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Sous mes yeux

Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez tous bien et que vous avez passé une bonne semaine de rentrée. pour ma part, la mienne a été assez intense, mais c’est toujours comme ça, une rentrée, surtout que là je multiplie les complications, vue que je suis sur deux établissements, et que je dois donc avoir du trajet entre les deux, et deux types de fonctionnements différents. Exemples, dans l’un d’entre eux, le port du masque n’est pas obligatoire à l’extérieur, mais dans l’autre, si, alors que les décisions sont censées venir de la préfecture, et qu’ils ont donc tous les deux les mêmes règles. Ce sont des détails, et il y en a d’autres, mais c’est aussi ce qui est fatiguant de faire deux établissements, car il faut sans cesse s’adapter. Mais ce n’est pas grave, heureusement je connais déjà l’un et l’autre et leur fonctionnement. Et en ce moment, je suis à un mariage, repoussé déjà deux fois. J’aurais préféré me reposer, mais il fallait bien y aller puisque c’était prévu qu’on y aille depuis l’année dernière.

Justement, puisque je suis à un mariage, et au retour de noces, j’ai prévu pour aujourd’hui une chronique qui correspond parfaitement à l’ambiance du jour, au fait de se jurer fidélité pour l’éternité. Aujourd’hui, je vais en effet vous parler du roman policier Sous mes yeux, que j’ai lu pendant l’été. Ce roman m’a été envoyé en service presse par les éditions Bragelonne, et je les remercie du partenariat que le blog entretient avec eux. Ce roman a été écrit par K. L. Slater, qui avait écrit le roman Evie, dont vous pouvez retrouver la chronique sur le blog. Ce nouveau roman est sorti e France en avril 2021 et voici son résumé :

Quand Billy, huit ans, disparaît dans la forêt alors qu’il était en train de jouer au cerf-volant avec sa sœur, tous les habitants de Newstead prennent part aux recherches, et le village est sous le choc lorsqu’on retrouve son corps, deux jours plus tard.

Seize ans après le drame, Rose, qui n’a jamais pu se résoudre à quitter la maison de son enfance, mène une vie en sourdine, toujours accablée par la culpabilité : si elle ne l’avait pas quitté des yeux, son petit frère serait encore en vie.

Dans cette histoire, nous oscillons entre deux timelines différentes. Il y a tout d’abord celle du passé, où Rose raconte les événements qui ont mené à la disparition de son frère Billie, alors qu’ils n’étaient que tous les deux, et nous avons ensuite le présent, celui de Rose, qui se passe seize ans plus tard, où Rose va mener l’enquête pour expliquer la mort de son frère. Dans ce récit, nous suivons donc Rose sur deux époques différentes, ce qui va être très important pour comprendre l’histoire.

Je vais commencer par vous parler de Rose. Comme je l’ai dit au début, dans le résumé, on voit Rose sous deux aspects, celui qu’elle avait lorsqu’elle avait à peine dix-huit ans, et qu’elle était encore une jeune adolescente rêvant de faire sa vie, de tomber amoureuse, et celle qu’elle est seize ans plus tard, seule dans la maison de son enfance, resassant le meurtre de son petit frère. Je dois avouer qu’on s’attache très vite à elle, car on devine que Rose est très marquée par ce qu’ils s’est passé durant son adolescence. Elle se sent fautive, elle culpabilise de la disparition de son frère, elle est certaine que c’est de sa faute qu’il est mort, et elle s’en veut énormément. Cela peut vous faire penser au roman que j’ai chroniqué il y a quelques semaines, Pour Tout te dire, de Gilly Macmillian. C’est vrai qu’il y a une certaine ressemblance avec les deux héroïnes, au sens où elles culpabilisent toutes les deux de la disparition de leur petite frère, causée d’ailleurs par leur faute, sauf que là où Lucy, l’héroïne de Pour tout te dire, s’enferme dans la fiction et l’écriture, Rose elle devient totalement paranoïaque. Elle vit dans une peur constante, et cela se répercute sur tout son quotidien, où elle ne sort que peu de chez elle, où elle se gave de nourriture avant de vomir, où elle ne côtoie personne qu’elle ne connaît pas. Et je pense que c’est aussi cela qui m’a fait m’attacher à elle, car en fait, elle ne s’est pas remise de ce drame, et psychologiquement, elle continue à vivre le quotidien, mais elle est restée figée dans le passé, et surtout dans la peur qu’il lui arrive quelque chose à elle. De ce fait, elle donne l’impression d’être traquée, et c’est ce qu’elle ressent. Et elle a de quoi, car on découvre que dans son passé, elle est tombée amoureuse du mauvais garçon, celui qu’il fallait absolument évité, ce qui a certainement provoqué le drame. Et c’est aussi pour cela que Rose s’en veut, car c’est elle qui a amené le loup dans la bergerie, c’est elle qui a fait voler en éclat sa famille, et elle est toujours sous l’emprise de ce monstre. C’est d’ailleurs cela qui est très intéressant avec son personnage, c’est qu’on voit comment tout bascule, et comment il est aisé de tomber dans ce type d’engrenage. Certes, Rose peut sembler un peu idiote, naïve, car cela se devine qu’elle est en train de se faire avoir, et qu’on a alors envie de lui dire de se sauver, de protéger sa vie, sa famille, et dans le même temps, je trouve qu’on la comprend bien, au sens où elle est une adolescente qui rêve du grand amour, et qu’elle est persuadée de l’avoir trouvé. Cette naïveté qu’on voit chez elle lorsqu’elle est jeune est assez touchante, car finalement, elle peut arriver à n’importe qui, et même aux adultes. Et cela se transforme en grande angoisse lorsqu’elle est adulte, car elle se méfie trop, elle cloisonne sa vie, et a parfaitement appris les leçons de son passé, si bien qu’elle ne fait plus confiance à personne, et c’est ce qui va la mener à retrouver le tueur de son frère. Ce que j’ai aussi aimé, c’est que malgré ses faiblesses, tous ses problèmes, elle n’abandonne pas, elle veut se libérer, et pour cela, elle est prête à affronter tous ses démons, ce qui démontre tout de même une grande force, et je trouve qu’elle peut donc représenter n’importe qui, et que tout le monde peut se retrouver dans son personnage, qui a eut des erreurs de jeunesse, mais qui veut essayer de réparer les choses. Son personnage est vraiment bien écrit.

