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Le Secret de Platon

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Bonjour les amis. J’espère que vous vous portez tous bien, et que cette nouvelle semaine se déroule comme vous le voulez. Ici il fait beau, ça sent le printemps, on attend juste que les températures suivent. Il fait bien froid, même s’il a pas neigé du côté de Nantes.  Mais ce n’est pas grave, car aujourd’hui, je vous emmène au soleil, en voyage même dans le sud de l’Europe. En effet, aujourd’hui, je vous retrouve sur le blog pour vous présenter enfin mon tout dernier gros coup de cœur, qui va vous promener des plages de la Crète à Rouen, en passant par l’Italie et Athènes. Aujourd’hui, je vous entraîne aussi dans un grand voyage philosophique, à la poursuite de l’un des plus grands mythes de notre histoire, celui de l’Atlantide. Alors, vous êtes près au voyage ? Le roman que je vais vous présenter a été écrit par Gilles Vervisch, professeur agrégé de philosophie. Le roman est sorti chez les éditions Michel Lafon le 8 février 2018, que je remercie beaucoup pour m’avoir permis de le lire, grâce au site NetGalley. Voici le résumé de cette histoire :

« Tout l’Atlantide est en rapport avec la philosophie, c’est le professeur Loeve qui me l’a révélé lors de notre voyage d’études en Grèce, juste avant de disparaître… »

Après que son professeur s’est volatilisé dans la baie de Santorin, là où selon Platon se serait engloutie l’île de l’Atlantide, Étienne, un jeune homme que tourmentent des problèmes existentiels, part à sa recherche avec deux autres étudiants : Cali, un dilettante curieux aux tendances conspirationnistes, et Phalène, une mystérieuse jeune fille qui s’essaye au journalisme culturel.

De la Crète à l’Italie en passant par la France jusqu’à une grotte au-dessus d’Athènes, ils vont être confrontés à la réalité des mythes et aux mystères de ces civilisations évoluées, brutalement rayées de l’Histoire par des séismes diluviens. Et quand ils découvriront les raisons de la fuite de leur professeur, peut-être lèveront-ils le voile sur l’énigme de l’Atlantide…

Dans cette histoire, nous suivons Étienne, jeune homme tourmenté par des questions existentielles, comme la mort et le sens de la vie. Ce dernier est sans cesse rabaissé par sa mère, qui le juge faignant, et il a du mal à trouver sa place. Il vient enfin de terminer sa première année de licence, en histoire, après avoir mis deux ans à trouver le domaine qui lui plait. Et voilà qu’en ce début septembre 2020, il entre en deuxième année, et part en voyage en Crète avec d’autres élèves de sa promotion, et des élèves de philosophie. Dans ce voyage, il emmène Cali, son meilleur ami. Et il rencontre Phalène, jeune étudiante de Paris, qui fait partie du voyage. Séduit par le professeur Loeve, qui a d’étranges théories sur l’Atlantide, qui est le thème de ce séjour en Crète, et sur la vie, Étienne se retrouve entraîné dans une étrange quête, à la poursuite de la cité mythique disparue, une enquête qui va le mener vers des dangers réels et psychologiques, menacés par une secte prête à tout pour trouver avant lui la fameuse cité.

Ce que j’ai trouvé de vraiment original dans ce roman, ce qui m’a vraiment plu et marqué, c’est ce parfait mélange fait par l’auteur entre la philosophie, le polar, puisqu’il s’agit d’un thriller, et l’histoire. Ainsi, on apprend des choses dans le domaine de la philosophie, mais aussi dans celui de l’histoire, et tout ceci est ce qui permet de faire avancer l’enquête du roman policier. De cette manière, la philosophie, tout comme l’histoire, devient des éléments de cette enquête, de la même manière que les sciences judiciaires le sont habituellement. Ici, tout le roman tourne autour de la philosophie, et il apparaît rapidement évidemment que la réponse à l’énigme de la disparition du professeur Loeve, tout comme à celle de l’Atlantide, se trouve dans la philosophie, et plus particulièrement dans celle de l’antiquité. Ce que j’ai d’autant apprécié, c’est toute la pédagogie qui est développée dans ce roman. Ainsi, bien que j’ai des notions de la philosophie de Platon, suite à mes études dans ce domaine, je l’ai trouvé très accessible, même pour des néophytes. Tout le monde peut comprendre les théories qui sont abordées ici, et je pense même que cette histoire policière peut parfaitement servir d’initiation dans ce domaine. Évoquer la philosophie de Platon par le biais du mythe de l’Atlantide, puis par une enquête, un mystère lié aux événements planétaires actuels, est ludique. Non seulement cela donne son charme à l’histoire, mais en plus on apprend des choses sans s’en rendre compte. J’ai vraiment trouvé cela intéressant, passionnant et enrichissant.

