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Les Ombres de Big Ben

Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien et que vous passez un bon weekend. Ici, je suis en plein dans le rhume, ce qui est assez frustrant car je n’arrive pas du tout à faire ce que j’avais prévu de faire. C’est vraiment nul d’être malade, j’ai le sentiment de perdre mon temps et de ne pas avancer, tout ça à cause du fait que j’avais encore prévu de faire beaucoup de choses ce weekend. Et, pour le coup, je n’arrive pas non plus à me reposer. Vivement que la semaine soit passée, car je serais enfin en vacances pour reprendre des forces.

En attendant, je vous retrouve ce matin pour vous parler de l’une de mes dernières lectures. Il s’agit d’un roman policier historique, qui nous emmène dans l’ombre des suffragettes, à Londres, dans l’entre deux guerres. Je vais en effet vous parler aujourd’hui du roman Les Ombres de Bing Ben, écrit par Michelle Salter. Le roman est sorti en France aux éditions L’Archipel en février 2023. Je remercie d’ailleurs vivement la maison d’édition pour m’avoir permise de découvrir ce titre en avant première. Voici son résumé.

Elle voulait le droit de vote. Elle a trouvé la mort…

Londres, 1920. Pour la première fois, deux femmes s’affrontent pour devenir députée. À cette occasion, la journaliste stagiaire Iris Woodmore revient dans le quartier de la Chambre de la Communes – un lieu douloureux pour elle.

Six ans plus tôt, sa mère y est morte en se noyant dans la Tamise en marge d’une manifestation de suffragettes. Non loin de Big Ben, un homme révèle à Iris que sa mère n’est pas tombée par accident – elle a sauté.

Bien décidée à découvrir la vérité, Iris mène l’enquête. Tous les indices semblent converger vers Crookham Hall, la majestueuse demeure de Lady Timpson… l’une des candidates à l’élection. Une honorable façade, qui semble cacher bien des secrets.

Dans cette histoire, nous suivons une jeune femme, Iris. Cette dernière a perdu sa mère six ans plus tôt. Celle-ci était une suffragette, et lors d’une action de son groupe, elle s’est noyée dans la Tamise. Iris pensait avoir mis ce drame de côté, mais une visite à Londres va la faire s’interroger sur ce qui est arrivée ce jour-là. Sa mère n’était pas seule, alors que sont devenues les autres ? Et si tout cela se retrouvait être lié à l’élection des députés de cette année, élection où s’opposent pour la première fois deux femmes, qu’Iris connaît très bien ? Journaliste, la jeune femme va se lancer sur la piste de la mort de sa mère, et dénicher de nouveaux cadavres, tout en enquêtant sur la noblesse de sa ville, qui cacherait beaucoup de secrets.

J’ai envie de commencer cette chronique par vous parler de l’histoire en elle-même. Dès le début de cette dernière, j’ai appris des choses. En France, en histoire, on ne parle pas beaucoup des suffragettes. Je ne suis même pas certaine d’en avoir entendu parler, même en cours d’anglais. De ce fait, j’ignorais qu’il y avait deux clans, les suffragettes et les suffragistes, et que les premières agissaient de manière musclée et dangereuse, tandis que les autres agissaient de manière pacifiste. Et là se trouve tout de suite la différence entre Violet, la mère d’Iris, et madame Siddons, celle qui va se présenter à l’élection des députés, l’amie d’Iris. Si Violet s’est noyée ce jour-là, c’était parce qu’elle agissait de manière illégale et dangereuse. J’ai donc apprécié d’apprendre des choses sur cette époque, sur cette révolution qui pousse les femmes à s’opposer à leurs époux, à revendiquer une place dans la société. De même, j’ai aimé qu’on soit dans la période de l’entre deux guerres, avec la victoire des suffragettes, et le fait qu’on se retrouve avec deux femmes briguant le poste de député. C’est intéressant d’être plongé de cette manière dans cette enquête policière, parce que cette époque est assez tendue, et en même temps, on sent que tout le monde veut mettre la guerre derrière soi, avec en plus le fait que la mort de Violet remonte à plus de six ans, donc que les pistes sont froides, d’autant plus que pour tout le monde, il s’agit d’un accident. Enfin, nous sommes aussi ici dans une lutte de classe. La mort de sa mère pousse Iris à enquêter sur les Timpson, une famille de nobles qu’elle connaît, et à se demander ce que ces derniers cachent, comme la disparition d’une employée, par exemple. Et c’est ce que j’ai vraiment adoré dans ce roman, car il ne faut pas le cacher, c’est un roman purement féministe, qui montre justement comment les femmes peuvent obtenir des droits, et se battre pour ces derniers, et qui rappellent comment elles étaient traitées à l’époque. Il y a tout une scène, dans le tribunal, à la fin, qui est assez glaçante. On nous parle de viol, de meurtre, de viol au sein du mariage qui ne peut pas être qualifié de viol, etc. C’est aussi avec des histoires comme celles-ci qu’on mesure tout le chemin fait en cent ans sur les droits des femmes, et qui sont toujours menacés. L’autrice parvient donc à nous instruire en nous livrant une enquête policière, qui nous montre et nous rappelle ce qu’on peut perdre en droits.

