Bonjour tout le monde. Me revoilà aujourd’hui, en ce jour pluvieux, pour notre rendez-vous habituel du dimanche. Je vous propose aujourd’hui une nouvelle chronique littéraire, sur un roman qui m’a un peu divisée. Il s’agit d’un roman qui m’a inspiré mon article sur Abandonner un livre ? En effet, ce roman, j’ai bien failli le mettre de côté. Il a fallu que je m’accroche pour continuer à le lire, pour vous proposer cette chronique. Et j’ai bien fais, puisque finalement, passé un gros quart du roman, voir presque la moitié, ce dernier s’est mis à me plaire. Ce roman ne sera donc pas un coup de cœur, c’est certain, mais j’ai pris un peu de plaisir à le lire, à me pencher dans son histoire.
Ce roman dont je vais vous parler aujourd’hui est donc Dans l’existence de cette vie-là, de Caroline Hoctan, aux éditions Fayard. Il est sorti pour la rentrée littéraire, donc en août 2016. Je l’ai lu en partenariat avec le site NetGalley et les éditions Fayard, qui m’ont envoyé ce roman. Je les en remercie. Voilà son résumé :
Et si notre existence n’était pas déterminée par nos origines sociales ou familiales mais par l’influence des livres ? Et si le sens de notre existence n’était pas le fruit du hasard et de la contingence mais celui de la cosmogonie et de l’organisation des étoiles ? Tout quitter, partir au bout du monde est-ce mourir un peu ou bien, au contraire, vivre plus intensément ? Existe-t-il un algorithme commun entre l’économie et la littérature ? La crise financière a-t-elle à voir avec la crise du roman ? Nos secrets de famille entretiennent-ils un rapport avec le secret de la littérature ? Lorsqu’un père joue le rôle d’un Sphinx, qu’en est-il de l’énigme à découvrir ?
Qu’est-ce que les personnages fictionnels nous disent de la réalité ? Commence alors pour le personnage – dont on ignore s’il est un homme ou une femme – une quête obstinée. Muni seulement d’une liasse de billets verts et d’une carte de visite portant un nom inconnu et une adresse, celui-ci entreprend un voyage de l’autre côté de l’océan, dans ce pays où l’on dit volontiers que tout est possible, afin d’y trouver des réponses.
Nous avons dans ce roman un héro qui vient de perdre son père, un père qu’il ne connaissait que peu parce que ce dernier vivait aux Etats-Unis. Tout ce que notre héro a retenu de son père, c’est l’amour pour la littérature de ce pays. Alors, je ne dis pas le nom de ce héro, tout simplement parce que, dans ce roman, il n’y a aucun nom de dit. Tous les noms et prénoms seront ceux cités par l’auteure, c’est-à-dire les personnes célèbres, auteurs ou hommes politiques, et pour les personnages de ce récit, ils ne seront mentionnés que par des qualificatifs ou noms propres, tels que « la femme du restaurant » ou « le garçon ». Ceci est assez déstabilisant puisque seules les personnes connues peuvent avoir leur nom dans ce roman. Voici donc un des éléments étranges de ce roman.
Nous sommes en 2008, en septembre, juste après la Crise qui a plongé le monde dans le chaos de l’endettement. Notre héro débarque alors aux USA afin de parcourir les traces de son père, de marcher dans les pas des grands auteurs américains. Il prend une chambre dans une maison d’hôte à New York. La ville n’est jamais mentionnée sous son nom, elle est juste appelée de ses nombreux surnoms, tels que la Grosse Pomme, etc. Là, notre personnage rencontre le fils de la propriétaire de la maison, le fameux « garçon », et enivré par toute cette littérature qu’il admire, qu’il considère d’ailleurs comme étant la seule littérature qui compte, la meilleure au monde actuellement, notre personnage principal se met en tête d’écrire à son tour un livre, un roman américain :
Mais qu’est-ce que tu cherches donc ? Je luis confie que je cherche un secret, peut-être même plusieurs secrets, et lui explique ainsi que ces secrets – si étrange que cela pourrait lui paraître – sont certainement liés et forment, en fait, un seul et unique secret, celui que je tente de découvrir et dont je ne peux rien lui dire pour l’instant puisque, précisément, je le cherche. Le garçon m’écoute avec attention, comme s’il se sentait concerné.
