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Le Serment des Traqueurs

Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien et que vous avez passé une bonne semaine. Pour ma part, la mienne a été marquée par la reprise et par mon retour sur le chemin du collège. C’est compliqué de reprendre ce rythme, surtout qu’en ce moment, je préférerais rester dans mon lit, comme mes élèves, d’ailleurs. Et l’avantage des vacances, c’est que l’idée de la grève semble assez loin. Mais bon, elles vont vite revenir, et la fin de l’année est déjà dans quatre mois.

Aujourd’hui, je vous retrouve toutefois sur le blog, non pas pour vous parler du collège, mais pour vous parler de l’une de mes dernières lectures. En effet, comme vous avez pu le voir sur mon bilan du mois de février, je suis assez en retard sur mes chroniques, et j’essaye justement de combler un peu ce dernier. Aujourd’hui, j’ai donc décidé de vous parler du roman young adulte Le Serment des Traqueurs. Il s’agit d’un roman de fantasie écrit par Laëtitia Lajoinie et publié aux éditions La Martinière Jeunesse. Le roman est sorti en novembre 2022 et je remercie vivement la maison d’édition de m’avoir permise de le découvrir en service presse grâce à la plateforme NetGalley. Voici son résumé :

Dans un univers où la magie prend sa source au coeur du vivant, l’équilibre entre les différents éléments est fragile.
Après que les hommes aient abusé de cette magie pour satisfaire leurs désirs de puissance, des forces obscures se sont faites jour et menacent d’entrainer le monde dans le chaos.

Aïna est une Traqueuse ; Ynaé, elle, est une Protectrice. Leurs clans sont ennemis depuis la nuit des temps.

Pourtant, c’est de leur union que pourra venir l’apaisement. Car seule la paix entre les hommes pourra apaiser la colère des éléments.

Dans cette histoire, nous suivons deux jeunes femmes qui n’ont rien à voir. Tout d’abord, il y a Aïna. La jeune femme est une Traqueuse, élevée par l’un des clans les plus puissants de la capitale de son monde. Son but est de traquer et de tuer des animaux afin que ces derniers servent d’ingrédients dans les potions interdites des Alchimistes. Aïna, comme tous ceux qui sont comme elle, est une paria, une criminelle, depuis que la magie organique est interdite. Ynaé, quant à elle, est une Protectrice. Son rôle est d’arrêter les Traqueurs, et de les mener à la pendaison. Or, après la mort d’un griffon, Ynaé va affronter Aïna, et le collège de la Protectrice va mourir. Et si cette mort cachait autre chose ? Sans le savoir, Ynaé et Aïna vont devoir travailler ensemble et cesser de s’affronter pour sauver leur mort d’un terrible danger, qui les menace tous.

Je vais commencer cette chronique par vous parler du personnage de Aïna. C’est un personnage essentiel dans cette histoire, et j’avais envie de commencer par elle, puisque le roman s’ouvre sur elle. Aïna est une jeune orpheline, elle ne se souvient pas de ses parents, et sa seule famille se résume au clan de Traqueurs qui l’a recueillie lorsqu’elle n’était qu’une enfant. Dans ce clan, elle a trouvé une nouvelle mère et un petit-ami, et le clan lui a tout appris. Cependant, malgré le fait qu’elle tue pour eux depuis des années, Aïna n’a pas vraiment trouvé sa place en lui, parce que la matriarche qui contrôle le groupe refuse de lui donner la place qui est la sienne, elle refuse de la considérer comme une vraie membre du groupe. Cela met en place un sentiment d’infériorité, mais aussi une envie d’en découdre, chez la jeune femme. Elle rêve de faire ses preuves, et elle est prête à tout pour montrer qu’elle est aussi bien que les autres. Ainsi, elle a le sentiment qu’il lui manque quelque chose pour être pleinement acceptée, et elle va surtout comprendre au fil du récit qu’on ne lui a pas dit toute la vérité. Ceci entraîne, pour nous, une envie de la protéger, parce qu’on sent qu‘Aïna est très influençable, mais aussi celle de la secouer, car il paraît évident que certaines personnes autour d’elle ne sont pas des amis, et qu’elle est bien trop naïve. Et c’est un peu ce qui a pu parfois m’agacer. A cause de son envie de se faire accepter à tout prix, Aïna ne voit pas que les autres la manipulent, et qu’ils se servent d’elle. Elle écoute des promesses qui n’en sont pas, et elle se fait forcément avoir, alors qu’on le voit venir à des kilomètres. C’est un peu agaçant car on aimerait qu’elle soit plus attentive, et qu’elle choisisse mieux ses alliés. Toutefois, tout cela est logique avec son histoire, et finalement, Aïna reste un personnage qu’on apprécie beaucoup. Elle a un grand besoin de reconnaissance qui la désert, mais c’est une jeune femme qui va révéler son courage au long de l’histoire. Je trouve qu’il est aisé de se retrouver en elle parce qu’elle est fragile, mais aussi très crédible, et qu’elle montre que les héros sont perfectibles. C’est ce que j’ai aimé chez elle.