Lord Timpson lança à son fils un regard réprobateur.

– Si bien que nous pensons qu’elle a dû s’enfuir.

– Bon débarras. Ces femmes étaient des criminelles, assena Lady Timpson. Quand je pense que nous l’avons laissée vivre sous notre toit alors qu’elle faisait partie de cette bande de harpie.

Je sentis le feu me monter aux joues.

– Nous apprécions votre sollicitude, monsieur Whittle, dit Constance en posant une main sur les genoux de sa mère.

Mais plus rien ne semblait pouvoir arrêter Lady Timpson :

– Rebecca Dent s’est probablement enfuie parce qu’elle avait participé à je ne sais quelle manifestation ayant mal tourné, et qu’elle avait peur de se faire arrêter.

Je bouillais littéralement. Seulement, je devais aussi admettre qu’il était possible que Lady Timpson eût raison. Etait-il possible que quelqu’un ait appris que Rebecca faisait partie de la manifestation de la Chambre des Communes, et menacé d’en informer la police ?

Je vais maintenant vous parler d’Iris, qui est donc l’héroïne de cette histoire. Elle avait accepté la mort de sa mère, au moins en apparence, mais ce qu’elle va apprendre sur cette dernière va totalement la chambouler. En vérité, ce qu’Iris n’arrive pas à accepter, ce n’est pas tant son décès que ce qu’elle estime être un abandon. Pour elle, sa mère l’a abandonnée en rejoignant les suffragettes, en préférant son combat à sa petite fille. On ne peut donc pas en vouloir à Iris d’avoir ce ressenti, d’autant plus qu’elle était une enfant au moment du drame. Elle en veut donc beaucoup à sa mère, sans avoir mis les mots dessus. Penser qu’on aurait pu vouloir sa mort, provoquer celle-ci, va donc lui permettre de faire son deuil. C’est alors ce qui fait que son personnage est intéressant avec son personnage et l’histoire racontée, car Iris va devoir affronter toutes ses certitudes, et voir évoluer ces dernières. Elle pense savoir des choses, et c’est vrai, mais elle ne les voit qu’à travers un certain prisme, celui de son éducation notamment, et elle va devoir faire évoluer ce dernier. C’est donc intéressant et plaisant de la voir se remettre en cause. On a aussi une jeune femme déterminée, qui sait poser les bonnes questions. Non seulement elle ne tient pas à renoncer à apprendre la vérité sur la mort de sa mère, mais elle va aussi enquêter sur la disparition de Rebecca, et elle va se montrer être une amie fidèle au cours du roman. Iris est intelligence, déterminée, elle sait ce qu’elle veut. Et elle n’est pas prête à renoncer à la vérité, même si celle-ci va mettre des vies en danger. Elle est aussi passionnée par son métier, et cette histoire va lui faire comprendre quel combat menait sa mère. Son personnage est parfaitement crédible, bien écrit, et très attachant. On a envie de savoir ce qu’elle dévient ensuite.

– Je suis vraiment contente qu’on ait pu la ramener à Walden. Loin de tout ces gens.

Le ressentiment affleurant dans ma voix ne m’échappa pas.

– Elles commençaient à devenir trop militantes, de l’avis même de certains de leurs membres. c’est la raison pour laquelle des groupes plus pacifiques, comme les United Suffragists, se sont formés, dit Mme Siddons avant d’exhaler un soupir. Elles avaient peu d’alliés au Parlement. C’est grâce à des femmes comme ta mère que nous sommes maintenant représentées en politiques.

– Croyez-vous qu’elle se sentait prête à mourir pour la cause ?

Mon hostilité ne s’arrêtait pas à la WSPU.

– Je crois surtout que tu accordes trop de crédit à ce qu’a déclaré ce marin, tout à l’heure. Fais attention à ce que tu diras à ta famille. Ce serait dommage de les faire souffrir davantage.

