Bonjour les amis. J’espère que vous allez tous bien. Allez, courage, c’est bientôt le weekend, vous allez tous pouvoir lire, écrire, vous reposer. Cela va sans doute être génial, d’autant plus si le beau temps se maintient. Ça fait du bien, enfin un peu de chaleur et de soleil. En plus, certains sont enfin en vacances, ce qui est d’autant plus appréciable. En ce qui me concerne, je suis en train de récupérer mon retard dans mes chroniques. En effet, avec la semaine à lire de la semaine dernière, dont vous pouvez retrouver mon bilan ici, j’ai lu pas mal de livres que je dois maintenant chroniquer. Alors, je rattrape aujourd’hui ce fameux retard avec le roman policier La Fille du Roi des Marais, écrit par Karen Dionne et publié chez les éditions J.C. Lattès. Le roman est sorti en librairie le 7 mars 2018. Je remercie le site NetGalley, ainsi que les éditions J.C Lattès pour cette lecture. Voici son résumé :
Enfin, Helena a la vie qu’elle mérite ! Un mari aimant, deux ravissantes petites filles, un travail qui occupe ses journées. Mais quand un détenu s’évade d’une prison de sa région, elle mesure son erreur : comment a-t-elle pu croire qu’elle pourrait tirer un trait sur son douloureux passé ?
Car Helena a un secret : elle est l’enfant du viol. Sa mère, kidnappée adolescente, a été retenue prisonnière dans une cabane cachée au fond des marais du Michigan, sans électricité, sans chauffage, sans eau courante. Née deux ans plus tard, Helena aimait cette enfance de sauvageonne. Et même si son père était parfois brutal, elle l’aimait aussi… jusqu’à ce qu’elle découvre toute sa cruauté.
Vingt ans après, elle a enfoui ses souvenirs si profondément que même son mari ignore la vérité. Mais aujourd’hui son père a tué deux gardiens de prison et s’est volatilisé dans les marais, une zone qu’il connaît mieux que personne. Malgré la chasse à l’homme lancée par les autorités, Helena sait que la police n’a aucune chance de l’arrêter. Parce qu’elle a été son élève, la seule personne capable de retrouver cet expert en survie, que la presse a surnommé Le Roi des Marais, c’est sa fille.
Dans cette histoire, nous suivons donc Helena, jeune maman de deux petites filles, confectionneuse de confitures, épouse aimante et chasseuse hors pair. Elle pense avoir une vie de rêve, avec un parfait équilibre entre sa famille et la liberté qu’elle souhaite, dont elle a parfois besoin. Mais voilà, un jour, elle apprend qu’un détenu s’est évadé de la prison locale en tuant deux gardes. Et ce prisonnier, ce n’est pas n’importe qui : c’est son père, l’homme qui a enlevé sa mère alors qu’elle n’avait que seize ans et qui l’a violée pendant des années. De leur union est arrivée Helena, enfant sauvage, qui n’a connu que le marais dans lequel ils étaient tous prisonniers, vivant alors aux rythmes des saisons de ce coin perdu non loin de la frontière canadienne, dans un lieu oublié des hommes, dans une cabane en bois vétuste. Seulement, Helena a un jour désobéi à son père, qu’elle vénérait, ce qui a conduit à leur sauvetage et à la mise en prison de ce dernier. Aujourd’hui, alors qu’elle s’est refait une vie, qu’elle a mis derrière elle son enfance dans le marais, Helena comprend que son passé vient lui demander des comptes. Et surtout, qu’elle est la seule à pouvoir retrouver et arrêter son père. Formée par lui à la chasse et la traque, elle seule peut le retrouver. Il ne reste plus qu’à se mettre en route, et être certaine de l’issue dont cette histoire va se terminer.