Alors que mon cœur s’emballe, et bien que je sois absolument certain qu’il n’y a rien à craindre dans les parages, j’avance les yeux rivés ay trottoir. Je commence à me calmer un peu quand les contours de la maison ouvrière dans laquelle je vis se dessinent à l’horizon. Ce qui m’est familier me rassure, j’en ai besoin.

Le fait d’avoir croiser Melle Carter et enduré ses réflexions sur mon choix de nourriture m’a fait l’effet d’une boîte de lombrics que l’on aurait répandue devant moi.

Si je sens qu’on va faire allusion au passé, je suis en mesure de me protéger. Il peut par exemple s’agir d’une personne qui vient à la bibliothèque et qui, en mentionnant des faits qui se sont produits il y a longtemps, en profitent pour me demander si je vais bien. j’arrive alors à faire face.

Mais lorsqu’je m’y attends pas, comme aujourd’hui au supermarché, le moindre commentaire peut me mettre K.-O.Il me fait ensuite plusieurs jours pour retrouver un équilibre.

J’aimerais maintenant parler des personnages secondaires. Je trouve qu’ils ne sont pas nombreux, au sens où finalement, toute notre attention est focalisée sur Rose et sur Gareth, dont je vous parlerais après. On en oublie alors aisément les autres personnages, et c’est un peu la même chose dans le présent, au sens où Rose s’est un peu coupée de tout le monde, et il ne reste dans sa vie que son voisin, Ronnie, qui semble devenir un suspect intéressant à mesure que Rose mène son enquête, et qui pourtant, on sent tout l’attachement qu’elle lui porte, car il est finalement le seul repère familial qui lui reste. C’est d’ailleurs cela qui est assez intéressant dans le présent, car dès le moment où Rose se retrouve obligée de se confronter à son passé, à ce qu’a vécu Billy par sa faute, elle est obligée de renoncer à ses repères, et à voir tout le monde comme un possible meurtrier, alors qu’elle était certaine que le responsable était sous les verrous. Cela la pousse à se méfier davantage de tout le monde, alors même que Ronnie est quelqu’un d’attachant. c’est un vieil homme malade, et même s’il peut avoir tué Billy, on se demande la manière dont il serait traité, sachant qu’un interrogatoire pourrait le tuer. Cela permet alors d’avoir des sentiments totalement contradictoires. On veut la vérité, mais on sait que cette vérité peut tuer et détruire la vie d’une vieil homme, et comme Rose, on se demande alors si cela vaut le coup, d’autant plus qu’à part elle, plus personne e la cherche, cette vérité. Le procès a lieu, quelqu’un a été condamné pour le meurtre de Billy, est-ce que cela vaut donc bien le coup de chercher celle-ci ? Et justement, j’en arrive au point que je voulais aborder ici avec vous. Je trouve, et c’est pour moi un petit défaut du roman, qu’on ne voit pas assez Billy. Il est présent, mais je pense qu’on aurait pu intensifier la relation qu’il a avec sa sœur afin qu’on comprenne bien pourquoi il devait mourir, pourquoi il était aussi important pour elle. Je trouve que cela aurait mérité d’être plus étoffé. Et puisque je parle de Billy, et des personnages du passé, qui sont finalement plus présents que ceux du présent, j’en arrive aux parents de Rose et de Billy. Sincèrement, ils font eux aussi partie du drame, au sens où ils sont responsables. Ils n’ont pas vu l’attitude de Rose changer, et surtout, ils ne se sont pas méfiés non plus. Rose est très dure envers elle-même, mais ses parents ont une part de responsabilité. Elle a voulu à tout prix les protéger, alors que ce n’était pas son rôle, et ils ont mis une lourde charge sur ses épaules, comme si c’était à elle de réparer leurs erreurs. Je ne me suis pas du tout attachée aux personnages de ses parents, qui sont encore plus naïfs qu’elle.

