chroniques littéraires·service presse

Ils sont chez nous

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous parvenez à garder la forme avec tout ce qui peut être dit partout, que ce soit à la télévision, entre amis, ou sur les réseaux sociaux. On entend de tout et de n’importe quoi partout, et c’est assez compliqué de savoir qui écouter, ou qui suivre. On est rapidement perdu, et cela génère une forte frustration de tous les côtés. Heureusement, j’essaye de me couper de cela en me concentrant sur le travail, et en évitant certains oiseaux de malheur. Et les élèves ont la pêche, avec la rentrée.

Aujourd’hui, je reviens vers vous sur le blog afin de vous partager une novelle chronique. Je vais en effet vous parler de l’une de mes dernières lectures, même si celle-ci remonte déjà à plusieurs semaines. J’essaye toujours de rattraper mon retard sur mes lectures de février. Le roman que je vais vous présenter aujourd’hui est un roman policier. Il s’intitule Ils sont parmi nous et est écrit par Lisa Jewell. Il est sorti aux éditions Hauteville, en France, en novembre 2020. Les éditions Hauteville appartiennent à Bragelonne, et je remercie ces derniers pour l’envoi de ce roman en service presse. J’aime beaucoup la plume de Lisa Jewell, dont j’avais lu le roman Comme toi il n’y a pas si longtemps. Voici le résumé de ce nouveau titre :

Trois cadavres et un bébé abandonné : c’est la macabre découverte que fait la police dans une demeure de Chelsea. Faute de preuve, on privilégie la piste d’un suicide collectif et l’affaire est classée. Pourtant, avant l’arrivée des « autres », la famille Lamb coulait des jours heureux. Mais il est des invités qui ont tendnace à s’éterniser, et certains ne repartent jamais.

Le jour de se vingt-cinq ans, Lilly hérite de la maison où elle a été retrouvée bébé. Bien décidée à percer le mystère de ses origines, la jeune femme mène l’enquête au 16 Cheyne Walk. Mais est-elle prête à découvrir l’effroyable secret qu’on lui cache depuis sa naissance ? Elle ignore encore que quelqu’un, quelque part, donnerait cher pour la retrouver.

Dans cette histoire, nous suivons plusieurs personnages. Il y a tout d’abord Libby, qui découvre qu’elle vient d’hériter d’une gigantesque maison dans l’un des quartiers les plus huppés de Londres. Provenant de sa famille biologique, qu’elle ne connaît pas, Libby va partir en chasse du grand secret de famille caché entre ces murs. Pourquoi ses parents se sont-ils suicidés ? Et où sont son frère et sa sœur ? Il y a ensuite Lucy, une jeune femme qui vit en France, en grande précarité, avec ses deux enfants. Venue sur le sol français illégalement des années auparavant, Lucy est rappelée par la date à Londres, où elle va chercher à y retourner avec ses deux enfants et son chien. Son but ? La fameuse maison de Libby. Et enfin, nous avons Henry, le frère de Libby, qui raconte, avec ses mots d’adolescents, ce qui est arrivé dans la maison juste avant le fameux suicide.