  • Quel est le fond de vérité dans le mythe de l’Atlantide ?
  • Vous pouvez le deviner, m’a-t-il enfin répondu, les yeux dans l’eau. C’est l’histoire des origines de l’homme, un mythe « fondateur » de la civilisation que l’on retrouve dans bien d’autres récits. Le mythe du paradis perdu, comme le jardin d’Eden de la Bible, ou l’âge d’or décrit par Hésiode. En fait, dans son récit de l’Atlantide, reprend des éléments bien connus déjà présents chez les grands faiseurs de mythes qu’il se contente d’imiter… Je me demande bien pourquoi, d’ailleurs, puisqu’il ne les apprécie pas beaucoup. Dans le fond, Platon est un peu comme vous, mon jeune ami, il ne comprend pas quelle vérité pourrait sortir d’une histoire qui ne serait qu’une fiction. Si vous saviez tout le mal qu’il peut dire du fameux Homère que nous considérons aujourd’hui comme un grand classique !
  • (…) Comme l’Atlantide ? ai-je essayé une dernière fois. Ce n’est qu’une fable, donc ?
  • L’histoire de l’Atlantide est non seulement l’histoire d’une civilisation exceptionnellement évoluée, mais aussi le mythe de la chute et de la punition infligée aux hommes, quand ils veulent devenir l’égal des dieux… Une façon de donner un sens à la malheureuse condition humaine. Pourquoi travaillons-nous ? Pourquoi sommes-nous pleins de désirs ? Pourquoi devons-nous tant souffrir et finalement, mourir ? Nous devons bien y être pour quelque chose ! Quelqu’un a sûrement commis une faute ayant entraîné un châtiment de Dieu !

L’affaire policière est aussi très intéressante à suivre. L’auteur respecte tous les codes de ce genre, si bien qu’on est promené de découverte en découverte, de suspens en suspens. J’ai beaucoup aimé la tension qu’on retrouve ici, le fait de ne pas savoir ce qui est arrivé au professeur Loeve en Crète, s’il est mort ou non, si cela a un rapport avec l’Atlantide. J’ai aimé l’enquête que met en place Étienne, enquête qui va le mener presque à sa perte, mais qui va aussi lui permettre d’avoir de grandes révélations. Ce qui m’a beaucoup plus, aussi, c’est qu’on sent que les personnages engagés dans cette histoire ne rigolent pas. Sous couvert d’être des universitaires, des personnes de science, on comprend bien vite qu’ils n’ont rien à envier aux plus grands malfrats. J’ai apprécié cette idée, celle de se dire que derrière un professeur tout ce qu’il y a de plus normal, gentil, peut en fait se dissimuler un psychopathe. C’est assez intéressant, et démontre qu’Étienne ne peut compter sur sur lui-même et ses amis pour retrouver qui en voulait à Loeve, car toutes les apparences sont trompeuses. D’ailleurs, les méchants sont assez effrayants dans leur logique, dans leurs idées, et on a qu’une envie : celle qu’Étienne résolve cette enquête pour arrêter tout ce petit monde. Cette enquête va en effet nous emmener dans les bas-fonds de la pensée humaine, celle qui est le plus exécrable, la plus dangereuse, et à bannir.

