chroniques littéraires

Sœurs

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous avez passé un bon début de semaine. Ici, il a été marqué par les fortes chaleurs de ces derniers jours. Cela a vraiment été insupportable, et même si nous sommes dans un appartement qui reste à peu près frais, on a eut bien du mal quand même à trouver de l’air frais, à faire descendre les températures. Heureusement, il pleut enfin, et normalement, cela devrait suffire à retrouver un temps décent. J’ai hâte que l’automne et l’hivers soient là. Même si je suis contente que le soleil soit présent l’été et qu’il fasse chaud, la canicule, ce n’est vraiment pas mon truc. Cela me donne encore plus envie de déménager, en Bretagne ou en montagne, afin d’avoir un temps meilleur, avec un temps plus frais. Le seul avantage à la canicule, c’est que comme je ne pouvais rien faire d’autre, j’ai lu.

Je tiens d’ailleurs à partager enfin avec vous l’une de mes dernières lectures, qui est donc le roman policier Sœurs, écrit par Bernard Minier et publié chez les éditions XO en mars 2018. Je dois vous préciser que même si les éditions XO font partie de mes maisons d’éditions préférées, je n’avais encore jamais lu un roman de Bernard Minier, alors que je suis aussi fan de polar. J’ai donc profité de l’été pour découvrir l’un de ses titres. Alors, je sais que l’histoire de Martin Servaz se découpe en saga, et que Sœurs n’est pas le début de l’histoire, mais plutôt le tome 5 de cette histoire, mais si j’ai commencé par celui-là, c’est parce que son résumé m’a attirée. Le voici :

Mai 1993. Deux sœurs, Alice, 20 ans, et Ambre, 21 ans, sont retrouvées mortes en bordure de Garonne. Vêtues de robes de communiantes, elles se font face, attachées à deux troncs d’arbres.

Le jeune Martin Servaz, qui vient d’intégrer la PJ de Toulouse, participe à sa première enquête. Très vite, il s’intéresse à Erik Lang, célèbre auteur de romans policiers à l’œuvre aussi cruelle que dérangeante.

Les deux sœurs n’étaient-elles pas ses fans ? L’un de ses plus grands succès ne s’appelle-t-il pas La Communiante ?… L’affaire connaît un dénouement inattendu et violent, laissant Servaz rongé par le doute : dans cette enquête, estime-t-il, une pièce manque, une pièce essentielle.

Février 2018. Par une nuit glaciale, l’écrivain Erik Lang découvre sa femme assassinée… elle aussi vêtue en communiante. Vingt-cinq ans après le double crime, Martin Servaz est rattrapé par l’affaire. Le choc réveille ses premières craintes. Jusqu’à l’obsession.

Une épouse, deux sœurs, trois communiantes… et si l’enquête de 1993 s’était trompée de coupable ?

Pour Servaz, le passé, en resurgissant, va se transformer en cauchemar. Un cauchemar écrit à l’encre noire.

Dans cette histoire, nous sommes donc sur deux temporalités différentes qui se rejoignent. Ainsi, nous commençons l’histoire en 1993 pour la terminer en 2018. Martin Servaz, qui est donc l’enquêteur de 2018, a aussi participé à l’enquête en 1993, puisque c’était sa première affaire de meurtre. En 2018, il a alors l’opportunité de résoudre le crime de 1993, mais encore faut-il que les deux crimes soient vraiment liés. Or, tout ce qui les lie, c’est le nom d’Erik Lang, un écrivain mêlé aux deux affaires. Est-ce le coupable des trois meurtres ? Ou n’est-il qu’une victime collatérale ? Qui a tué les deux sœurs en 1993, et la femme de l’écrivain en 2018 ?

