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La Belle-mère

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez une agréable semaine. Ici, j’essaie de passer entre les gouttes de pluie, et ce ‘est pas tous les jours faciles. Mais je ne vais pas me plaindre, la pluie, c’est bien aussi, et il vaut mieux qu’elle tombe maintenant que lorsqu’il fera bien froid et qu’on sera gelé jusqu’à l’os, si jamais l’on a le droit à un hivers plutôt froid. Et puis, la pluie, c’est un temps d’automne, même si je préfère largement lorsque nous sommes épargnés par ce crachin désagréable, qui ressemblerait presque à une bruine anglaise, humide et collante.

En tout cas, ici les vacances se profilent tout doucement, avec la préparation de la rentrée, des réunions parents/professeurs et surtout du bac blanc qui attendra nos élèves dès la rentrée. Première vraie épreuve pour eux. En parlant d’épreuves, aujourd’hui je vais justement vous parler d’un roman pour qui l’épreuve est centrale. Il s’agit du roman policier La Belle-mère, écrit par Sally Hepworth et publié aux éditions l’Archipel. Je les remercie d’ailleurs grandement de m’avoir permis de découvrir ce titre via le site NetGalley, et de m’avoir aussi fait découvrir cette autrice que je ne connaissais pas. Ce romane est sorti en France en août 2020. Voici son résumé :

Avocate appréciée pour son dévouement, Diana se bat pour améliorer le sort des réfugiés, mais elle se montre froide et distante, sinon blessante, envers les siens. Ce dont souffre Lucy, sa belle-fille, qui rêvait de trouver en elle une mère de substitution.

Dix années ont passé, et Diana vient de mourir. Elle se serait suicidée. Mais, à l’autopsie, nulle trace d’un cancer… Qu’est-il donc arrivé à Diana, dont le testament a été modifié peu de temps avant sa mort ?

Dans ce récit, nous suivons principalement Diana, une grand-mère appréciée de ses petits-enfants, mais moins de ses beaux-enfants, et de sa propre fille. Nous suivons aussi Lucy, la belle-fille de Diana, l’épouse de son fils. Diana vient de se suicider, et une enquête de police est menée. Était-ce vraiment un suicide, ou un meurtre ? Lucy se remémore les liens étranges qu’elle avait avec sa belle-mère, dont elle n’arrêtait pas de chercher l’approbation, jusqu’au faux pas de Diana. Lucy aurait-elle tué sa belle-mère ? Et si la solution se trouvait dans le passé de Diana ?

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage de Lucy. Je me suis rapidement attachée à elle, et je me suis aussi retrouvée un peu en elle. Lucy est une fille banale, qui aime son travail, mais qui rêve du prince charmant. Elle l’a trouvé en la personne de son mari, et elle compte passer toute sa vie avec lui. Or, voilà qu’elle doit aussi composer avec sa belle-mère. Lucy a entendu beaucoup de choses sur les belles-mères, mais elle rêve d’avoir une relation parfaite avec celle-ci, une relation qu’elle a perdu lorsque sa propre mère est décédée. Or, Diana ne veut pas d’une relation comme cela, et Lucy souffre assez vite du gouffre qui se creuse entre elle et sa belle-mère. Elle ne peut pas compter sur elle pour se rassurer, pour discuter, même si Diana répond toujours présente lors de problèmes. En vérité, Lucy se sent exclue, et plus les années passent; et plus elle éprouve du ressentiment pour Diana, jusqu’à l’accident ultime, qui lui fait presque couper les ponts avec elle. On peut alors se dire que Lucy réagit de manière excessive, mais je pense qu’elle donnerait sa vie pour ses enfants, et qu’elle est très protectrice envers eux. Lucy a mis toute sa vie entre parenthèse pour ses trois enfants, elle ne travaille plus, et elle vit en fait presque à travers eux. Dans le même temps, elle est débordée, et elle n’a plus vraiment de vie sociale. Elle correspond parfaitement à l’image de la maman qui se démène pour ses enfants, ce que lui reproche finalement Diana, et ce que ne comprend pas Lucy. De ce fait, on éprouve de l’empathie pour le jeune femme, qi se retrouve en plus suspectée du meurtre de sa belle-mère, tout simplement parce que leurs relations n’étaient pas au beau-fixe. Or, les apparences peuvent être trompeuses, et Lucy va rapidement s’en rendre compte lorsqu’elle va elle-même avoir des doutes sur les actions de son mari. Ce que j’ai aimé avec son personnage, outre le fait qu’elle recherche, même sans s’en rendre compte, l’approbation de Diana, c’est le fait qu’elle cherche la vérité, qu’elle cherche à découvrir pourquoi on l’accuse elle, et ce qui s’est vraiment passé. Lucy est aussi une fille gentille, qui aide les autres, et qui a finalement plus de points communs avec Diana qu’elle ne veut bien se l’avouer.

Diana fouille dans sa pochette et en sort une boîte à bijou en cuir bleu foncé à la bordure dorée.

– Je portais ça le jour de mon mariage.