La force de ce livre, c’est justement son récit, et à mon avis, le fait qu’on soit plongé dans le passé. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé le fait qu’on découvre le passé de Rose et ce qu’il s’est produit pendant cette période. Non seulement cela nous permet de voir Billy en vie, mais en plus, cela nous permet de comprendre le drame a pu arriver. Et on en arrive alors à évoquer le personnage de Gareth, dont le roman tourne aussi autour. En effet, Gareth est celui dont Rose va tomber amoureuse, et il est beaucoup plus vieux qu’elle. Déjà, cette romance part donc mal, mais en plus, au fil du temps, on s’aperçoit que Gareth fait tout pour manipuler Rose. Il devient donc le méchant de l’histoire, le pervers narcissique dont Rose ne parvient pas à se détacher, car elle est folle de lui, et elle ne s’aperçoit pas à quel point leur relation est malsaine. Même si elle a dix-huit ans, Rose est encore novice des choses de l’amour, et si elle rêve au prince charmant, et que Gareth fait tout pour ressembler à cette image, cela finit par se craqueler. Et c’est donc tout ce qui est intéressant dans cette histoire, car on découvre toute leur romance, leur rencontre aussi, et on voit alors comment il est aisé de tomber sous la coupe d’un pervers narcissique. Gareth plaît à Rose, il la séduit, il se montre gentil, avant de lui couper les liens avec ses amis, avec sa famille aussi, et il entre dans sa vie complètement, la contrôlant totalement. Son personnage est effrayant par sa froideur, par son manque d’empathie, et dans le présent, on a vraiment envie que ce soit lui, le tueur de Billy. D’ailleurs, c’est bien de le voir dans le présent, car cela permet de s’apercevoir que même derrière les barreaux, il exerce toujours une pression sur Rose, dont elle ne parvient pas à se défaire. Cela permet alors de comprendre que malgré la meilleure volonté du monde, un pervers narcissique a toujours une emprise sur ses victimes, surtout lorsqu’il continue de jouer avec. et Rose est totalement sous sa coupe, même si cette fois cela se limite à de la peur. Il lui fait, et elle le comprend aussi, il lui fera toujours peur. Mais justement, et c’est ça qui va être agréable avec Rose, c’est de voir comment elle va surmonter cette peur pour obtenir la vérité. Le personnage de Gareth est donc très riche, et il fait la raison du pourquoi il faut lire ce roman.

Pour commencer, Gareth se trouvait ici, dans sa maison, il était en train de discuter avec son père… Et voilà que celui-ci l’encourageait à sortir avec lui. on pouvait dire que Gareth était rusé.

Sans doute aurait-elle dû se réjouir de l’occasion, mais elle redoutait fort que son père ne soit le dindon de la farce. Il avait assez souffert à ratisser la région en quête d’un travail et maintenant.. Eh bien, il semblait si optimiste ! Il n’avait pas semblé aussi enthousiasme depuis une éternité.

Pourquoi Gareth ne l’avait-il pas avertie de cette visite ?

Ray toussota.

– Alors qu’est-ce que tu en dis, Rose ? Es-tu d’accord pour faire visiter l’église à Gareth vendredi ?

– Oui, répondit-elle avec un petit sourire. C’est une bonne idée, papa. J’en serais ravie.