Helena part donc chercher son père, l’homme qu’elle aimait étant enfant, mais qui a fait beaucoup de mal autour de lui, à commencer par la mère de la jeune femme. Cette chasse, qui dure pendant tout le roman, est alors propice à la jeune femme pour faire remonter ses souvenirs. Elle les a en effet enfoui tout au fond d’elle-même lorsqu’elle a changé de nom et s’est forgée une nouvelle identité. Elle se rend alors compte qu’il est bien plus difficile qu’elle ne le pensait d’échapper à ce passé. Toute la chasse est propice pour faire remonter ses souvenirs. La moindre chose est sujette au souvenir. On découvre alors la vie qu’a été celle d’Helena dans le marais, une vie qui pour elle était normale, puisqu’elle ne connaissait que cela. Esseulée dans ce marais avec son père, homme brutal, mais qui semblait l’aimer, avec sa mère quasiment insignifiante, Helena vit comme les Indiens d’autrefois, en pêchant, chassant, en tuant aussi. Du monde extérieur, elle ne connaît que les avions, qui survolent parfois leur îlot, et ce qu’elle lit du National Geographic, magazine présent dans leur maison, mais qui date de la guerre froide. On découvre alors une enfant totalement dévouée à son père, qui le suit partout, prête à faire n’importe quoi pour lui, et qui n’a presque pas de liens avec sa mère, réduite à faire la cuisine et laver les vêtements. Helena est une enfant libre, du moins, c’est ce qu’elle croit. On apprend aussi la manière dont le retour à la civilisation va être compliqué pour cette enfant sauvage, qui perd alors tous ses repères. Elle qui pensait que ce retour, cette découverte du monde moderne, serait simple, se confronte à l’avidité et la curiosité malsaine des gens. On ne peut alors que s’attacher au personnage d’Helena, jeune fille perdue dans le monde moderne, qui a fait voler d’elle-même son monde parfait, où son père n’était pas un monstre – de son point de vue – pour se retrouver utilisée contre lui et lâchée comme une bête de foire ensuite. En fait, j’ai adoré le personnage d’Helena, que ce soit quand elle est enfant ou adulte. J’ai apprécié sa personnalité, sa vision du monde, son besoin de retrouver son père par elle-même. Helena est restée libre dans sa tête, non formatée par la société. J’ai aimé son non-conformisme. Certes, cela peut paraître étrange qu’elle veuille retrouver son père, alors qu’elle avait tiré un trait sur son passé, mais cela s’explique par le lien qu’elle a avec lui.
Avant que les médias ne m’oublient et que ma photo disparaisse des journaux à sensation dans les grandes surfaces, les gens me demandaient ce qui m’avait le plus étonnée/émerveillée/ébahie quand j’avais retrouvé la civilisation. Comme si leur monde était tellement mieux que le mien. Ou qu’il était effectivement plus « civilisé ». Quel mot absurde pour décrire ce nouveau territoire dans lequel je me suis retrouvée à douze ans. Pour moi je n’y ai vu que guerres, pollutions, avidité et concupiscence, crimes, famines, haines raciales, violences ethniques. Et ce n’est que le début de la liste ! Qu’est-ce qui avait été le plus surprenant ? Internet ? (Une terra incognita.) Les fast-foods ? (Ça, j’ai vite adopté.) Les avions ? (Sérieux ? J’avais un bon aperçu des technologies des années 50. Ces gens pensaient donc qu’aucun avion ne passait dans le ciel au-dessus de chez nous ? Ou qu’on se disait que c’étaient des oiseaux géants en métal ?) Les voyages dans l’espace ? (Je reconnais que j’ai encore du mal à me faire à l’idée que douze hommes ont marché sur la lune, même si j’ai vu des images depuis.)
J’avais toujours envie de leur retourner la question. Et eux, ils pouvaient me dire la différence entre une herbe, un jonc, une laîche ? Savaient-ils quelle plante était comestible et comment les cuisiner ? Et tuer un cerf, toucher le petit triangle, juste en arrière de la patte avant pour qu’il tombe net, pour ne pas à suivre sa piste toute la journée ? Et poser un collet, ils savaient ? Et dépecer, vider un lapin une fois qu’on l’a attrapé ? Et le rôtir ? Ils auraient su le faire griller à la broche au-dessus des flammes, pour qu’il soit cuit à cœur et délicieusement croquant tout autour ? Pour ça, encore aurait-il fallu qu’il sache faire un feu sans allumettes !