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage principal, qui est donc l’enquêteur Martin Servaz. Je craignais, en commençant cette histoire, dont je savais que ce n’était pas le premier tome, de me perdre un peu dans l’histoire de ce policier qui est le point central des récits de Bernard Minier, mais finalement, le fait que l’on suive ici la première enquête de son personnage phare permet justement de le découvrir. J’ai trouvé que cela était original de ne pas avoir cette première enquête dans le tome 1, mais dans un autre récit de la série. J’ai eu de la chance de tomber sur cette histoire, et donc de découvrir Martin sur ses débuts, alors qu’il sort à peine de l’école de police et qu’il a encore tout à apprendre. On le découvre donc curieux, mais avec déjà une certaine lucidité sur les affaires, un bon instinct sur ce qu’il doit chercher et apprendre des victimes. C’est sa première grosse affaire, et même s’il n’est pas aux commandes, il a une certaine pression sur les épaules. Ce qui est intéressant, c’est qu’on découvre aussi son mentor, l’homme que adule Martin. On comprend donc quel policier il veut être, à qui il veut ressembler, et dans le même temps, à qui il ne veut pas ressembler. Martin est alors encore jeune, à peine sorti de l’université, et il fait des erreurs. On est alors face à un jeune qui se cherche, qui cherche dans le même temps une certaine figure paternelle, et qui va être déçu. En effet, Martin, qui découvre encore le monde de la police, va découvrir une facette bien sombre de cette institution, ce qui va aussi le façonner. L’enquête qu’il va mener va laisser d lourdes traces dans son esprit, et c’est alors très intéressant de le retrouver des années plus tard revenir sur cette même enquête, mais avec des yeux différents. C’est l’occasion pour lui d’affronter ses vieux démons et de boucler la boucle. Ce que j’ai aussi apprécié, c’est qu’on a accès à une certaine partie de son histoire personnelle, qui est donc d’abord avec son père, puis avec son fils, histoire toutefois développée davantage dans les tomes précédents. On le voit ainsi passer du statut de père à celui de fils, et cela va avoir un gros impact sur la suite des événements et la résolution de l’enquête. On sent alors la maturité qui a gagné Martin, ainsi que l’expérience, tout en le laissant aussi plus fragile qu’au début, à cause de tout ce qu’il a déjà vécu. J’ai aussi beaucoup apprécié son côté philosophe, avec toute la réflexion qu’il peut avoir sur le monde qui l’entoure et la manière dont les événements ont évolués pendant toutes ces années.

Servaz se dit que lui-même n’avait plus grand choses à voir avec le jeune homme chevelu et idéaliste qu’il avait été. Il avait eu quarante-neuf ans le 31 décembre dernier. Il s’était surpris à penser à cette occasion – alors que Margot et son copain étaient là, ainsi que Vincent, Charlène et Gustave – que lui aussi, comme le climat, avait atteint un point de non retour. Celui où, désormais, plus rien ne changeait. A vingt ans, ils’était rêvé écrivain, mais il serait flic toute sa vie. Même à la retraite, un flic restait un flic. C’était ce qu’il était. Où donc étaient partis ses rêves ? La plupart ne se réaliseraient jamais ; c’était ça, la jeunesse, songea-t-il, des rêves, des illusions, la vie présentée comme un chatoyant mirage… une publicité clinquante vendue par une agence de voyages pour un séjour qui se révélerait très éloignée du prospectus… Et aucun bureau des réclamations en vue.

