivent être brutalisés et à qui la peine de mort doit s’appliquer. De ce fait, Sharko représente alors le renouveau, et c’est ce que montre aussi le roman, le fait que les prisonniers ont des droits, et qu’il ne faut pas les bafouer. Sharko va l’apprendre à ses dépens. Le personnage de Florence montre aussi un renouveau, elle est la première femme au 36, et elle compte bien s’affirmer. On a alors le droit aussi de voir les remarques sexistes, et un autre langage que celui de notre époque, notamment sur les LGBT. On voit aussi un mode de fonctionnement différent des analyses, que ce soit celles physiques ou mentales. La médecine est elle aussi différente. C’est alors un bon moyen de rappeler les avancées, bonnes ou mauvaises, qui ont été faites en vingt ans, et de rappeler à quel point elles sont spectaculaires, car allant très vite, et qu’elles ne sont pas adaptées à tous. Le passage dans le nord, sur les abandons de la mine, est aussi marquant.

– Pas facile de faire changer les habitudes, j’ai remarqué. j’ai vu les ordinateurs encore emballés, dans le bureau proche de la cage d’escalier. personne n’a l’air de s’y intéresser.

– Ouais… Beaucoup de flics pensent par principe que tout était toujours mieux avant, et la simple vue de ces engins les fait gerber. Enfin bref, Millet est un précurseur en France et, depuis peu, il est capable de savoir de façon quasi certaine si des échantillons de sang et de salive, même en toute petite quantité comme sur des timbres, appartiennent à la même personne.

– On en a parlé à l’école des inspecteurs. L’ADN, c’est ça ?

– Exactement. sa découverte ne date pas d’hier, mais on commence à peine à l’utiliser dans les enquêtes. Un truc qu’on ne peut pas voir, mais qu’on trouve dans tout ce qui est vivant. millet se jette sur tout les échantillons qu’on lui fournit et les stocke on ne sait pas trop où pour se constituer une collection personnelle. Il pense que, dans une dizaine d’année, on pourra mettre tout ce qu’il a collecté dans un fichier et comparer des ADN comme on le fait déjà pour des empreintes digitales.

– De la science-fiction.

– Tu m’étonnes.

En ce qui concerne l’écriture, elle est plaisante, et vraiment immersive. J’ai vraiment eu le sentiment de me retrouver en 1991, qui est une période où je venais juste de naître. Les descriptions sont très efficaces, notamment en ce qui concerne les cadavres. on a le droit à tous les détails, c’est presque chirurgical, et cela fait qu’on doit avoir le cœur bien accroché. Cependant, j’ai appris des choses, et je suis passée outre les horreurs décrites, que ce soit par les flics ou le médecin légiste. On sent que l’auteur a longuement parlé avec ceux qui vont sur les scènes de crime tous les jours. Il y a un gros travail qui est fait au niveau des descriptions. Au niveau de celles des sentiments, c’est bien fait aussi, on suit ainsi les questionnements de Sharko, on voit aussi ses hypothèses, et les conclusions auxquelles il arrive. On sent aussi un certain dégoût pour ce qu’il fait, mais dans le même temps une grande force de caractère, d’envie de résoudre des énigmes, qui le pousse en avant, le motive, et le pousse à ignorer le danger. Le suspens est bien maîtrisé aussi, on enchaîne des courses contre la montre avec de longues périodes de calme, où tout est propice à la réflexion. Je regrette toutefois que deux mécanismes soient identiques dans le roman, et qui concerne Sharko et Florence. Je pense qu’un seul de ces mécanisme aurait suffi, et qu’en mettre deux est un peu exagéré, ou facile, même si cela fonctionne. J’avais deviné beaucoup de choses, mais d’autres m’ont surprises, et je ne suis pas déçue de la manière dont le roman s’organise. On ne se perd pas entre les deux affaires, chacune a son espace, et c’est agréable.

En résumé, c’est un très bon polar, et je ne peux que vous le conseiller. Si vous devez lire un roman de Franck Thilliez, commencez par celui-ci. Certes, il a quelques petits défauts, mais ils sont minimes et le roman fonctionne très bien. On passe un bon moment à découvrir le fonctionnement de Sharko, à voir comment il était à ses débuts. On est plongé dans le passé, et c’est vraiment agréable de voir ou de revoir comment tout fonctionnait à cette époque-là. Le jeu entre le tueur et la police est bien maîtrisé, bien fait, bien décrit, d’une manière authentique, perfectionnée. Le roman se lit très bien et on a du mal à le lâcher. C’est un polar à lire. C’est pour moi un coup de cœur.

Et vous ?

Qu’aimez-vous retrouver dans les romans policiers ?

Aimez-vous lorsqu’on nous propose un retour dans le passé ?

Ou lorsque le style est très détaillé, qu’il décortique tous les détails ?

Bon dimanche à tous 😀

4 réflexions au sujet de « 1991 »

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