Bonjour tout le monde. J’espère que vous allez bien. Alors, cette première semaine de rentrée scolaire, ça a été ? Vous n’êtes pas trop fatigués, pas déjà déprimés ? Pour ma part, je suis contente, j’ai enfin eu des nouvelles du rectorat qui m’a proposé un poste de professeur de philosophie. La mauvaise nouvelle, c’est qu’ils ne me répondent plus maintenant, si bien que je ne sais pas si j’ai vraiment le poste ou non. Ils doivent être débordés avec cette rentrée. Je croise donc les doigts, même si le poste proposé se trouve tout de même à plus de 60 kilomètres de chez moi, sans aucun transport en commun.
Pour fêter cette rentrée, j’ai décidé de vous emmené au Japon, tout en faisant un petit détour par Toulouse. C’est assez drôle d’ailleurs, car en lisant le roman dont je vais vous parler, je regardais aussi Pékin Express. Pour ceux qui ne suivaient pas cette nouvelle saison, la finale avait lieu au Japon, à Tokyo précisément. Cela permet de mettre des images sur les mots. Ce roman s’intitule Et il neigeait sur Tokyo et il a été écrit par Roger Raynal. Il est sorti le 3 juillet aux éditions de La Rémanence. Je remercie la plateforme NetGalley de me l’avoir proposé en service presse. Il s’agit d’une romance dont voici le résumé :
Au début des années 90, à Toulouse, un étudiant en sciences amoureux des mots rencontre Satoko. Elle est venue étudier, pour un seul semestre, la littérature française. Peu à peu, en dépit de leur différence de culture, les jeunes gens se découvrent, puis s’aiment. Dans ces beaux instants rythmés par les œuvres qui les enchantent et les rapprochent, chacun préfère ignorer le bruit du temps : Satoko devra bientôt rentrer. Sauf si…
Dans cette histoire, nous suivons donc un jeune homme, le narrateur, étudiant en sciences à Toulouse dans les années 90. Un soir, en rentrant chez lui, il rencontre une étudiante japonaise venue étudier à Toulouse. Il tombe presque immédiatement sous son charme. Il faut dire que Satoko a la même vision de la France que lui, celle d’un pays romantique où ont vécus de grands auteurs. Tous les deux passionnés par les beaux mots, par la poésie, ils vont s’apprivoiser pendant le temps qui leur est donné. Notre narrateur va de plus en plus tomber amoureux de Satoko, mais aussi de sa culture. Il va ainsi en apprendre les us et les coutumes, comme la cérémonie du thé, et de nombreux haïkus, des poèmes japonais. Mais voilà, Satoko n’est là que pour un semestre, et ce n’est pas certain que notre héro la laisse repartir dans son pays d’origine sans se battre, sans lui demander de l’emmener avec lui.
Je vais d’abord commencer cette chronique par vous parler de ce que j’ai aimé dans ce roman. Alors, j’ai adoré visiter les différents lieux que nos personnages découvrent ou font découvrir à l’autre. Moi qui ne connait pas du tout Toulouse, j’ai pris beaucoup de plaisir à marcher dans cette ville avec Satoko et le narrateur. Cela m’a donné envie de marcher dans leurs pas, de moi aussi visiter cette belle ville. C’est la même chose avec le Japon, lorsqu’ils s’y rendent tous les deux. On n’a qu’une envie, c’est de les accompagner dans les rues de Tokyo, de voir ce qu’eux deux voient. Les descriptions de l’auteur sont très bien détaillées, on a l’impression d’y être. Elles font susciter l’envie de voir par nos propres yeux ce qui est décrits. C’est un peu ce qu’il se passe aussi avec tous les ouvrages cités dans ce roman. En effet, que ce soit le narrateur ou Satoko, ils ont tous les deux une très grande culture générale, capable de citer des auteurs japonais et français. Je suis assez admirative de cela et du travail que ça a demandé à l’auteur. Pour ma part, cela m’a donné envie de découvrir ces auteurs cités, tout comme j’ai le souhait de visiter Toulouse ou Tokyo. Dans ce roman, il y a aussi toute une réflexion sur le temps qui passe, sur le présent et le fait qu’on n’en profite jamais assez. J’ai beaucoup aimé cela. Ça apporte un peu de philosophie agréable à lire. Pour moi, ça fait partie des points forts du livre.