  • Se débarrasser ? Qu’est-ce tu veux dire ?
  • Tu vois bien ce que je veux dire, m’a-t-il lâché, un sourire au coin des lèvres. Après tout, c’est ce que dit Platon lui-même dans la République quand il décrit la cité idéale. C’est Frédéric qui me l’a appris : « On laissera mourir ceux qui ont le corps malsain, et ceux qui ont l’âme perverse par nature et incorrigible, on les mettra à mort ». Après tout, il en va de la survie de notre civilisation ! Sinon, on finira comme les Romains ou les Sumériens. Tu sais ce qui a précipité la chute de l’Empire romain ?
  • À peu près, lui ai-je répondu. Les invasions barbares ?
  • La décadence ! s’est-il exclamé. La décadence ! (…) Pas étonnant qu’ils aient été vaincus par les barbares ! Aujourd’hui, c’est pareil : quel jeune est prêt à risquer sa vie pour la patrie ? Aucun ! De toute façon, il n’y a plus de patrie avec cette mondialisation capitaliste. Les hommes politiques sont corrompus et les gens regardent des débilités à la télévision ou satisfont leur petit ego à coups de selfies. Toutes les civilisations disparaissent pour les mêmes raisons. C’est bien le message de Platon dans le mythe de l’Atlantide…

En ce qui concerne le personnage d’Étienne, j’avoue avoir eu, par moment, du mal avec lui. C’est sans doute parce qu’il se laisse avoir, à un moment du récit, et qu’il se perd en chemin. Ça donne à ce moment-là l’impression que c’est un personnage faible, trop torturé par ses propres questions pour parvenir à comprendre ce qui est arrivé à Loeve. En vérité, Étienne a justement besoin de se perdre pour mieux comprendre ce qui arrive, à lui et aux autres, et aussi pour mieux saisir tous les enjeux qui se trouvent derrière tous les mystères auxquels il est confronté. C’est un personnage à qui on finit par s’attacher, avec du temps. Je pense d’ailleurs que ce temps est nécessaire, voulu par l’auteur. Il faut apprendre à connaître Étienne pour l’apprécier, un peu comme un ami. Cela n’est pas inné.

À l’âge de dix ans, déjà, j’avais fait une expérience semblable, peu après que mon père était parti vivre à Grenoble, nous laissant seuls à Rouen, ma mère et moi. Je devais être à l’arrière d’une voiture, avec ma mère. En jetant un coup d’œil à travers la vitre, j’ai vu le ciel noir menaçant, et j’ai eu cette même impression de me retrouver en plein cauchemar. Une bouffée d’angoisse m’a envahi, j’ai eu la nausée, et j’ai pensé à la mort. J’ai pensé qu’un jour, je m’endormirais pour toujours. Et je me suis dit que s’il peut être agréable de revenir à la réalité après une nuit de sommeil en se disant ce n’était qu’un rêve, un jour viendrait où je ne me réveillerais pas. Je ne sentirais plus rien, je ne penserais plus rien. J’oublierais le monde, les autres, et je ne me souviendrais même plus d’avoir jamais existé. Je ne serais plus rien. Alors, aurais-je réellement été quelque chose ? Que valent les quelques années d’une vie comparées à l’éternité que je passerais dans le néant ? Rien. En somme, c’était ma vie qui n’était qu’un rêve. Voilà ce que j’ai ressenti dès l’âge de dix ans, ce que j’ai éprouvé plus que je ne l’ai pensé. Cette angoisse de la mort ne m’a jamais vraiment quitté, et je la traînais encore avec moi à l’âge de dix-huit as.