Avant de vous parler des personnages principaux, j’ai d’abord envie de vous parler de l’histoire en elle-même. En effet, nous ne sommes pas ici dans un roman policier classique. En effet, bien qu’il y aient des morts, trois au total, ces morts sont vieux et enterrés depuis des années, et leur affaire est classé, c’est un suicide. Or, peu à peu, on se rend compte que la thèse du suicide collectif n’est peut-être pas aussi simple et évidente que cela, et qu’il nous manque plusieurs pièces du puzzle, c’est d’ailleurs Henry qui les a. Ce roman serait donc plutôt un thriller psychologique, au sens où, grâce aux souvenirs du jeune adolescent, nous sommes projetés des années en arrière, avant le drame, et nous voyons ce qui a mené à celui-ci. Et nous voyons alors tout l’aspect psychologique qui est mis en place par les responsables de cette horreur. En effet, ce dont nous parle ici ce roman, c’est d’une secte. Ainsi, ce que découvre Libby au cours de son enquête, et ce que raconte Henry, c’est l’emprise que finit par avoir sur leur famille des invités, dont David, un médecin charismatique, qui va couler la famille, la mener à la faillite et à la destruction. J’ai beaucoup aimé cet aspect-là de l’histoire. En effet, tout commence normalement, on découvre Henry et sa famille, le bonheur qui semble exister chez eux, mais qui n’est que de façade, et qui vole en éclat avec l’arrivée d’une chanteuse que la mère d’Henry héberge, puis par la venue d’une autre famille. Dès lors, le monde d’Henry s’écroule, et il nous le fait vivre de l’intérieur, mois après mois, année après année. On comprend ainsi comment le drame qui arrive ne pouvait pas être évité, qu’il est la suite logique des privations et de carences affectives qui ont lieu dans la maison, avec un énorme ressentiment lié aux punitions. C’est assez terrible de lire ce qui se déroule et de voir cette déchéance arriver, sans pouvoir y faire quoique ce soit. En tant que lecteur, on se sent aussi impuissant qu’Henry, et c’est assez frustrant, parce qu’on aimerait le tirer de cette situation. Et pourtant, plus on avance dans le roman, et plus on voit l’attitude d’Henry changer, même si je reviendrais là-dessus plus tard. On assite donc pleinement à l’emprise de David sur tout le monde, et cela est vraiment une expérience particulière, que j’ai apprécié, tout en me disant à quel point cela était horrible pour tout le monde. C’est bien fait, et intéressant de voir cela par le biais d’Henry.

– Tu aimes ton père ? demandai-je en jouant avec le cresson qui restait dans mon assiette.

– Non, je le méprise.

J’acquiesçai, rassuré par cet aveu.

– Et toi, tu aimes le tien ?

– Mon père est faible, répondis-je en sachant immédiatement que c’était la vérité.

– Tous les hommes sont faibles. C’est pour ça que le monde est sens dessus dessous. Trop faibles pour aimer vraiment. Trop faibles pour reconnaître leurs torts.

Mon pouls s’accéléra devant la puissance de ce constat. C’était la chose la plus vraie que j’avais jamais entendu. La faiblesse des hommes était la cause de tous les maux de notre univers.

J’observai Phin retirer deux billets de dix de sa liasse pour régler ces sandwichs hors de prix.

– Je suis désolé, mais je ne vais pas pouvoir te rembourser.

Il secoua la tète.

– Mon père va prendre tout ce que toi et ta famille possédez, et ensuite il va détruire vos vies. Alors c’est le moins que je puisse faire…

Parlons maintenant du personnage de Libby, qui est tout de même au centre de cette histoire. En effet, Libby est le personnage central, celle qui va cristalliser toutes les tensions, et surtout celle par qui la vérité arrive. Ainsi, le jour de ses vingt-cinq ans, Libby découvre qui elle est vraiment. Même si elle sait qu’elle a été adoptée, elle ignore qui sont ses parents et ce qu’ils sont devenus. Tout est donc dévoilé à son anniversaire, et elle découvre alors son héritage. C’est bien plus qu’une maison dont elle hérite, c’est tout un secret, qu’elle doit découvrir. Libby pourrait vendre la maison et profiter de l’argent gagné, mais elle n’en fait rien. D’une certaine manière, elle se montre dès le début courageuse et crieuse. Elle veut savoir la vérité, quitte à affronter des horreurs. Elle veut comprendre pourquoi ses parents se sont donnés la mort, et elle va mener sa propre enquête, qui va donc la mener vers la vérité, mais une vérité assez terrible. Elle va devoir avoir les épaules pour supporter cela, et même si elle n’en est pas certaine au début, elle va finir par se rendre compte que la vérité est plus importante que tout. Ce que j’ai aimé avec son personnage, c’est qu’il ressemble à n’importe qui. Libby pourrait être vous ou moi. Elle a des projets, un travail, une vie, et tout cela bascule avec l’annonce de cet héritage. Sa vie va alors changer et elle va devoir faire avec, décider si elle l’assume ou non. Elle n’est pas dans la bonne position, et elle se montre alors courageuse. C’es facile de se mettre à sa place, de se demander ce qu’on aurait fait dans son cas. Et j’ai aimé le fait qu’elle veuille absolument découvrir la vérité, même si ce n’était pas son choix premier. Sa réflexion sur son identité est elle aussi intéressante, car Libby ne sait pas vraiment qui elle est, du moins pas tant qu’elle n’a pas compris d’où elle vient. C’est plaisant de la suivre dans cette histoire, de la voir comprendre qui elle est, et ce que cela va ou non impliquer pour sa vie future, Libby est un personnage attachant.