Je fixai le fond de mon verre vide et restai muette.

– Désolée, Iris. J’espérais que cette journée atténuerais ta colère contre ta mère. Je voudrais que tu sois fière d’elle.

Je m’abstiens de répondre.

Parlons à présent des personnages secondaires. Ils sont assez nombreux, mais j’ai envie de m’arrêter tout d’abord sur Percy. C’est un personnage vraiment amusant, et on a un peu de peine lorsqu’Iris le repousse. Est-il vraiment amoureux d’elle ? On ne le sait qu’à la fin, mais c’est un personnage que j’ai apprécié, qui amène de l’humour dans ce récit, une touche de légèreté, et qui montre aussi que les hommes soutiennent les femmes, à leur manière. On sent, avec lui, mais aussi avec Daniel, la confrontation entre la jeunesse et l’ancien monde, avec ces hommes qui n’ont connu la Première Guerre que de loin, qui n’ont pas été dans les tranchées, et qui ne sont pas revenus traumatisés par les combats. Les hommes plus vieux ont beaucoup de mal à comprendre le changement qui est en train de s’opérer, et ils ne veulent pas nécessairement l’accepter, ce qui n’est pas le cas pour les plus jeunes, comme le montrent les personnages de Daniel et de Percy. Mais ceci est aussi valables pour les femmes, et on sent une certaine hostilité chez Lady Timpson pour ce changement, alors même qu’elle se présente à l’élection. Elle représente vraiment l’orgueil des nobles, le pouvoir aussi, et cela n’en fait pas un personnage sympathique. Mais elle représente aussi la faiblesse des femmes face aux hommes, et notre avis sur elle va donc être changé au cours du récit. J’ai apprécié tous ces portraits de femmes qu’on croise dans le récit, que ce soit celui de Violet, de Rebecca, de Lady Timpson ou de sa fille, ou même d’Alice, la meilleure amie d’Iris, qui nous montre à quel point les femmes ne sont pas non plus unis derrière la défense de leurs droits, comme dans la vraie vie, et que tout changement est finalement compliqué à mettre en place sans changer les mentalités.

– Comment Lady Timpson va-t-elle pouvoir rentabiliser cet achat ?

– Je doute que ce soit son but, ma chère, répondit Horace. Elle a grassement payé l’armée pour un bout de voie navigable qui ne leur est plus d’aucune utilité? Et elle promet de réemployer le canal à des fins agricoles pour soutenir les fermes alentours. Si bien qu’après cela…

– Elle aura le soutien des militaires et des paysans, termina Horace. Ce qui représente presque la totalité des électeurs de notre petit coin du Hampshire.

– C’est stupéfiant. En somme, elle s’achète un siège au Parlement ?

Ils opinèrent du chef, souriant au spectacle de ma naïveté.

J’en arrive à présent à l’écriture de ce roman. Cette dernière est fluide et les chapitres s’enchaînent vraiment bien. On est plongé dans cette affaire par ce qui est arrivé à la mère d’Iris, mais rapidement, on se penche sur le cas de Rebecca, puis sur le meurtre de l’un des personnages. J’ai trouvé que l’écriture était vraiment rythmée, avec plusieurs parties dans le roman, qui se détachent, mais qui se réunissent toutes au moment du procès. Comme Iris, on essaie de relier tous les événements pour comprendre la chronologie, pour comprendre ce qui est arrivé dans le passé et qui ressurgit dans le présent. L’atmosphère de cette époque est bien rendue, et les personnages sont intéressants à suivre. Les descriptions sont bien menées.

En résumé, j’ai vraiment pris plaisir à lire ce livre, et on se rapproche d’un coup de coeur pour moi. C’est un livre que j’avais envie de partager avec vous, une très bonne lecture. On s’attache au personnage d’Iris, et j’ai apprécié sa remise en question, son intégrité aussi, et tout son questionnement. On a envie qu’elle comprenne ce qui est arrivé à sa mère. Le sujet est passionnant, et très bien retranscrit dans la narration. Les personnages secondaires sont aussi intéressants à suivre. J’ai beaucoup aimé l’aspect politique et féministe de cette histoire. C’est une belle découverte, avec une belle plume, et je ne peux que vous recommander sa lecture.

Et vous ?

Qu’aimez-vous retrouver dans un roman historique ?

Quels sont, pour vous, les éléments pour raconter une histoire historique ?

Cela vous dérange-t-il lorsqu’il y a de la politique dans un roman ?

Bon dimanche à tous 🙂

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