En fait, avec tout ce que je viens de dire jusqu’ici, on a peu tendance à oublier que nous sommes dans un roman policier, et que le but du récit, c’est de comprendre qui a tué Billy. En fait, on oscille entre le passé et le présent, et ce qu’on apprend sur la passé nous donne le sentiment que Gareth ne peut être que coupable. Or, Rose découvre des preuves qui font peut-être peser la balance vers un autre côté. et tout l’enjeu de l’histoire, c’est aussi ça. Comme je l’ai dit avec le personnage de Ronnie, on s’intéresse à lui, et Rose rouvre l’enquête. Peut-être que Gareth est donc non coupable, et cela changerait beaucoup de choses, car cela voudrait dire que non seulement, il est emprisonné à tord, mais qu’en plus, cela permettrait de le libérer. et que le tueur court toujours. On en arrive alors à une question morale : Rose doit-elle dire ce qu’elle sait à la police ? Doit-elle vraiment rouvrir cette enquête de manière officielle ? Et est-elle prête à en accepter les conséquences ? Ce sont toutes ces questions qui finissent par se poser, et c’est ce que j’ai trouvé d’intéressant. On est là sur un coupable idéal, peut-être trop, et on veut le voir condamné, non libéré, mais est-ce que cela en fait un tueur ? J’ai trouvé toutes ces questions assez originales, et c’est aussi cela qui m’a séduit dans cette histoire.

Malheureusement, elle s’était efforcée de voir le bien chez Gareth Farnham pendant bien trop longtemps.

Il s’était ensuivi qu’elle ne contrôlait plus sa vie. Certains évoqueraient aussi un lavage de cerveau. Peut-être que l’agression si brutale de sa meilleure amie en était également une conséquence… Saurait-elle jamais la vérité ?

Rose secoua la tête et considéra le placard.

De façon régulière, les sacs s’amoncelaient en si grand nombre que Stella devait faire du ménage. Peut-être que c’était le cas, et qu’elle arrivait trop tard.

Bien qu’elle ne croie plus un traître mot de ce que disait Gareth Farnham, si elle ne fouillait pas dans ce sac, elle se demanderait toujours s’il était innocent. Elle approcha la main de la poignée.

Voulait-elle savoir ? Au fond, qu’est-ce que cela changerait ?

En ce qui concerne l’écriture, le roman se lit bien, les chapitres sont assez courts, et on a une vraie démarcation entre le présent et le passé. Ainsi, toutes les scènes au présent sont écrites à la première personne, du point de vue de Rose, sauf celles ù elle est en présence de Gareth, ce qui permet alors d’introduire une distance entre elle et lui, et entre elle et nous. On bascule alors sur un point de vue extérieur, et cela permet aussi de décortiquer les expressions de Rose, et non plus ce qu’elle pense seulement. Les scènes dans le passés sont elles aussi du point de vue externe, ce qui permet de différencier la Rose adulte de celle qu’elle était adolescente. J’ai trouvé que c’était une bonne idée, et cela permet bien de montrer la distance entre la Rose d’aujourd’hui et celle d’hier, qui ne fait que se souvenir de ce qui est arrivé, mais aussi des autres actions qui peuvent être anecdotiques, mais en vérité essentielles. Le rythme est bien construit, on se fait notre propre opinion sur cette histoire, sur Gareth aussi. Le seul point négatif pour moi, c’est la traduction. Rose travaille dans une bibliothèque, et c’est parfois traduit par librairie, ce qui est un travail totalement différent. Ce qui est intéressant aussi, c’est justement qu’on évoque le rôle des bibliothèques de l’autre côté de la Manche, et à quel point elles sont sur le fil avec les restrictions budgétaires. J’ai trouvé ça bien d’en parler. Le suspens est aussi bien mené, on ignore jusqu’à la fin si Gareth est ou non le tueur, et j’ai beaucoup aimé la tension qui monte peu à peu, surtout avec le fait que Rose soit suivie. C’est très bien mené, car on ne sait vraiment que jusqu’à la fin si elle hallucine ou non, et si elle a raison d’avoir peur.

En résumé, ce roman se lit bien et j’ai beaucoup aimé la psychologie qui est évoquée dedans avec le duo Rose/Gareth. On a vraiment envie de frapper ce dernier, de l’éloigner de la Rose adolescente, mais aussi de la Rose adulte. Les deux personnages sont bien construits et grâce à eux, on voit comment fonctionne un pervers narcissique et comment il parvient à détruire sa victime. On a aussi de jolies questions de morales avec la découverte de nouvelles preuves qui pourraient changer toute l’enquête et le procès de la mort de Billy. Je me suis facilement attachée au personnage de Rose, qui est assez émouvant. C’est donc une lecture que je conseille, malgré quelques petits défauts au niveau de la traduction. C’est une bonne lecture, avec un aspect original pour traiter une cold-case.

Et vous ?

Cela vous arrive-t-il de détester un personnage ?

Dans ces cas-là, souhaitez-vous qu’il soit condamné par les autres ?

Ou acceptez-vous qu’il puisse être innocent, et donc libre ?

Quels sont les thèmes que vous aimez retrouver dans les romans policiers ?

Bon dimanche à tous 🙂

Une réflexion au sujet de « Sous mes yeux »

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