A contrario, le professeur Loeve apparaît immédiatement sympathique. Il représente le professeur de philosophie qu’on aimerait tous avoir un jour. Non seulement c’est quelqu’un qui écoute, mais en plus il se sert des connaissances, des avis d’autrui pour le faire réfléchir. Il est lui aussi très pédagogue, à l’image de l’auteur, et surtout il fascine tout le monde par l’aura de mystère et de sagesse qui se dégage de lui.  Son attitude calme malgré tout est assez stupéfiante, et c’est le personnage dont on a envie d’en apprendre plus. De même, j’ai beaucoup aimé le personnage de Cali, le meilleur ami d’Étienne, qui m’a tout de suite plu avec ses idées qui semblent parfois loufoques, mais aussi intelligentes par moments. C’est le personnage complotiste de la bande, et il s’avère qu’il ne raconte pas que des bêtises, que son savoir peut aussi servir. C’est un ami fidèle qui ferait n’importe quoi pour les siens. Sa loyauté est touchante. Enfin, en ce qui concerne Phalène, mon avis est plus mitigé, tout simplement parce que je ne savais à quoi m’attendre avec son personnage pendant une partie du roman. Autant on comprend rapidement que les intentions de Cali sont louables, autant celles de Phalène me paraissaient assez floues, si bien que je ne savais pas à quoi m’attendre avec elle. Je vous laisse donc vous faire votre avis sur elle.

L’écriture de cette histoire est fluide, le roman se lit bien, facilement. Comme je l’ai dit plus haut, le texte est très pédagogue en ce qui concerne les théories philosophiques, qui sont nombreuses à être évoquées, et aussi avec les données historiques nécessaires à l’histoire. On apprend beaucoup de choses avec cette histoire. Même moi qui ait un master de philosophie, j’ai appris des choses sur les idées de Platon qu’on n’avait pas évoquées en cours, sur la philosophie stoïcienne aussi, et j’ai appris beaucoup sur l’antiquité en général, grâce aux données historiques jalonnant le texte. Ça donnerait presque envie de se replonger dans des cours. Pour ce qui est de l’enquête policière, elle est très bien menée, il y a du suspens, tout est très bien dosé entre cette affaire sérieuse, puisqu’on parle d’une disparition, et entre les théories philosophiques ou historiques, si bien qu’on se prend au jeu. Avec les héros, on se met à la recherche de l’Atlantide, du professeur Loeve, en espérant parvenir jusqu’à la cité mythique. On frissonne aussi avec Étienne quand il se retrouve en mauvaises postures. Enfin, les descriptions dans ce roman sont juste magnifiques. On se croirait avec les personnages sur les rivages de Crète, puis en Italie, en Grèce. Sincèrement, le roman donne envie de voyager et de se promener sur les grands sites historiques.

En conclusion, je ne peux que vous recommander cette histoire. Il y a tout ce qu’il faut dedans pour plaire. N’ayez pas de crainte de vous lancer dedans, car vous serez à coups sûrs emportés par la recherche de l’Atlantide, par  les grands mythes et courants de pensée qui ont façonné notre monde. C’est un roman à lire et vous ne pourrez que passer un bon moment avec lui. C’est aussi l’une des rares histoires lues en numérique que je voudrais vraiment avoir en version papier, car il est certain que je me replongerai, à un moment ou un autre, dedans. Comme vous l’avez déjà compris, c’est un gros coup de cœur pour moi. Et la fin est juste très surprenante, et en même temps parfaitement logique.

Et vous ?

Aimez-vous lire des romans où vous apprenez des choses ?

Cela vous dérange-t-il que l’histoire ne soit pas simplement une histoire, mais fasse aussi passer des messages ?

Aimez-vous lire des histoires qui vous sortent de votre zone de confort ?

Bon mercredi à tous 😀

 

3 réflexions au sujet de « Le Secret de Platon »

  1. Oh lala.. Il faut absolument que je me le procure ! Déjà j’avais très envie de le découvrir, mais alors avec ton article j’ai encore plus envie de me plonger dedans.. J’aime beaucoup sortir de ma zone de confort et réaliser en plein milieu de ma lecture que je me suis embarqué dans une histoire qui n’a rien avoir avec ce que je lis !

    Je pense que ce roman va beaucoup me plaire s’il est très pédagogique, l’initiation d’un personnage est très importante dans un roman je trouve, car il y a beaucoup de manières de voir son initiation et dans ce livre ça m’a l’air très fluide et très surprenant !

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