Mais avant cela, profitant qu’il soit à New York, notre héro se promène et déambule dans la ville afin de visiter les lieux qui ont vu naître les plus grands romans de la littérature américaine. Pour cela, il va se rendre dans des lieux, pour certains insolites, afin de voir où les auteurs ont écrits leurs ouvrages, ce qui a pu les inspirer, permettre qu’ils écrivent. En faisant cela, il espère découvrir le grand secret, ce qui permet aux auteurs américains d’écrire des chefs d’œuvres qui marquent la littérature de leur pays, mais aussi celle du monde. Et il poursuit ce secret même s’il doit se rendre dans un hôtel, ou visiter un appartement :
A tout hasard, je lui demande ce qu’il en est de la chambre de ce poète de WALDO originaire du petit « village de Llareggub » qui, à ses heures, a également été celui « qui rêve de boire, et cependant, ne pouvant pas, boit quand même » et parfois jusqu’à dix-huit whiskies – son record – , ce qui a fini par le faire trépasser, ici même, dans cet hôtel. Qui ? je répète le nom du fameux poète et précise qu’une plaque à son nom figure également à l’entrée. Est-ce la 205 du deuxième étage ? Il me parait plausible que la 205 soit au deuxième étage, du moins si l’étage n’a pas disparu lui-même pendant le réaménagement. La chambre 205 est toujours là, mais elle est occupé, répond le réceptionniste, qui propose de me la réserver lorsqu’elle sera à nouveau libre, m’assurant que c’est une chambre avec toutes les commodités possibles tandis qu’il m’en donne le prix. Pour une chambre où le grand CHERRY OWEN est tombé dans un coma fatal, le tarif me parait prohibitif. C’est le tarif pour ce type de chambre. J’acquiesce, non sans déception. L’hôtel a une nouvelle direction et la politique de l’établissement a changé, argue encore le réceptionniste en guise d’excuse.
Il y a plusieurs personnages dans ce roman, dont le héro, qui m’a parfois semblé assez plat, un peu léthargique. Il cherche des réponses à ses questions mais n’ose pas vraiment faire le premier pas. Il se contente de visiter la ville. De même, il veut écrire, mais on n’est jamais certain qu’il se lance bien dans l’aventure. On n’a jamais l’impression qu’il écrit, l’auteure ne nous donne pas ses doutes devant la page, ce n’est pas très clair j’ai trouvé. C’est pareil, on n’a que peu de détail sur son père, sur les liens qu’il avait. On ne sait pas non plus ce que faisait le héro lorsqu’il était encore en France. Tout ce qu’on a, c’est son arrivée aux USA et son amour soudain pour ce pays, pour cette ville qu’il découvre et dont il mesure toute la puissance face au vieux monde. En fait, à part ses impressions sur la ville et la vie aux USA, sur ses lectures et les auteurs qu’il admire, on ne sait que peu de peu de choses sur ce personnage qu’on suit pendant 500 pages. Je l’ai trouvé donc peu exploité.
Pour les autres personnages, ils plutôt anecdotiques. Ils sont là, puis ils disparaissent, avant de revenir. Et pourtant, pour certains, on a plus de détails que pour le personnage principal, comme pour le « garçon », le fils de la propriétaire, un adolescent désabusé qui rêve d’aller rencontrer le père qui l’a abandonné et qui vit maintenant en Espagne, occupé à dealer de la drogue. Enfin, je crois que c’est en Espagne, puisque le nom du pays n’est pas cité, mais que le héro fait lire Don Quichotte au garçon pour l’aider à visualiser le pays de ses origines. Le garçon est un personnage que j’ai dans l’ensemble apprécié, car il est à la fois désabusé, comme le personnage principal, sur son pays, mais aussi par moment optimiste, parce qu’il est jeune et qu’il a encore de l’espoir. Il symbolise alors les USA qui basculent entre ces deux extrêmes.