Elle se relève légèrement et plisse les yeux. Il ya quelqu’un, c’est sûr. Elle se rassoit. Là-bas, au bout du jardin, un homme marche sur la pelouse. Il est grand, fin, a les cheveux courts, des baskets blanches, un sac en bandouillère, et les verres de ses lunettes reflètent l’éclat de la lune. Ils le voient poser son sac sur le plot en ciment, et y monter. Ils l’entendent grimper à la gouttière jusqu’au promontoire. Puis ils se déplacent tout doucement pour le suivre des yeux. L’inconnu disparaît sur le toit.

Le cœur de Libby bat à tout rompre.

– J’en reviens pas… Qu’est-ce qu’on fait ?

– J’en ai pas la moindre idée, murmure Miller.

– On essaie de lui parler ?

– Je sais pas… Tu penses ?

Elle secoue la tête. Elle est terrifiée, mais meurt d’envie de savoir qui est cet homme.

(…) – Oui, on va lui parler. Il faut qu’on l’interroge.

Parlons maintenant des autres personnages secondaires. J’ai beaucoup aimé celui de Lucy. Je me suis facilement attachée à elle, d’autant que son histoire est très dure. En effet, Lucy amène de l’horreur présente dans le récit. Le jeune femme passe par beaucoup de phase dans le récit, et elles ne sont pas amusantes. On peut ainsi voir, avec elle, jusqu’où certains sont prêts à aller pour survivre, et pour protéger les siens. Lucy est une battante, ce qui n’est pas étonnant vu ce qu’elle a vécu. J’ai apprécié ce côté combattive qui existe en elle, alors qu’elle aurait toutes les raisons de ne pas agir de cette manière, de se protéger, et de protéger ses enfants. Mais n’est-ce pas justement ce qu’elle fait ? Lucy est attachante elle aussi, car elle se bat contre son passé, mais aussi contre le présent. On a envie de l’aider, qu’elle ne soit pas obligée de subir toutes les épreuves qui lui arrive. On s’attache aussi à ses enfants, qui sont obligés de la suivre, et qui ne peuvent rien faire pour elle. On est alors désolé pour Lucy, pour le conflit qui l’oppose à son aîné, conflit légitime pourtant. Cependant, j’ai eu un peu plus de mal avec Henry au cours du récit, car c’est vraiment le cliché de gosse de riche, et qu’il ne se défend pas contre ce qui lui arrive. Ou, lorsqu’il le fait, il est déjà trop tard. Toutefois, cela ci n’empêche pas de se plaindre de la situation. En vérité, au début, on l’apprécie, et là encore, on a envie de l’aider, on est désolé de ce qu’il doit vivre, mais au fil du roman, on comprend qu’Henry profite aussi de la situation, et la fin n’aide pas à apprécier son personnage. Enfin, les personnages des adultes, notamment de David et de la mère d’Henry, sont vraiment détestables, et c’est fait exprès. Je n’ai eu aucune empathie pour eux, ils sont tous les deux responsables de ce qui va arriver, et donc de leur mort. C’est même étonnant que cela ne soit pas arrivé avant. David a tout du pervers, du manipulateur, et on ne peut que le détester. Mais c’est ce qui fait que les personnages sont bien construits, et réalistes. On a a envie d’aider Lucy, et de détruire David, qui est exécrable.