Elle ouvre la boîte et en extrait un collier en argent avec un petit pendentif plat.

– C’est un nœud celtique qui symbolise la force. S’il ne va pas avec votre robe, vous pouvez le cacher sous le corsage.

– Oh, non, j’adore ! dis-je immédiatement. Pas question de le cacher. Je le porterai bien en évidence autour de mon cou.

(…) D’accord. Nous en resterons donc là. J’essaie de ne pas focaliser sur le fait qu’elle ne m’a pas rendu mon étreinte. Elle est tout de même venue me voir ! Et elle m’a apporté un magnifique bijou qui compte pour elle, celui qu’elle a porté pour son propre mariage. Il ya déjà du progrès. Il faudra fêter cela.

Diana s’arrête juste devant la porte et se tourne brusquement.

– Dites, Lucy…

– Oui ?

– Ce collier, c’est votre « quelque chose d’emprunté à quelqu’un ».

– Oui, je sais.

Je le contemple à nouveau dans le miroir, émerveillée par sa perfection. Quand je pense que j’ai failli ne pas l’avoir !

– Bon, dit-elle. Parce que « emprunté, ça veut dire qu’il faudra le rendre.

Un silence s’installe.

– Bien sûr, j’avais compris.

En lisant le résumé, on peut croire que Diana est une femme froide, mauvaise, et qu’elle maltraite sa belle-fille. La vérité est en fait tout autre, et on le comprend peu à peu, à travers les souvenirs de Diana, de son enfance, mais aussi ses souvenirs lors de sa rencontre avec Lucy. On peut alors aussi penser qu’elle se moque finalement de ses beaux-enfants, tant que ses propres enfants sont heureux, mais là encore la vérité est autre. Diana est un personnage bien plus complexe qu’on le devine au premier abord. J’ai beaucoup aimé cette complexité, car cela rend le personnage de Diana intéressant. Elle est comme un oignon qu’on découvre petit à petit, et c’est très plaisant. Diana ne se laisse pas avoir tout de suite, et plus l’histoire avance, et plus en gagne en profondeur, et plus on s’attache à elle. C’est un personnage que j’ai aimé suivre, découvrir, et qui est très inspirant aussi. Diana a une façon de voir les choses qui ne correspond pas à la plupart des gens, ce qui fait qu’ils la considèrent comme étant très dure, alors qu’en vérité, ce qu’elle souhaite, c’est d’être le plus juste possible. J’ai aimé sa personnalité forte, et je pense que c’est mon personnage préféré dans cette histoire, celle à qui ‘aimerais ressembler. Diana se bat pour les autres, mais elle estime que tout le monde a droit à la même chance, et qu’elle ne doit pas privilégier ses propres enfants, ce qui pose des problèmes avec ces derniers, qui ne comprennent pas sa philosophie. C’est une mère rigide, qui impose des choses à ses enfants parce que la vie est dure, et qu’elle leur imposes de ne compter que sur eux-mêmes. D’un autre côté, Diana est généreuse avec les autres, notamment avec les immigrés qu’elle aide. C’est un personnage qui nous fait nous remettre en question en permanence, et plus le récit avance, et plus on est heureux de la suivre, et triste qu’elle soit morte. On veut donc que le crime soit résolu, ou savoir si c’est un suicide, et pourquoi Diana en est arrivée là.

– Si quelqu’un sait qu’on n’a pas besoin de se faire aider pour réussir, c’est bien toi pourtant, non ?

– Chérie, es temps ont changé. Aujourd’hui, les jeunes font de longues études, ils travaillent gratuitement pour acquérir un peu d’expérience, avec le réseau qu’ils se sont constitué dans leur école privée.

Voilà un échantillon typique du baratin que se racontent les parents qui envoient leurs gosse dans le privé pour justifier les tarifs exorbitants qu’ils paient. Tom m’a harcelée pendant des années avant que j’accepte d’envoyer Ollie et Nettie dans des établissements dont les tarifs auraient suffi à nourrir un village afghan tout entier pendant un an ; des années plus tard, je me demande encore si ces écoles étaient vraiment meilleures que celles du coin. Par contre, je suis certaine d’une chose : donner de l’argent à des enfants – et ici, on parle d’adultes ! – qui ont déjà reçu une éducation supérieure et joui de nombreux privilèges, simplement pour leur faciliter davantage la vie qu’à ceux qui triment pour y arriver, ce n’est pas les aider.

– Ca a toujours été dur, Tom. Tu avais plus l’envie de vaincre qu’eux, c’est tout.