Les souvenirs d’Helena, reconstitués tout au long du roman, permettent alors de saisir tout l’aspect de sa vie dans les marais. Comme dit plus haut, elle n’avait comme point de repère que sa vie là-bas, avec son père et sa mère. Elle ne pouvait donc pas deviner que sa famille était dysfonctionnelle. De plus, elle vivait bercée par les récits de son père sur la vie Indienne. Elle n’avait donc aucun moyen pour remettre en cause ses dires. Même les rares magazines qu’elle possédait ne pouvaient lui dire ce qu’était une famille normale. Elle pensait donc que la sienne était normale, même lorsque son père battait sa mère pour une broutille ou lorsqu’elle-même se faisait battre ou enfermer dans le puits au fond du jardin pour désobéissance. Elle reconnait même, à l’âge adulte, que le traitement de son père la formée, la rendu à la fois courageuse et lui a montré les limites de son corps. Elle voit donc du positif dans son éducation, bien qu’elle refuse de tout reproduire avec ses propres enfants. Lorsqu’elle était enfant, son père était son héros, son modèle. Elle faisait tout comme lui. Il était d’ailleurs le seul à lui montrer de l’attention, de l’amour, sa mère étant beaucoup effacée, réduite au range d’esclave. Helena elle se voyait comme son père, une chasseuse Indienne. Ce n’est que plus tard qu’elle a compris qui il était vraiment. J’ai aimé ce moment, celui où elle sort de son admiration béate pour se poser des questions sur lui, sur leur manière de vivre. En même temps, son père lui a appris à penser par elle-même, alors il n’a fait que lui donner des armes pour le battre. En désirant en faire presque son égal, ce qu’elle attendait, il lui a donné la force de se rebeller contre lui. Il l’a rendue courageuse, donc apte à refuser ses ordres, même en sachant ce qu’elle risquait comme punition ensuite. De ce fait, lorsqu’elle apprend qu’il s’est sauvé, Helena retrouve cette enfant qu’elle a été et refuse de faire du mal à ce père qu’elle a aimé de toutes ses forces. C’est pour cela qu’elle se met elle-même à sa poursuite, même si cela peut détruire sa propre famille et la mettre en danger. Elle ne peut pas supporter que ce soient des inconnus qui l’attrapent, qui le tuent. Elle veut mettre un point final à sa propre histoire, une dernière fois. Les souvenirs d’Helena avec son père sont alors touchants, même si l’on devine derrière cela la part sombre qu’ils contiennent. On sent que, malgré tout, elle a eu une enfance heureuse, même si la situation était étrange. On comprend aussi pourquoi elle aime son père, même si cela n’est pas raisonnable, pas après ce qu’elle a découvert sur lui. Et l’on apprend que même un monstre peut être aimé, surtout si c’est lui qui a façonné celle qui lui est dévouée. Évidemment, le personnage du père n’est que détestable, mais j’ai trouvé cela original de nous le présenter aussi sous un beau jour. Cela ne fait que renforcer le personnage d’Helena et sa bonté, quoi que certains nommeraient naïveté.
Mon premier véritable souvenir remonte à mon cinquième anniversaire. À cet âge, j’étais la copie conforme de ma mère, en un mètre de haut, plus potelée, et brune. Mon père aimait les cheveux longs, alors les miens n’avaient jamais été coupés. Ils me descendaient jusqu’à la taille. La plupart du temps, je les avais en nattes ou rassemblés en queue-de-cheval. Mes vêtements préférés étaient une salopette et une chemise en laine rouge, qui ressemblait à celle de mon père. Mon autre chemise était verte. Mes chaussures de cuir étaient identiques à celles de mon père, sans les bouts renforcés en acier, évidemment. Quand je portais ces habits, j’avais l’impression qu’un jour je deviendrais exactement comme lui. J’imitais ses manières, sa façon de parler,sa démarche. Ce n’était pas de l’adoration, mais c’était pas si loin de ça. J’étais totalement, absolument, aveuglement amoureuse de mon père.
La chasse que mène Helena dans le présent pour retrouver son père est assez haletante. Bien qu’entrecoupée de ses souvenirs, le rythme est tout de même présent. On n’a qu’une hâte, celle de savoir comment vont se passer les retrouvailles entre le père et la fille, et comment va terminer leur face-à-face. De plus, l’autrice parvient à rajouter du suspens en mettant la pression sur la famille de la jeune femme, suspens auquel on s’attend évidemment, mais qui fonctionne tout de même. L’écriture du texte est alors fluide, on éprouve en même temps qu’Helena toutes les émotions qu’elle ressent, si bien qu’on est en apnée avec elle, surtout lorsque les cadavres commencent à jalonner son chemin. J’avoue avoir craint pour sa vie à de nombreuses reprises, comme pour celle de son chien. En grande amie des bêtes, je déteste qu’on fasse du mal aux animaux, surtout de manière gratuite. Ainsi, la peur pour Helena et ses proches est bien présente, ce qui fait qu’on a beaucoup de mal à lâcher ce roman, et que les chapitres se tournent presque tous seuls. Les descriptions des endroits qu’elle traverse pendant cette traque sont bien faites, mais c’est aussi le cas pour les scènes du passé. On se croirait avec elle dans cette région des USA, en train de vivre dans le marais ou de poursuivre son père. Personnellement, j’ai beaucoup aimé la narration de l’autrice, son style d’écriture.