Que pensait le garçon que j’étais de David Thomsen ? D’abord, qu’il était très séduisant. Pas à la manière un peu féminine de son fils, mais d’une façon plus classique. L’ombre de sa barbe, si nette qu’on l’aurait crue peinte, obscurcissait le bas de son visage. Il avait des sourcils épais, bien dessinés, et il émanait de lui une énergie animale, un charisme évident. Quiconque à ses côtés paraissait plus petite que lui, même si ce n’était pas le cas. Il me fascinait et me rebutait tout autant. Je peux également vous dire que ma mère se comportait étrangement en sa présence. Elle n’était pas d tout avenante. Au contraire, elle s’effaçait, comme si elle ne faisait pas confiance à cet homme. Il était à la fois imbu de lui-même et terre-à-terre, chaleureux et froid. Je le détestais, mais je comprenais que les autres l’aiment. C’est ce que j’allais commencer à ressentir après ce premier dîner, après cette première soirée où tout le monde essaya de se montrer sous son meilleur jour.

L’écriture de cette histoire est vraiment intense. Comme je l’ai dit au début, on est plongé, par le biais d’Henry, dans ses souvenirs, dans la terrible réalité qu’il a vécu avec sa sœur, alors que sa famille était e train d’être plongée. Cela nous frustre, car nous ne pouvons pas aider ces enfants, et dans le même temps, on les voit changer, grandir, et se rebeller, ou non, face à ce qui gangrène leur famille. C’est vraiment particulier, car l’on découvre des enfants craintifs, aisés, cultivés, qui perdent peu à peu leurs repères, jusqu’à céder. On a alors des sentiments ambivalents pour eux, et l’on se demande ce qu’on aurait fait à leur place, comment on aurait réagi. La force de la plume de l’autrice, c’est de nous mettre à la place de ces héros. C’est la même chose avec Libby. On tremble pour elle, car on ignore ce qui va lui arriver. Alors que l’histoire d’Henry semble figée, elle ne l’est pas pour Libby et Lucy, qui continuent à vivre, et qui reviennent, chacune à leur manière, sur ce terrible secret de famille. Et l’on a donc peur de ce qui pourrait leur arriver, car toutes les deux ne sont pas vraiment en sécurité, Libby parce qu’elle s’approche de la vérité, et Lucy parce qu’elle doit affronter des dangers et qu’elle connaît cette vérité. J’ai bien aimé cet aspect-là car finalement, nous avons trois peurs différentes pour trois personnages différents, tous liés par la même histoire qui les rapprochent, mais qui les dévorent aussi. Et la fin est juste géniale, car l’on comprend que ce n’est pas la fin, et que d’autres choses terribles vont se passer, car la maison n’a pas fini avec tous les survivants du drame. J’ai adoré ce retournement de situation, et c’est vraiment bien fait. Les chapitres s’enchaînent à toute vitesse, et l’on est vraiment plongé dans ce récit. Il est addictif et bien écrit.

En résumé, c’est une histoire que je ne peux que vous conseiller. Elle est différente d’un roman policier classique, car nous sommes plongés, pendant toute une partie du récit, dans les souvenirs d’un personnage qui nous montre comment le drame va arriver. On est alors frustrés de ne rien pouvoir faire pour changer ce qui va arriver, nous sommes impuissant, tout comme Henry. Et l’on suit en parallèle, l’enquête menée par Libby pour comprendre sa propre histoire. Tout cela est bien mené, bien raconté, et j’ai apprécié les changements de points de vue, les alternances entre tous les personnages, que ce soit Henry, Libby ou Lucy. La fin est bien faite aussi, on ne s’y attend pas vraiment, et laisse un suspens très plaisant. C’est une bonne lecture avec une histoire originale.

Et vous ?

Qu’aimez-vous retrouver dans un roman policier ?

Aimez-vous les récits plus psychologiques ?

Est-ce que des retour dans le passé vous dérangent ?

Bon mercredi à tous 🙂

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