Ce qui est intéressant dans ce roman, et fait que je me rapproche du coup de cœur avec ce titre, ce n’est as l’enquête ou le possible suicide de Diana, mais le lien que cette dernière entretenait avec sa belle-fille, avec Lucy. Nous sommes en fait ici bien plus dans une histoire qui nous raconte comment peuvent se dérouler les relations belle-mère/belle-fille que dans un polar, même si la potentialité du meurtre est tout de même bien présente. J’ai beaucoup aimé le fait que l’on se balade dans le temps, dans les souvenirs de l’une et de l’autre, afin de coir comment chacune prend les réactions de l’autre, comment cela les façonne dans leur relation. Une phrase anodine de Diana peut parfaitement ronger la confiance de soi de Lucy, et une remarque de cette dernière peut aussi être ma interprétée de la part de Diana. On est aussi face à un décalage entre les générations, avec deux femmes qui n’ont pas vécu la même chose, et qui ne se comprennent pas sur l’éducation des enfants. L’éducation devient donc un sujet de discorde, ce qui rend les disputes crédibles et vivantes, comme si tout le monde pouvait les vivre aussi. On se met facilement aussi bien à la place de Diana que de celle de Lucy. Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’avec le passé de Diana, on remonte le temps, à une époque qui était toute autre, notamment pour les filles de bonnes familles qui se retrouvaient enceintes. J’ai beaucoup aimé cet aspect-là, qui m’a fait me souvenirs de la série Cold Case, qui abordait justement ce thème dans l’un de ses épisodes. Ainsi, on découvre une époque qui aujourd’hui semble ne plus exister, où les jeunes filles enceintes sont obligées de partir l’un de chez elles pour éviter la honte de leur famille, d’accoucher seules, et d’abandonner ensuite leurs enfants. Cette plongée permet alors de mieux comprendre le personnage de Diana, mais aussi comment fonctionnait la bonne société Australienne. Et on peut alors comparer avec le présent, avec ce que Diana entend avec ses amies riches. C’est aussi très intéressant de parler ici du suicide, et de la manière dont ce choix, pourtant personnel, peut mener des proches vers la justice, vers la prison. J’ai trouvé cela assez horrible, et le pire, c’est que cela existe aussi en France. Le roman permet donc de poser certaines questions intéressantes, qui méritent, à mon avis, d’être davantage posées. Jai aussi aimé que l’on parle d’argent et d’immigration.

– Excusez-moi, est-ce que je suis en état d’arrestation ? parce qu’il est tard, et je dois vraiment rentrer retrouver mes enfants.

– Une dernière question, Lucy, dit Jones. Après quoi, vous pourrez rentrer chez vous. Mais je veux vraiment que vous y réfléchissiez avant de répondre, d’accord. Réfléchissez bien.

– D’accord.

– savez-vous qu’aider quelqu’un à commettre un suicide est un crime en Australie ? Un crime passible de vingt-cinq ans de prison .

En ce qui concerne l’écriture, le roman se lit très bien, et il se dévore parce qu’on a envie de connaître la fin, de savoir si Diana s’est suicidée ou non, si Lucy a eut un rôle à jouer dans cette mort, si tout le monde va réussir à s’en sortir indemne. J’avais un peu peur que le fait qu’on soit en permanence balloté entre le présent et le passé ne nous perdent, mais finalement, ce n’est pas du tout un problème, et l’on savoure aussi bien les souvenirs que le moments présents. Le passé nous permet beaucoup de comprendre les personnages, leur psychologie, et comment on en est arrivé avec cette mort. Ils sont donc essentiels, et j’ai aimé qu’ils nous montrent aussi une autre facette de Diana, avec son adolescence et ce qu’elle a vécu à cette période. Et le fait que l’écriture soit à la première personne permet aussi de comprendre les émotions des personnages, ainsi que leurs pensées, ce qu’ils taisent et qui les énervent. Le roman est fluide, et l’autrice va à l’essentiel, tout en nous peignant le quotidien de l’Australie, perdue entre l’immigration et les conditions compliquées des refuges, mais aussi celui oisif de la bourgeoise, et celui tendu des classes moyennes. Les descriptions sont simples mais efficaces, et l’on est bien projeté dans ce monde australien. Comme je l’ai dis plus haut, le roman nous fait aussi nous interroger sur plusieurs choses, et j’ai vraiment apprécié cette plongée dans des questions importantes que l’on ne se pose finalement pas dans nos vies de tous les jours. Le personnage de Diana est très inspirant, et j’ai aimé l’évolution de celui de Lucy tout au long du récit.

En résumé, c’est un roman que j’ai beaucoup aimé et que je vous conseille de lire. Ne vous attendez pas à un vrai polar au sens classique du terme, mais davantage à un roman familial, avec ses tensions, ses attentes, et ses secrets. Ici, toute la mort de Diana tourne autour de ses choix passées, des remarques qu’elle a pu avoir, des liens qu’elle a pu entretenir. Le passé est très présent, mais c’est très bien fait, si bien que l’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Le roman pose beaucoup de questions et fait intervenir des thèmes très variés, ce qui est très intéressant. Les personnages de Diana et de Lucy sont intéressants, plaisants à suivre et l’on s’attache aux deux. J’ai appris des choses avec cette histoire, qui m’ont fait réfléchir. C’est un bon roman, une histoire dont je vais garder un souvenir marquant.

Et vous ?

Aimez-vous lorsqu’il y a des flash-backs dans les récits ?

Ou au contraire, cela vous dérange-t-il ?

Pourquoi ?

Bon jeudi à tous 🙂

Une réflexion au sujet de « La Belle-mère »

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