Pour l’heure, je ne me lassais pas de contempler la vue qui s’étalait devant moi. Jusqu’à l’horizon, une succession d’immeubles blancs et gris emplissaient l’espace alors que les façades vitrées des building tout proches, par un jeu de miroir hallucinant, se reflétant l’une dans l’autre en un chatoiement perpétuel. Les rues, m’apparaissaient minuscules, disparaissaient entre l’amoncellement des immeubles, et si ce n’avait été la verdure naissante des arbres qui les bordaient, elles auraient été presque invisibles à ma vue. Pour moi qui n’avais jamais quitté Toulouse, cette étendue urbaine avait une magnitude et une étrangeté radicale, et je me remémorai les routes et le foisonnement des échangeurs que nous avions suivis pour parvenir à l’hôtel, traversant un univers de basses maisons grises qui, dans une toute autre partie du monde, eussent semblé déprimantes, mais qui ici prenaient l’apparence d’une calme mer de béton que fendait nonchalamment le flot automobile. Peut-être cette impression était-elle liée à leur ordonnancement géométrique, ou à leur uniformité stylistique, je ne sais. Au bas de mon hôtel passait une avenue à huit voies, plus large qu’une autoroute, traversée par de longs passages piétons. Il n’y avait pas, comme je le pensais naïvement, de foule compacte, la masse des habitants étant comme diluée par l’immensité de la ville. Sous le couvert des arbres, j’apercevais le ballets des petits rectangles blancs qui correspondaient aux toits des bus. Ca et là, des parallélépipèdes déterminés émergeaient de la surface urbaine, comme des récifs sur l’océan des habitations, alors que loin, tout au fond, un mince liseré sombre désignait les limites, presque imperceptibles, de cet empire qu’était Tokyo.
je vais à présent vous parler des deux personnages principaux, soit du narrateur et de Satoko. Le mieux qu’on puisse dire, c’est que j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à eux. Le narrateur a une manière de parler assez désuète, et je pense que cela m’a empêché de m’attacher à lui, de me retrouver dans son personnage. C’est quelqu’un de solitaire, qui donne tout à ses études, jusqu’à l’arrivée de Satoko. Je pense que d’autres personnes peuvent se retrouver en lui, mais ce ne fut pas mon cas. Et il a par moment des réflexions qui m’ont dérangée. En fait, le narrateur représente une certaine population avec qui j’ai du mal. Sans vouloir faire de la politique ici, le narrateur est quelqu’un qui porte haut les valeurs de la culture, mais une culture qui ne doit pas évoluer. Ainsi, il voit d’un mauvais œil le changement de langue, de manière de parler, ainsi que les différentes mixités de la population. Pour lui, rien ne devrait changer, et on devrait encore parler comme on le faisait au 18e siècle. Je trouve cela assez perturbant et c’est pourquoi j’ai eu du mal avec lui. Ainsi, j’avais envie de le secouer, de lui donner une paire de claque et lui montrer que le changement est dans l’ordre des choses. Que le temps n’est pas figé.
- Je parle le français que l’on m’a enseigné, mais vous, qui avez appris la langue telle qu’on la parle aujourd’hui, pourquoi conservez-vous cette affection, cette sorte de préciosité qui doit vous gêner pour vous faire comprendre, pourquoi voulez-vous à tout prix vous exprimez selon un mode suranné qui nuit, je l’imagine sans peine, à vos relations avec votre entourage ?
- Je crois, Satoko, que des pensées et des impressions délicates et nuancées doivent s’exprimer avec un langage qui possède lui aussi ces mêmes propriétés. Je n’ai pas honte de vous dire que je suis extrêmement sensible, et que pour exprimer les nuances de ce que l’on ressent, il est nécessaire, voire indispensable, d’utiliser un langage lui aussi riche et nuancé. Ce n’est pas pour rien que le français fut, longtemps, la langue des diplomates !
- Mais cela ne vous isole pas trop ?$relativement, mais cela me permet aussi de rencontrer des personnes de qualité comme vous. Pour le reste, je ne saurais mieux dire que Beaudelaire, dans sa préface des Fleurs du Mal : l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multiples, mais aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à perler le patois incomparable de ce siècle.