Aïna n’avait jamais connu que le clan, qui l’avait recueillie à la mort de ses parents. Eux-aussi traqueurs, ils avaient été abattus lors d’un raide de protecteurs. Aïna avait huit ans à l’époque, mais elle ne conservait aucun souvenir antérieur à leur mort. Rien que des bribes, floues et insaisissables. Le visage de ses propres parents lui était inconnu. A cause des traumatismes, avait diagnostiqué Marita, la cheffe du clan.

Un instant, Aïna imagina ne jamais y retourner. Gagner le cœur des colporteurs, convaincre Jehan qu’elle ne représentait pas une menace, et entamer une nouvelle vie, ponctuée de rires et de caricatures, plutôt que d’animaux à traquer. De la douceur à la place des secrets. La vision s’évapora presque aussitôt. Aïna songea à Conrad qu’elle brûlait de revoir et à la vieille Adrianne, sa cliente et amie de toujours. Tous ces gens comptaient sur elle, elle en était certaine. Sa vie de traqueuse comportait son lot d’embûches, mais elle y excellait. Aïna plia la caricature de Jehan en quatre et l’enfonça dans une poche de son pantalon en haussant les épaules.

De toute façon, elle ne savait pas dessiner.

J’en arrive à présent au personnage de Ynaé. J’avoue avoir eu un peu plus de mal avec elle, parce que Ynaé se plaint beaucoup et qu’elle n’agit pas forcément. Alors que l’histoire de Aïna explique son comportement, et que cela lui donne envie de se battre davantage, Yané elle se replie davantage sur elle-même, et refuse la présence des autres, ce qui la rend assez renfermée. Ainsi, on a une vraie différence entre les deux femmes, avec une Aïna toujours en quête de reconnaissance, et une Ynaé qui pense qu’elle ne mérite pas la reconnaissance qu’on lui porte, qui est toujours en train de se dévaloriser et de pleurer sur son sort. Cependant, on peut comprendre cela avec ce qui lui arrive, la mort de son coéquipier qui serait de sa faute, et avec le manque de résultat qu’elle a sur les Traqueurs. Mais la joute verbale qu’elle a sans cesse avec son nouveau coéquipier et la concurrence qu’ils mettent en place entre eux sont parfois un peu pénibles, et je dois avouer que les idées de Ynaé sont aussi un peu trop rigides au début. La Protectrice a une haute idée de la justice, et elle est aveuglée par tous les enseignements qu’elle a eut. Elle possède beaucoup de préjugés qu’elle va devoir combattre au cours de l’histoire, pour avancer. Elle refuse de se remettre en question, et c’est un peu agaçant. Toutefois, j’ai apprécié son évolution au cours du roman, ce qui va la pousser à faire confiance à Aïna, et le duo qu’elles vont finir par former est vraiment appréciable. Il y a une vraie évolution, et une remise en question, qui finit par apparaître chez elle, et qui est bienvenue. J’ai vraiment apprécié cela, et c’est agréable de la voir évoluer. Ynaé finit donc elle aussi par devenir un personnage à qui on s’attache et qu’on prend plaisir à suivre. Elle dévoile elle aussi son courage au cours du récit. J’ai toutefois été un peu dubitative sur sa romance, qui est un peu rapide et qui aurait pu être évitée.

Elle n’aurait pas dû se soucier de l’avis de ce sale type. pourtant… elle se mettait à sa place. Alban était le meilleur de leur promotion et il se retrouvait en binôme avec elle. La fille qui n’avait jamais brillé nulle part ; la fille dont le coéquipier venait de mourir.

Alban n’avait pas tout à fait tort de reprocher au commander Hermeur de confier des responsabilités à Ynaé. Dans ses rêveries d’adolescente, pendant ses années de formation, elle avait toujours imaginé qu’on lui accorderait un aigle en échange d’un immense succès. Elle s’était vue piéger une dizaine de traqueurs ou sauver des flames tout une famille de fées. La réalité, comme souvent, n’était pas à la hauteur de ses espérances.

Je ne suis pas à la hauteur de la réalité.

Ensio était mort sous ses yeux sans qu’elle ne puisse rien faire et on lui offrait un aigle, le rêve de tout protecteur.