Je me gare. À l’exception du crachouillis de parasite émanant de la radio, les bois sont silencieux. Je décroche la carabine Ruger de son support au-dessus de la vitre et prends le Magnum dans la boîte à gants. Je scrute les alentours à la recherche du moindre mouvement, puis je m’accroupis pour étudier les empreintes. Un seul jeu. Un homme, vu la taille des chaussures. Pesant dans les quatre-vingt-dix kilos à en juger la profondeur des empreintes. Et à voir la distance entre chaque pas, il avance avec précaution.
Je suis les traces jusqu’à leur disparition dans les herbes. Des fougères cassées, des mottes écrasées. Le policier s’est mis à courir. J’étudie longuement la piste et j’en viens à la conclusion que le policier se dirigeait vers quelque chose, quelque chose qu’il voulait inspecter. Il ne fuyait pas. Au contraire. Il était motivé.
Je passe la Ruger en bandoulière et brandis le Magnum, le tenant à deux mains. J’avance quasiment sans bruit, merci mes mocassins de chasse que je porte toujours quand je vais dans les bois. Encore une leçon précieuse de mon père.
La piste mène vers un bois de bouleaux et de peupliers surplombant un ravin. Je m’approche du bord. Tout en bas, il y a un cadavre.
Ce roman, en plus de se découper en deux parties qui sont la phase dans le passé d’Helena et celle dans le présent, est aussi agrémenté d’extrait du conte d’Andersen nommé La Fille du Roi des Marais, conte qui donne son titre au roman, mais aussi à l’affaire d’Helena, qui est surnommée la fille du roi des marais. Alors, je pense que pour certains lecteurs, ce découpage peut paraître étrange, car presque chaque chapitre commence par un extrait du conte, puis un moment dans le présent, avant d’embrayer dans le passé, ou inversement. Il est parfois compliqué de savoir si l’on est dans le passé ou le présent d’Helena, et où on en est dans le moment du conte. Cependant, moi cela ne m’a pas gêné. J’ai même trouvé que les trois se complétaient parfaitement. Nous avons même, vers la fin du récit, l’explication sur la raison du conte, et le passé et le présent se rejoignent pour ne former plus qu’une ligne temporelle. En fait, tous ces éléments sont mis au service du présent d’Helena, au service de sa traque et de sa survie. J’ai beaucoup aimé cette manière de faire, de reconstituer peu à peu les événements, l’histoire du conte, pour enfin comprendre tout ce qui va se jouer dans la dernière partie de l’histoire. J’ai trouvé cela assez original, et cela contribue au fait qu’on n’arrive pas à lâcher ce roman, que j’ai dévoré.
En résumé, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette histoire. Elle est assez étonnante, puisqu’on ne suit pas une enquête policière, mais bien une chasse à l’homme. J’ai aimé qu’on en sache plus sur ce dernier via les souvenirs de sa fille, qui l’aimait et le considérait comme un héros. J’ai aussi apprécié l’évolution d’Helena, qui commence à se poser des questions sur son père, sa cruauté, jusqu’à le défier. Je me suis beaucoup attachée à elle, qu’elle soit enfant ou adulte. C’est un personnage que j’ai aimé suivre. Le fait que le roman soit découpé étrangement, entre le passé d’Helena et son présent, plus le conte d’Andersen, ne m’a pas dérangé. Cela contribue à faire l’originalité de cette histoire. Cependant, je peux comprendre si cela en dérangeait certains, car il fait être attentif pour ne pas se perdre dans ce récit. C’est donc un roman que je conseille vivement si vous aimez les histoires policières, les thrillers. Tous les ingrédients sont là pour vous happer. Bien que ce ne soit pas un coup de cœur, on n’est pas passé loin, et cette histoire est vraiment agréable à lire et c’était une très bonne lecture.
Et vous ?
Qu’aimez-vous dans un thriller ?
Cela vous dérange-t-il que les événements ne soient pas racontés de manière chronologiques ?
Le suspens est-il essentiel à vos yeux ?
Bon vendredi à tous 🙂
Ta chronique est vraiment très intéressante et elle donne envie de se pencher sur ce roman ! Perso oui je trouve que le suspens, c’est important 🙂 Sans ça, je ne vois pas comment on peut vraiment s’intéresser au livre. Puis le découpage non chronologique ne me gêne pas s’il est correctement situé 🙂
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