Mais le vrai personnage principal de ce roman, non son héro mais le personnage qui est le plus détaillé, qui est le plus manifeste dans ce livre, c’est la ville de New York en elle-même. Elle est omniprésente dans le roman, toujours là à planer sur les personnages, à leur montrer la voie, leur insuffler de l’énergie, ou au contraire les écraser de sa puissance. Pour le héro, elle est le symbole même de l’Amérique, la preuve de sa supériorité face au monde, une ville puissante culturellement, qui étend ses tentacules sur le monde, mais qui peut basculer à tout moment. Elle est à la fois l’Amérique et le monde qu’elle recueille en permanence dans ses entrailles. Le héro nous fait visiter tous ces lieux emblématiques que sont la Statue de la Liberté ou le lieu où débarquaient les réfugiés avant d’avoir le droit de fouler le sol du pays de l’Oncle Sam. La ville est tellement présente qu’on a qu’une envie : aller lire le livre dans Central Parc et suivre le chemin du héro.
Les plaintes stridentes de ses sirènes et ses alarmes, le bourdonnement continu de ses installations climatisées et de ses enseignes lumineuses, le crissement incessant des pneus de voiture sur son asphaltes poisseux d’hydrocarbure et les vociférations hagardes de tous ceux qui, ayant tout perdu, errent comme des morts-vivants à travers ses rues. Car, même si depuis les décennies écoulées tout a bien changé, si cette ville est parfois aussi triste que « Raïssa », l’invisible fut triste elle aussi, elle ressemble plus à rien de ce qu’elle a été, de ce qu’elle fut, de ses origines et, en même temps, elle est toujours la même, elle est toujours prise entre vitalité et engourdissement, entre gloire et déchéance, entre espoir et désespoir. Et c’est à partir de ce rapprochement effrayant entre l’idée qu’on se fait d’elle et ce que la réalité nous en donne à voir, qu’elle se révèle cruellement à nos yeux. Il n’en reste pas moins qu’elle apparaît comme la ville absolue. Celle qui continue de faire rêver le monde entier alors même qu’elle l’assujettit et l’ignore, lui imposant de gré ou de force ses modes et ses mœurs.
Ce roman n’est pas seulement propice au voyage dans les profondeurs de New York, c’est aussi un voyage dans la littérature américaine. Bien sûr, le héro voyage sur les lieux où ont été écrits les grandes œuvres de cette littérature, tel que Gastby Le Magnifique, etc, mais on a aussi une réflexion sur ce qui fait la littérature, ce que qu’elle est. Je n’ai pas toujours été d’accord avec les affirmations de ce roman, les positions que prend l’auteure dans ce récit, telles que celles qui affirment qu’un livre qui se vend à des millions d’exemplaires est forcément un produit marketing, que les livres doivent être écrits dans la douleur, que le fantastique ou autre genre non contemporain ne servent qu’à remplacer la télévision, etc. J’ai retrouvé par moment dans la bouche des personnages ce discours que je déteste et que j’ai déjà exposé dans cet article Toutes les lectures sont-elles égales ? En fait, les personnages mettent la littérature tellement au-dessus de tout qu’ils en oublient sa fonction première : celle de rêver. Ils ne voient en elle qu’une manière d’extrapoler le futur, de dépasser le présent et sa réalité. C’est assez compliqué à expliquer, mais le héro considère que la littérature doit permettre de mettre en évidence ce qui pose problème dans le présent, ce qui va changer dans le futur, ou risque de poser problème.