Parlons à présent rapidement du grand suspect de cette histoire, qui est donc l’écrivain Erik Lang, qui est donc dans le viseur de Martin. C’est un personnage vraiment arrogant et pendant toute notre lecture, notre intime conviction rejoint celle de Martin tellement le personnage est désagréable et sûr de lui. En vérité, on n’a qu’une envie, que ce soit lui le coupable tellement il nous rend mal à l’aise, tellement il est imbu de lui-même. J’avoue avoir eu du mal à ressentir de l’empathie pour lui tellement il est dépeint comme un sale type. Et c’est ce qui nous fait adorer le détester, d’ailleurs. En effet, Erik a tout du coupable idéal. Et pourtant, est-ce vraiment lui qui se cache derrière ses meurtres ? On aimerait bien le voir être emprisonné pour ceux-ci. D’autant plus qu’Erik est écrivain de polar et connaît bien les rouages qui animent une enquête. Il semble donc avoir toujours un coup d’avance sur tout le monde. Et pourtant, cela ne serait-il pas trop simple ? J’ai apprécié que l’auteur joue avec l’image que l’on peut avoir d’un écrivain, et à laquelle Erik correspond en partie. Solitaire, tourmenté, il joue avec la réalité comme il se joue des policiers. Evidemment, nous sommes dans un polar, et tout ne peut pas être révélé dès le début, alors Erik Lang devient un vrai serpent, qui déforme tout, qui glisse entre les mains des inspecteurs. Il s’amuse avec eux, et jusqu’à la fin, on ne sait donc pas quel est son véritable rôle dans cette affaire, dans celle d’Ambre et d’Alice et dans celle de sa femme Amélia. De plus, Lang est un vrai pervers, ce qui ne nous aide pas à l’aimer, avec une âme si torturée que cela se ressent dans ses écrits qui sont là pour faire réagir, pour mettre mal à l’aise ou fasciner par son style particulier. Lorsque Martin les lit, on ressent son dégoût, ce qui se transporte inévitablement sur l’auteur. Toutefois, il semble aimer sa femme décédée, ce qui nous fait nous interroger sur le véritable motif de cette mort, et s’il pouvait réellement la tuer. C’est ce qui m’a d’ailleurs fait douter de sa culpabilité, et l’on se demande alors si Lang est un acteur ou non, s’il feint a douleur, et si Martin ne part dans une mauvaise direction avec lui, s’il ne s’acharne pas sur la mauvaise personne. Lang peut alors parfaitement être une victime. Ce qui est intéressant aussi, c’est que sa vision de l’écrivain se heurte à celle de Martin. Tous les deux n’ont pas la même conception de l’écriture, de la vie d’un écrivain, et cela permet une réflexion intéressante sur ce qu’est un bon auteur selon les deux personnages. D’une certaine manière, on sent que l’auteur a longuement médité sur ce que lui-même entendait par ce terme et sur son rapport personnel à l’écriture.

– Ne me dîtes pas que vous ne vous êtes pas inspiré d’Ambre, Lang. Le roman a été publié en 1991.

– Bien sûr que si, rétorque-t-il. Qu’est-ce que vous croyez ? Nous autres romanciers, nous nous nourrissons de la réalité, évidemment. Nous sommes des éponges, des vampires. Nous m’absorbons, nous la saignons pour en tirer nos petites histoires. Nous sommes des trous noirs, en vérité : rien ne nous échappe, ni le matériau de l’actualité, no la conversation à la table d’un côté, ni la dernière théorie scientifique, ni les soubresauts de l’Histoire… Tout est absorbé, recyclé, transfiguré et recraché sur la page.

En ce qui concerne l’histoire en elle-même, je le redis, je trouve cela plaisant d’avoir deux histoires en même temps qui finissent par se rejoindre. Il paraît évident que résoudre le meurtre d’Amélia Lang va permettre de résoudre celui d’Ambre et d’Alice. J’aime beaucoup les Cold Case, et je trouve donc cela agréable de se replonger dans une histoire vieille de plusieurs années, d’autant plus que la science médico-légale a évoluée depuis les premiers meurtres, ce qui permet davantage de traquer l’assassin. La mise en scène des trois meurtres est aussi super intéressante. Il est vrai que l’on s’attarde beaucoup sur la mise en scène du meurtre d’Ambre et d’Alice, sur ces robes qu’elles portent, sur la manière dont leurs corps sont abandonnés. Tout cela fait alors très rituel et l’on s’attend alors aux plus grandes horreurs sur ce qui est arrivé aux deux filles. Fouiller dans leur passé est aussi intéressant, car cette histoire prend ses racines bien plus tôt. Le meurtre d’Amélia est lui aussi assez original. Cependant, j’avoue avoir compris ce qui s’était passé pour elle un peu avant la grande révélation, et même si je suis contente d’avoir deviné ce qu’il s’était passé, j’ai trouvé cela un peu prévisible. Toutefois, la fin rattrape cela, car de nouveaux événements viennent heurter Martin, et j’ai donc trouver que cette fin rattrapait la prévisibilité du tueur. Pour ce qui est arrivé à Ambre et Alice, par contre, je ne m’y attendais pas, ou du moins je n’avais pas imaginé cela comme ça, et j’avoue que cela permet d’avoir aussi de la surprise dans le texte. J’ai aussi aimé toute la réflexion apportée par le personnage de Martin sur l’évolution du métier d’inspecteur et ce que cela apportait au quotidien dans la profession, même si certaines choses sont bénéfiques, d’autres le sont moins.