Avec Satoko, j’ai eu plus de mal au moment de son retour chez elle. On découvre en effet une autre facette de son personnage. Alors qu’elle avait tout de la jeune femme fragile et perdue à Toulouse, elle se révèle manipulatrice et orgueilleuse au Japon. Même si on en apprend plus sur elle et son histoire à Tokyo, les raisons qui l’ont poussées à devenir ce qu’elle est, une sorte de barrière s’est mise entre elle et moi, ce qui fait que j’ai de moins en moins apprécié son personnage. C’est quelqu’un de finalement assez malheureux. A Toulouse, elle ne trouve pas sa place, perdue dans un pays qu’elle avait imaginé grandiose et qui la déçoit à chaque instant. Et au Japon, elle donne l’impression d’être en représentation. C’est un personnage avec beaucoup de failles, et c’est compliqué de savoir lesquelles vont éclater, la faire basculer, ou sur lesquelles elle s’appuie aussi, pour en jouer. Le fait qu’elle soit d’une famille aisée, qui lui donne tout ce qu’elle veut, n’aide sans doute pas. Satoko aime son train de vie. La fin, la manière dont elle traite le narrateur, a fini par m’énerver. Cela ne fait malheureusement pas de Satoko un personnage très sympathique. Par contre, j’ai eu un vrai coup de cœur pour son arrière-grand-mère, qui elle est géniale ! J’ai adoré son côté décalé, avant-gardiste, rebelle. J’aurais peut-être aimé qu’on s’attarde plus sur elle. Elle a su me faire rire.
Elle avait insisté pour que je me change avant de partir, visitant méthodiquement ma mince garde-robe pour y choisir la moins mauvaise des combinaisons. Elle-même portait un ensemble chiné donc je pouvais aisément deviner qu’il provenait d’un grand couturier, ce qui ne laissait pas de me confirmer que l’écart entre nous n’était pas seulement géographique, mais aussi social. Elle avait troqué ses habituelles ballerines pour de fines chaussures à talon, rehaussant ainsi ses jambes, son élégance n’en ressortant que davantage à côté de mon aspect somme toute quelconque. Étions-nous réellement compatibles ? Jusqu’à quel point m’étais-je épris d’une situation plutôt que d’une personne ?
Je vais à présent vous parler de l’écriture de ce roman. Je ne vais pas vous le cacher, cela fait un moment que j’en avais commencé la lecture. Seulement, je l’avais mise de côté car j’avais beaucoup de mal à rentrer dedans. En fait, je n’étais pas certaine de la poursuivre, de ne pas abandonner ce livre. Comme je n’aime pas faire ça, d’autant plus que c’est un service presse, je me suis forcée à continuer. Je ne regrette pas, car l’histoire est tout de même intéressante. Cependant, je pense que j’ai failli abandonner notamment à cause du style d’écriture de l’auteur. Je ne dirais pas que c’est mal écrit, car c’est tout le contraire. En fait, je dirais que c’est trop bien écrit. Puisque c’est le narrateur qui raconte, et qu’il a un phrasé assez désuet, daté, ça se ressent quand on lit le texte, lorsque nous sommes dans ses pensées. De ce fait, le roman ressemble au personnage, et c’est super, mais moi, cela ne m’a pas convaincue. Même si je salue la prouesse de l’auteur, ce n’est pas une manière de raconter qui me plais. Et ce que je n’ai vraiment pas aimé, c’est que le narrateur raconte toute cette histoire au passé. Ce n’est pas le temps employé qui est un problème, mais le fait que le narrateur sache déjà comment cette histoire va finir. Il fait plusieurs allusions à cette romance qu’il vit de manière tragique. Or, j’ai du mal avec le fait qu’on comprenne dès le début comment l’histoire va se terminer. Cela enlève tout suspens, et ternit même l’histoire, surtout si c’est une romance. Je n’ai donc vraiment pas accroché avec la manière dont est racontée cette histoire. J’ai trouvé ce style trop pompeux.
Vous l’avez donc compris, malheureusement cette histoire ne m’a pas beaucoup plu. Je dirais même que c’est une déception. Pourtant, il y a des choses bonnes dans cette histoire. Je retiendrais les descriptions, qui sont magnifiques, toutes les citations, qui m’ont donné envie de me plonger dans de la littérature plus classique, et cette romance tragique, vouée dès le début à l’échec. Et aussi toute la réflexion philosophique sur le temps, et le choc des cultures entre nos personnages. C’est ce que j’ai aimé dans cette histoire. Cependant, le reste m’a moins plu. On ne peut aimer toutes nos lectures. Toutefois, si vous aimez le Japon, c’est un roman que je vous conseille. Je pense qu’on y découvre avec fidélité la vie japonaise, ou du moins celle qu’elle était dans les années 90. Si vous aimez aussi les bons mots, ce livre est pour vous.
Et vous ?
Cela vous arrive-t-il d’avoir envie d’abandonner un livre ?
Qu’est-ce qui peut motiver votre choix ?
Qu’est-ce qui peut vous déranger dans un roman ?
Bon dimanche à tous 🙂
2 réflexions au sujet de « Et il neigeait sur le Japon »