Grâce aux questions sui sont posées sur cette recherche de la littérature, nous avons aussi des conseils sur la manière d’écrire, sur ce qu’est un roman, sur ce qu’il doit représenter dans le monde, sur le rôle des lecteurs et de la lecture dans nos mondes dirigés par la télévision. J’ai trouvé cette approche-ci assez intéressante.
Que devrais donc représenter le roman, aujourd’hui, pour compter toujours à ses yeux ? Il faudrait qu’il représente une œuvre qui n’aborde que des choses particulière, qui, elles-mêmes, ne pourraient être ni exprimées autrement que par l’écriture, ni ailleurs que dans un livre, ni d’aucune autre manière que dans un roman…
Comme je l’ai dit, c’est un roman assez long, avec beaucoup de choses dedans, beaucoup d’éléments. Nous sommes donc en 2008 au début de la Crise, donc avec des Etats-Unis presque à terre, avec des situations très précaires telles qu’on a pu en voir aux informations à cette époque. Nous sommes aussi à l’aube d’une élection présidentielle historique, celle d’Obama. dans toute cette effervescence, l’auteure nous livre une critique profonde et acerbe du système dans lequel nous vivons. Nous avons donc droit à tout un déballage philosico-politique de ce à quoi la société tend, une critique de la société telle qu’elle est et de sa future destruction. C’est très intéressant, mais il faut adhérer à ces idées pour ne pas sentir un élan de « ras-le-bol » à force de voir revenir ces idées au cours de notre lecture.
Où que nous vivons – nous sommes prisonniers de ce système qui nous réduit uniquement à quémander ou à prier. Mais sans doute sommes-nous d’abord prisonnier de l’aliénation que nous construisons et ne cessant de l’écouter, de suivre et de visionner les informations dont nous aimons à nous complaire de la gravité et que nous alimentons allégrement de notre opinion, tant par ignorance que par suffisance, alors même que rien ne force à leur accorder la moindre importance.
En fait, malgré une histoire qui met beaucoup de temps à se mettre en place et des références sur chaque page à des romans ou des auteurs américains, ce récit est assez sympa à lire. J’ai fini par m’y accrocher et y adhérer. Par contre, moi je l’ai lu en ebook. Je vous déconseille de le lire via ce format. Je ne sais pas ce qu’on fait les éditeurs avec, mais il est presque illisible, si bien que ma liseuse a bugée avec ! Il a été une galère à lire. Et sans parler du format, la mise en page est horrible. Je trouve ça assez scandaleux de la part des éditions Fayard qui sont une grande maison d’édition. Je pense qu’ils se sont loupés là-dessus. Certes, je peux comprendre le choix de leur mise en page, qui représente en fait le récit, son enchaînement, mais ils auraient pu au moins séparer les chapitres, car là ils s’enchaînent sans aucun changement de pages ! Et les phrases sont énormément longues, ce qui n’arrangent rien. Il n’y a pas non plus de différence entre le récit et les dialogue…
Voici une capture d’écran du texte sur mon ordinateur pour vous donner une idée de la lecture que cela donne :
Je vais donc finir cette chronique en disant que ce roman est intéressant, qu’il impose une certaine réflexion sur la littérature, sur notre manière de concevoir l’écrit, mais aussi sur notre société, notre mode de fonctionnement, notre rapport à la politique, mais qu’il est assez compliqué à lire, et que si on n’a pas une formation en littérature américaine, on passe un peu à côté des citations des œuvres ou des auteures. Ce que j’en garde c’est l’image de New York et la critique de la société, ainsi que l’espoir et l’énergie américaine confrontée à l’inertie française. C’est un roman à lire, mais auquel il faut donner du temps et de l’énergie.
Et vous ?
Qu’auriez-vous ? Auriez-vous abandonné sa lecture ?
Aimez-vous les romans avec beaucoup de référence ?
Que représente pour vous la littérature américaine ?
Quels auteurs américains recommanderiez-vous ?
A la semaine prochaine :p