Parlons à présent de l’univers dans lequel nous sommes. Nous évoluons dans un monde magique, où les plantes servent d’ingrédients pour les potions végétales, et où les animaux et autres créatures magiques servent d’ingrédients pour les potions organiques. Or, ces dernières ont été interdites depuis la grande Désolation, un moment pénible de l’histoire, trois cent ans plus tôt, où des animaux sont revenus du monde des morts pour se venger, et on détruit la rive Nord, l’endroit où habite Aïna, qui subit encore les ravages magiques de cette période. Ceci n’empêche toutefois par les Traqueurs de continuer à préparer des potions organiques, et de préparer, sans le savoir, la prochaine Désolation. Dans cette histoire, nous avons donc un monde assez complexe, avec des enjeux politiques qui dépendant de l’environnement, et une certaine concurrence entre trois castes, celle des Traqueurs, qui est interdite et illégale, celle des Protecteurs, qui doivent défendre le monde, et celle des Alchimistes, dont certains utilisent le travail des Traqueurs. On reprend aussi des éléments du passé, cette fameuse Désolation, en se demandant si elle a vraiment eu lieu ou si elle n’est qu’un mythe, ou si tout n’est qu’un tissu de mensonge. J’ai apprécié cette idée, car on ne sait pas qui nous ment, et qui est dans l’ombre, en train de préparer la grande catastrophe à venir. On a aussi, avec cette histoire, une vraie réflexion sur l’utilité des animaux, et sur leurs exploitations. Peut-on s’en servir sans les tuer ? D’ailleurs, pourquoi les tueur ? La magie qu’ils possèdent ne peut-elle pas être utilisée autrement ? Ce sont les mêmes questions pour les plantes, et le fait d’avoir Ynaé et Aïna qui travaillent ensemble va remettre en question tout ce que tout le monde pensait savoir. J’aime donc bien cette idée de la nature qui se venge de ce qu’on lui fait, que ce soit les animaux ou les plantes, avec la Désolation, mais aussi la question sur ce dont on se souvient du passé, et ce que les politiques transforment au fil du temps. Le monde proposé est assez riche, avec un bestiaire varié, et des questions entre les liens qui se forment entre les hommes et les animaux. Il est bien construit et bien magique, sans en faire trop et donner des pouvoirs à tout le monde.

Aïna leva les yeux au ciel. Elle savait ce qu’il avait en tête. L’alchimiste ne redoutait pas une éventuelle punition par les protecteurs mais des superstitions. La morale des alchimistes leur enseignait que tuer un animal, c’était le risque de provoquer une nouvelle désolation, de vider la terre de sa magie, et à terme de causer la perte de l’alchimie.

Trois cents ans plus tôt, une catastrophe avait divisé Tyréa en deux. La légende des alchimistes et des protecteurs racontait qu’une flore détraquée se serait subitement mise à pousser autour de l’alchimisterie et aurait attaqué les humains. Puis d’étranges animaux plus morts que vivants, les Gris, seraient apparus dans les rues avant de devenir violents à leur tour. Enfin, un Spectre aurait attaqué les hommes et ravagé la capitale.

La version officielle racontait que les traqueurs étaient à l’origine de cette désolation. On les accusait d’avoir déséquilibré le monde en sacrifiant trop d’animaux. Depuis, la magie organique était interdite et la rive nord de la cité, où la catastrophe avait eu lieu, avait été abandonnée par ceux qui en avaient les moyens. Ceux qui y vivaient encore aujourd’hui étaient les plus pauvres, les parias et ceux dont personnes ne voulait. Dont les traqueurs, bien sûr.

Le clan, lui, ne croyait pas à cette fable qui rendaient les traqueurs responsables de la désolation.

En ce qui concerne l’écriture de ce roman, elle est assez fluide, même si j’ai trouvé que l’histoire avait du mal à se mettre en place au début. J’avoue que je regrette un peu qu’il n’y ait pas eu de carte au début du roman, car j’ai eu un peu de mal à me représenter la capitale où évoluent les deux femmes. Mais l’écriture est tout de même assez visuelle dans les descriptions des vêtements, de l’ambiance, ou même des bâtiments, ce qui permet de comprendre dans quel monde on évolue. Je pense toutefois qu’un prologue aurait pu être intéressant, au lieu d’être propulsé dans l’histoire dès le début. Mais le suspens est bien dosé, et s‘il y a plusieurs moments qui sont assez prévisibles, j’avais vraiment envie d’aller au bout de l’histoire, car la tension monte petit à petit. J’ai eu du mal à lâcher le roman sur la fin de l’histoire. La romance de Ynaé m’a, par contre, laissée un peu de glace.

En résumé, c’est un livre que j’ai vraiment apprécié. Même si, à mon sens, il y a quelques défauts qui font que je ne me suis pas immédiatement attachée aux deux héroïnes, j’ai fini par les apprécier et par craindre pour elles. J’ai préféré Aïna, chez qui je me suis davantage retrouvée, et j’ai eu du mal avec la romance de Ynaé. Le monde proposé est assez riche et agréable à découvrir. J’ai apprécié celui-ci, ainsi que les réflexions proposées sur les animaux et leurs exploitations. L’écriture est fluide et le suspens monte vraiment vers la fin, même si certains éléments sont prévisibles, avec une envie de ne plus lâcher cette histoire. C’est une belle découverte, et je vous en conseille sa lecture, parce que c’est une historie qui mérite d’être lue.

Et vous ?

Qu’est-ce qui peut vous faire vous attacher à un personnage principal ?

Ou, au contraire, qui peut ne pas fonctionner avec vous ?

Que cherchez-vous dans un roman de fantasie ?

Bon samedi à tous 🙂

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