Il lui parla de l’affaire de 1993, d’Alice et Ambre ve^tues en communiantes et attachées au pied de deux arbres, de la croix autour du cou de l’une d’elles.

Elle l’écouta sans broncher.

– C’était ça, l’urgence ? s’insurgea-t-elle quand il eut fini. Une histoire vieille de vingt-cinq ans ?

– Liée peut-être à l’enquête sur le meurtre de l’épouse d’Erik Lang, mercredi, précisa-t-il. Je voudrais qu’on compare les empreintes génétiques qui avaient été prélevées sur la scène de crime avec celles que vous trouverez sur ces anciennes pièces à conviction, dit-il en montrant la housse. Toutes les traces ADN trouvées sur la scène de crime, absolument toutes… A l’époque, bien entendu, aucun prélèvement n’avait été effectué sur ces robes. Ni ADN, ni téléphone mobile, ni caméras de surveillance en ce temps-là. On travaillait à partir d’autres éléments, comme vous le savez.

Il constata qu’il avait réussi à éveiller son intérêt.

– Vous pensez que le meurtrier peut être le même, c’est ça ? A vingt-cinq ans de distance ? Je ne connais pas cette affaire dont vous parlez… Vous n’aviez pas trouvé le coupable à l’époque ? Vous aviez fait avouer au cours de la… garde à vue ?

Son ton indiquait clairement qu’elle savait comment pouvaient se passer ces choses-là.

(…)

– Je ne veux pas influencer votre jugement, dit-il.

– On n’influence pas des machines, répliqua-t-elle. Ni des codes génétiques. Ce que vous pensez ne changera rien au résultat.

En ce qui concerne l’écriture, le rythme est bien dosé entre l’enquête, l’action, les réflexions de Martin, les éléments du passé et ceux du présent. On s’attache à Martin, à son équipe, et on a envie d’en savoir plus sur les enquêtes précédents, sans que ces dernières ne sont trop présentes par rapport à celle actuelle. Certes, certains éléments sont prévisibles, mais cela montre que les indices sont distillés petit à petit et que notre esprit est à même de les réunir, et je préfère cela au fait que l’enquêteur, tout d’un coup, ne nous sorte une explication que seul lui avait vu. La prévisibilité fait donc partie intégrante du genre, à mon avis. C’est du moins ce qui me tente aussi dans les polars, le fait de pouvoir deviner le tuer en même temps que les enquêteurs. Le suspens est bien maîtrisé, car on passe plus des trois quarts du livre à se demander si Lang a tué son épouse, Alice et Ambre, et comment tous les événements ont pu s’enchaîner. Il y a aussi beaucoup de suspens sur la fin, avec la dernière action de Martin, où tout s’accélère dans les dernières pages. J’ai aussi aimé l’histoire personnelle qui vient donner de l’étoffe au personnage, avec un petit suspens de son côté. Le roman se lit bien, l’écriture est fluide et plaisante. On a envie de connaître la fin, de résoudre l’énigme proposée, et on a donc du mal à lâcher cette histoire.

En résumé, pour ma première rencontre avec Martin Servaz, c’est une réussite, et je compte bien lire les autres romans de l’auteur afin d’en savoir plus sur son héros et voir à quels autres mystères il va être confronté. La plume de l’auteur est agréable à lire, on passe un bon moment avec cette histoire. Je me suis attachée à Martin et j’ai aimé détesté le personnage de Lang, qu’on veut voir être l’assassin des filles, qui a tout du coupable idéal. C’est donc un roman que je vous conseille si vous ne l’avez pas encore lu. C’est un bon polar à lire.

Et vous ?

Qu’aimez-vous retrouver dans un roman policier ?

Quelles sont les ficelles que vous préférer dans ce genre ?

Lisez-vous aussi des séries de polar ?

Bon mercredi à tous 🙂

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